Au cœur de la résilience : La crise climatique, catalyseur d'une culture de l'égalité
Une déclaration de la Communauté internationale bahá'íe à la 66e session de la Commission de la condition de la femme
Dans un monde où chaque jour les menaces du changement climatique s’accumulent, une double réalité s’offre à nous : Alors que les femmes sont touchées de manière disproportionnée par le changement climatique, elles sont particulièrement bien placées pour diriger les efforts qui tentent d’y répondre. Suite à une catastrophe d'origine climatique, les moyens de subsistance dépendent directement d'écosystèmes stables et sains – souvent cultivés par les femmes – qui sont bouleversés. Beaucoup perdent l'accès à la terre, au logement, ainsi qu’à un soutien financier ou à des aides. Les vulnérabilités s'accentuent là où les sociétés ne parviennent déjà pas à valoriser pleinement les potentialités des femmes. Pourtant, les femmes ne sont pas simplement des victimes. Leurs points de vue rassemblent l'étendue de l'expérience humaine et permettent de construire une image plus complète de la réalité. Souvent reliées en de vastes réseaux, les femmes font partie intégrante de l'épanouissement collectif, des solutions communautaires et de la mobilisation des membres d’une communauté. Qu’elles soient à la pointe de la réflexion économique, responsables politiques, militantes pour le climat, petites exploitantes agricoles, ou au moyen d’une multitude d'autres capacités, les femmes du monde entier apportent des contributions considérables en rapport avec l'action climatique, la gestion des ressources naturelles, la sécurité alimentaire ou l'innovation scientifique, qui conduisent à des solutions durables. L’expérience des femmes, jeunes ou moins jeunes, offre une vision judicieuse de la sauvegarde de la maison de l’humanité, pour les générations présentes et futures. Pour que ce potentiel des femmes soit pleinement exploité, il faudra agir sur au moins deux fronts : accroître la présence des femmes dans les rôles de direction et créer les conditions permettant aux femmes de s'engager de manière plus significative dans la vie communautaire.
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À tous les niveaux de la société : la famille, la communauté, le gouvernement local, l'entreprise ou la nation, il est de plus en plus évident que l'humanité ne peut que bénéficier de la promotion et de l'adoption du leadership des femmes devant la montée des risques climatiques. Les qualités de leadership généralement associées au masculin : l'affirmation de soi et la compétitivité, par exemple, trouvent souvent leurs limites lorsqu'elles ne sont pas tempérées par celles qu’on associe généralement au féminin, telles que la tendance à la collaboration et à l’intégration, et la disposition à prendre soin des autres et à l'altruisme. Privilégier les intérêts à long terme, prendre en compte le bien-être des générations futures et examiner plus largement l'impact sur les hommes des politiques décidées est une tendance de plus en plus reconnue comme un outil nécessaire à la formulation de stratégies et de programmes respectueux de l'environnement visant à construire des communautés plus résilientes. Bien entendu, ces qualités peuvent être illustrées par les dirigeants indépendamment de leur sexe. Cependant, en augmentant la participation des femmes aux postes de direction, ces qualités influenceront de manière plus cohérente la culture du leadership et caractériseront les stratégies de mise en œuvre des projets.
Créer des occasions pour les femmes de participer aux divers niveaux de gouvernance ainsi que dans de multiples rôles communautaires s'avérera essentiel pour s’assurer que leur expérience influence de plus en plus les décisions importantes. Cependant, pour que cette participation s'exprime pleinement, il faudra intégrer intentionnellement le principe de l’égalité des sexes dans les processus de gouvernance eux-mêmes et reconfigurer les systèmes institutionnels pour rendre possible des relations équilibrées. La possibilité d’une participation active des femmes à l'élaboration des prises de décision devra être garantie. La reconnaissance du fait que la multiplicité des perspectives est une condition préalable à un questionnement efficace sur les défis qu’affronte la société devra caractériser chaque délibération. Cela devra faire partie du travail de transformation en environnements inclusifs des lieux historiquement dominés par les hommes, environnements où tous se sentiront autorisés à s'engager, et où les hommes, motivés par un esprit de compréhension, apprendront à consulter et à agir véritablement de concert avec les femmes. À mesure que chacun sera valorisé pour ses contributions spécifiques à l’intérêt collectif, la confiance, si essentielle à la résilience de toute communauté, pourra se concrétiser entre les individus mais aussi dans les institutions engagées pour le bien-être de tous. L'établissement de relations plus matures au sein des systèmes de gouvernance deviendra donc à la fois un processus et un résultat dans l'élaboration de politiques capables de répondre aux impacts du changement climatique.
