le droit à l'éducation

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le droit à l'éducation

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME Cinquante-sixième session Point 10 de l'ordre du jour provisoire

Geneva—20 March 2000

Le droit à l'éducation est, aux yeux de la Communauté internationale Bahà'ie, l'un des droits les plus importants exposés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. Son importance est telle qu'il est exposé de manière détaillée à la fois dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. A travers l'histoire, la mission même des fondateurs des grandes religions a d'ailleurs été d'éduquer le genre humain.

L'éducation joue un rôle décisif dans l'épanouissement du potentiel de chacun et dans la possibilité de jouir de tout l'éventail des droits de l'homme. Elle doit en même temps être au service de l'ensemble de la société, instillant en chacun un respect constant des droits d'autrui et le désir de faire respecter et défendre ces droits.

La Communauté internationale Bahà'ie apprécie, donc, qu'en 1998 la Commission des droits de l'homme ait accepté la recommandation du Comité des droits économiques, sociaux et culturels de nommer un rapporteur spécial dont le mandat "portera essentiellement sur le droit à l'éducation". 1/ Il y a également lieu de se réjouir de ce que son mandat concerne la mise en œuvre "du principe de l'enseignement primaire obligatoire universel et gratuit" 2/       et tienne compte de "la situation et des besoins des fillettes." 3/

L'accès à l'éducation est certes une question à laquelle les Gouvernements comme les organisations non gouvernementales doivent être particulièrement attentifs, mais il nous semble que son contenu est essentiel. La Déclaration universelle des droits de l'homme précise que le but de l'éducation est non seulement "le plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité" mais aussi de favoriser "la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux, ethniques ou religieux…" 4/ Pour atteindre ces idéaux, l'éducation doit s'adresser à la personne tout entière, c'est à dire chercher à développer toute la gamme des capacités humaines – intellectuelles, sociales, physiques et spirituelles.

Dans l'esprit d'un grand nombre, le but visé par l'éducation se limite à permettre à l'individu d'accéder au bien-être et à la prospérité matériels, en faisant peu de cas de sa responsabilité envers autrui et l'humanité dans son ensemble. Une vision aussi matérialiste de l'éducation continuera à accentuer l'inégalité entre les rares nantis et les innombrables démunis, perpétuant les injustices de la stratification sociale et contribuant à l'instabilité croissante du monde. Si, pourtant, l'éducation matérielle va de pair avec l'éducation spirituelle et l'épanouissement moral, elle oeuvrera au bien-être et à la prospérité de l'humanité tout entière. Au lieu de privilégier la compétition, l'éducation ferait bien, à cet instant précis de l'histoire, de forger les mentalités et les talents nécessaires à la coopération car la survie même du genre humain dépend à présent de notre capacité à coopérer et de notre engagement collectif en faveur de la justice et des droits de l'homme pour tous. De cette capacité à coopérer avec les autres dépendra également l'accès d'un plus grand nombre au droit à l'éducation.

Les récents conflits en Europe démontrent la faillite de la seule éducation matérielle à entretenir le respect des droits de l'homme. La foi bahà'ie a pour principe de donner au spirituel et au moral le pas sur les autres aspects de l'éducation. "Bonne conduite et qualités morales élevées doivent passer avant tout," disent les écrits bahà'is, "car à moins que les qualités morales ne soient bien formées, l'acquisition de la connaissance ne fera que s'avérer nocive. La connaissance est digne d'éloges quand elle se double d'une conduite morale et d'un caractère vertueux, sinon c'est un poison mortel, un danger effrayant." 5/ L'éducation morale et spirituelle a pour fonction de mettre les capacités humaines au service du bien commun. Nous soutenons que le but de l'éducation devrait être non seulement l'acquisition du savoir, mais aussi l'acquisition de qualités spirituelles telles que la compassion, la loyauté, le sens du service, la justice, et le respect de chacun.

Au cœur du rapport de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, L'éducation: Un trésor est caché dedans, 6/       se trouve la notion , mise en avant dans la Convention relative aux droits de l'enfant, que l'éducation devrait permettre à l'individu (homme ou femme) de développer pleinement ses potentialités. 7/   "Considère l'homme comme un gisement de pierres précieuses d'une valeur inestimable." recommande Bahà'u'llàh, " L'éducation seule peut lui faire révéler ses trésors, et permettre à l'humanité d'en bénéficier." 8/     Ces richesses doivent être consciemment développées, exploitées et cultivées car même si l'aptitude au bien est innée, les êtres humains peuvent devenir la proie d'inclinations dépravées qui le sont tout autant. "L'homme est lisse comme l'acier", dit Bahà'u'llàh, "dont l'essence est cachée: c'est par la réprimande et l'explication, de bons conseils et l'éducation, que cette essence sera révélée. Si, toutefois, l'homme est abandonné à sa condition originelle, la corrosion des désirs et des appétits le détruira pour de bon". 9/