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Pour que cette transformation perdure, il faudra que s’enracinent, dans l’ensemble de la société, le concept de l'égalité des sexes et l’engagement à construire, dans tous les domaines, une vie publique façonnée à la fois par les femmes et par les hommes, dans un partenariat dynamique. Pour préparer le terrain à cette culture de l'égalité, des politiques internationales, guidées par des principes de justice, d'équité et de dignité, seront indispensables tout comme la création d'institutions mondiales chargées de systématiser les connaissances acquises par les expériences locales. En effet, le travail de promotion de l'égalité entre les sexes doit se faire autant dans un contexte local qu'international. Par exemple, à Dili, au Timor oriental, les efforts déployés, six mois avant un cyclone dévastateur, pour tisser un modèle unifié de vie communautaire ont contribué à la résilience de la communauté. « Dans ce court laps de temps, nous avons beaucoup appris sur la façon de servir ensemble. Chaque jour, nous agissions puis analysions nos résultats avant de planifier le jour suivant », rapporte un membre de cette communauté. Ce mode de collaboration, qui s'éloigne des notions préconçues de progrès, a permis de développer les compétences et les réseaux nécessaires à la formation des structures de secours capables de distribuer de la nourriture et d'autres produits essentiels. Sans attendre de rémunération, les membres de cette communauté ont soutenu plus de 7 000 personnes dans 13 villages et quartiers alors que l'aide extérieure était inaccessible. À Okcheay, au Cambodge, de jeunes participant à des programmes moraux et spirituels leur apprenant à se mettre au service de la société, ont conçu collectivement un projet local de plantation d'arbres qui a protégé une partie de leurs routes de l'érosion du sol lors des graves inondations survenues un an plus tard. Bien que simples, ces efforts offrent un aperçu de la manière dont le développement de communautés inclusives et cohésives peut contribuer non seulement à la volonté d’affronter les catastrophes et de survivre, mais aussi de vivre au sens le plus noble du terme.
La communauté, élément constitutif de la société mondiale, fournit un lieu où des modes de vie alternatifs, inclusifs et coopératifs peuvent s'exprimer, où les hommes en viennent à considérer sans réserve les femmes comme des partenaires égales, et où tous peuvent développer des capacités de leadership. Construits à la base, ces nouveaux modèles de vie communautaire s'inscrivent dans une entreprise mondiale plus vaste, car les communautés qui apprennent à appliquer le principe de l'égalité des sexes, en toutes circonstances et pour le bien de tous, contribuent à un corpus croissant de connaissances au niveau international. Ce processus peut prendre diverses formes. Pour sa part, la communauté bahá'íe mondiale, avec d'autres collaborateurs, a appris à appliquer des principes spirituels à la vie de la communauté en éliminant les obstacles préjudiciables à la participation des femmes. Grâce à des programmes d'éducation morale, des attitudes d'unité et de camaraderie sont inculquées dès le plus jeune âge, de sorte que les participants en viennent à se considérer comme des alliés précieux qui travaillent au bien-être de leur communauté. Le concept de renforcement des capacités est au cœur de ce processus : il s'agit d'améliorer la capacité des participants à mieux comprendre les réalités matérielles, sociales et spirituelles de leurs sociétés et à concevoir collectivement les prochaines étapes de leur propre voie de progrès, tout en s'épanouissant en servant les autres. À cette fin, des lieux ont émergé de manière organique pour que les individus puissent réfléchir ensemble à leurs défis, identifier des réponses constructives et explorer des questions plus profondes liées au sens de la vie. C’est dans ces lieux qu’en temps de difficulté, l'espoir peut s’exprimer et où les liens de solidarité peuvent se renforcer. Les exemples susmentionnés montrent que les capacités, les attitudes et les qualités qui caractérisent une communauté peuvent renforcer sa résilience face à des événements extrêmes ou à des difficultés environnementales permanentes.
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Les Nations unies sont particulièrement bien placées pour montrer à quoi pourrait ressembler, au niveau international, une telle culture de l'égalité, en créant par exemple, entre ses multiples agences, des lieux de délibération ouverts, en harmonisant ses divers processus liés à l'égalité et à l'inclusion des sexes, et en étudiant comment sa structure interne pourrait refléter de plus en plus ces principes. Les Nations unies joueront sans aucun doute un rôle essentiel dans l'élaboration de cadres politiques internationaux et dans l'encouragement du financement d'initiatives favorisant une meilleure appréciation de l'impératif de l'égalité des sexes. Et elles pourraient faciliter le partage des connaissances créées par les acteurs à chaque niveau. À ce sujet, des considérations importantes telles que la manière dont les dispositifs institutionnels et sociétaux peuvent être reconfigurés pour permettre une participation significative des femmes, ainsi que la manière dont des sociétés solidaires peuvent être forgées avant même le début d'une catastrophe, pourraient être revues périodiquement dans des cadres internationaux tels que cette Commission.
L'état du monde met en évidence une vérité universelle : les expériences collectives de l'humanité sont partagées et des réponses efficaces exigent que l'ensemble des perspectives soient représentées à tous les niveaux de gouvernance. On commence à voir des exemples où des expressions plus matures de la vie communautaire et des dispositions institutionnelles ont permis aux femmes de jouer un rôle de protagonistes efficaces face aux difficultés locales et aux catastrophes mondiales. C'est précisément dans les périodes de turbulence qu'il existe de profondes possibilités de redéfinir les valeurs collectives et les hypothèses qui les sous-tendent. Les défis posés par le changement climatique devraient servir de catalyseurs pour adopter de nouvelles approches de formes de gouvernance inclusives ainsi que des modèles de vie communautaire équitables, capables de libérer toute la gamme des expériences humaines.
Source URL : https://www.bic.org/sites/default/files/211117_heart_of_resilience- _csw_66_statement.pdf
Traduction du Bureau des affaires extérieures des bahá'ís de France