Parce que tout enfant a besoin d'éducation, particulièrement dans le domaine des valeurs morales, il est essentiel que l'éducation soit assurée aux fillettes, qui seront les mères et les premières éducatrices des générations à venir.       Eduquer les mères est la façon la plus efficace d'assurer que les bénéfices de l'éducation soient répartis dans l'ensemble de la société. Donner aux femmes et aux filles l'égalité d'accès à l'éducation rendra également possible leur pleine participation à la société, ce que les Bahà'is croient être le futur catalyseur de la création d'une société juste et de l'établissement d'une paix durable dans le monde. Par conséquent, nous faisons nôtre la recommandation de la résolution selon laquelle le Rapporteur spécial doit "promouvoir l'élimination de toutes les formes de discrimination dans le domaine de l'éducation". 10/

En considérant le contenu de l'éducation, il importe de se rappeler que les préventions qui divisent les peuples du monde et qui par moments se manifestent brutalement sous forme de conflits et de guerres ne résultent pas de la seule ignorance mais sont parfois le produit d'une éducation partiale. Développer et adopter un ensemble universel de principes d'éducation fondé peut- être, sur la Déclaration universelle des droits de l'homme, pourrait fournir un cadre unificateur dans lequel cultiver une meilleure compréhension de la diversité de l'expérience humaine. La solidité d'un tel cadre viendra de son ancrage dans le principe de l'unicité de l'humanité. L'acceptation de ce principe permettra la culture de l'unité parmi les divers membres de la famille humaine, par la prise de conscience d'aspirations humaines communes dans les divers cultures, coutumes, et tempéraments qui existent dans chaque pays et à travers le monde. L'unicité de l'humanité et l'universalité des droits de l'homme devraient être enseignées dans chaque salle de classe du monde, de même que les techniques de concertation et de résolution des conflits.

L'éducation devrait être universelle, obligatoire et gratuite. Ce but ne peut certes être atteint que s'il y a partage de responsabilité. "Chacun, homme ou femme, devrait", selon l'écrit bahà'i, "remettre une part de ses gains dans le commerce, l'agriculture ou un autre métier, au profit de la formation et l'éducation des enfants." 11/   Nous approuvons la Rapporteuse spéciale sur le droit à l'éducation, Mme Katarina Tomasevski, pour avoir abordé la question des "obstacles financiers entravant l'accès à l'enseignement primaire" dans son rapport préliminaire 12/.

Même là où les Gouvernements offrent des services éducatifs, certains groupes rencontrent encore des obstacles. L'expérience des organismes des Nations Unies et des Etats Membres dans les domaines de l'alphabétisation et de la santé publique a montré que dans divers pays certaines tranches de la population demeuraient incapables de bénéficier de tels services publics par suite de situations politiques, culturelles, ethniques, linguistiques ou géographiques. Nous soutenons donc qu'une disposition spéciale devrait s'appliquer à la protection du droit à l'éducation des groupes qui en sont privés. Nous attendons avec intérêt "l'information quantitative et qualitative disponible sur les caractéristiques du manque d'accès à l'éducation afin de définir les obstacles à la réalisation du droit à l'éducation" 13/             que la rapporteuse spéciale se propose de recueillir et d'analyser.

La priorité devrait certes être donnée à l'éducation universelle obligatoire au moment de l'enfance, mais nous sommes également convaincus que chacun tire avantage d'une éducation répartie sur la vie entière. L'UNESCO dit que l'éducation devrait instiller une soif et un désir de connaissance, 14/ et nous aimerions ajouter qu'elle devrait également développer un désir d'excellence. De telles aspirations acquises pendant l'enfance, doublées de la possibilité pendant toute sa vie de compléter l'éducation, sont les bases d'une civilisation en constante progression.

La Communauté internationale Bahà'i poursuivra ses efforts visant à soutenir une éducation qui développe la capacité individuelle et instille le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales de chacun. A cet égard, elle a le plaisir d'apporter son soutien sans réserve et sa coopération à la Rapporteuse spéciale de la Commission pour la préservation et la mise enœuvre universelle du droit à l'éducation.

Notes

1/    Commission des droits de l'homme, Résolution 1998/33, par. 6 a).

2/    Ibid., par. 6 a) ii)

3/    Ibid., par. 6 a) iii)

4/     Article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels;      article 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme

5/     L'éducation bahà'ie, recueil d'extraits des écrits bahà'is. Londres, Bahà'i Publishing Trust, 1987, p.29, par. 74.

6/     Voir le rapport à l'UNESCO de la Commission internationale sur l'éducation pour le XXIe siècle : "L'éducation: Un trésor est caché dedans".

7/    Voir la Convention relative aux droits de l'enfant, art. 29 a).

8/    Morceaux choisis de Bahà-u-Ilàh, CXXII, pp. 259-60.

9/    L'éducation bahà'ie

10/   Commission des droits de l'homme, Résolution 1998/33, par. 6 a) iii)

11/   Tablettes de Bahà-u-Ilàh p. 90

12/   E/CN.4/1999/49, par. 32-41.

13/   id., par. 59.

14/    Rapport à l'UNESCO de la Commission internationale sur l'éducation pour le XXIe siècle. Un des quatre piliers de l'éducation est d' "apprendre à connaître".