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Protection des minorités

Protection des minorités

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME Cinquante-cinquième session Point 16 de l'ordre du jour provisoire RAPPORT DE LA SOUS-COMMISSION DE LA LUTTE CONTRE LES MESURES DISCRIMINATOIRES ET DE LA PROTECTION DES MINORITÉS

11 January 1999

Alors que partout éclatent des conflits intérieurs de plus en plus fréquents, la communauté internationale ressent l’urgence de s'attaquer à la question des minorités. Tous les pays ayant une minorité quelconque en leur sein, les gouvernements commencent à se demander si elle ne représente pas en germe un élément d'instabilité plus répandu qu'il n'y paraissait jusqu'à maintenant. Rien de plus indiqué donc aujourd'hui que d'inscrire la question des minorités à l'ordre du jour de l'ONU. La Déclaration relative aux droits des Personnes appartenant à des minorités nationales, ethniques, religieuses et linguistiques, adoptée il y a un peu plus de 5 ans, a considérablement contribué à faire avancer le débat, en formulant des normes internationales. Non seulement elle proscrit la discrimination à l'égard des minorités, mais affirme aussi la nécessité d'encourager et de sauvegarder la diversité culturelle, linguistique et religieuse à l'intérieur des pays. La norme ayant été posée, il ne reste plus qu'à l'appliquer. A cet égard, la Communauté internationale baha'ie est heureuse de constater que le groupe de travail sur les minorités, instauré par la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, met peu à peu en place des mesures destinées à suivre l'application de la déclaration et à régler les problèmes soulevés par sa mise en œuvre.

La Communauté internationale baha'ie estime que tant les minorités que les majorités ont la responsabilité de veiller à l'application de l'égalité des droits à l'égard des minorités. Il incombe néanmoins plus particulièrement aux groupes qui sont au pouvoir (qu'ils soient issus de la majorité ou d'une minorité) d'effectuer, dans un souci de justice, les ajustements sociaux et politiques nécessaires au plein exercice, par les autres composantes de leur société, de leurs droits communs et fondamentaux. Quant aux autres groupes, ils sont moralement tenus de mériter les efforts sincères déployés à leur égard, et de reconnaître, accepter et remplir leurs responsabilités envers l'ensemble de la société. Face aux problèmes qui ne manqueront pas de surgir, tant les majorités que les minorités devront tenir compte de l'interdépendance croissante du monde, où l'intérêt de la partie réside dans celui du tout et où le tout ne peut s'épanouir tant que des parties sont maintenues dans l’oppression ou le besoin.

L'impulsion doit venir des gouvernements, qui devront prouver leur volonté d'accorder aux minorités les mêmes droits que ceux dont bénéficient les autres citoyens. Pour ce faire, ils pourraient examiner dans quelles conditions certaines minorités tendent à se trouver exclues et adopter des lois pour y remédier. Si les lois représentent une avancée majeure, elles ne suffisent jamais à mettre fin au traitement discriminatoire des minorités. Il faut que les comportements changent. Les groupes doivent apprendre à se considérer de manière radicalement différente. Ils doivent s'estimer en partenaires, en collègues, aussi dignes de respect et d'égalité de traitement les uns que les autres. Les majorités doivent cesser de se prétendre titulaires de tous les droits, et les minorités se libérer du sentiment d'impuissance et de suspicion dû à une discrimination prolongée.

Les lois peuvent effectivement faciliter les changements d'attitude, en sanctionnant des comportements jugés jadis acceptables. Dans la mesure où elles poussent les individus à modifier leurs comportements, elles les incitent aussi à remettre en cause les croyances qui les sous-tendent et à réfléchir aux principes qui devraient régir les nouvelles attitudes. Cependant, seule une transformation des cœurs et des esprits permettra d'éradiquer définitivement le sentiment de haine à l'égard de ceux que nous percevons différents de nous. Et seule l'influence de principes moraux et spirituels peut opérer ce changement en profondeur. La paix, l'harmonie et la stabilité du monde reposent sur le principe de l'unicité de l'humanité. Méconnaître ce principe nous rend vulnérables aux peurs et haines irrationnelles si facilement attisées par le mensonge, les demi-vérités, les distorsions et les accusations incendiaires proférées par des dirigeants peu scrupuleux, attachés à leurs propres intérêts.

Cependant, unité ne signifie pas uniformité; au contraire, croire en l'unicité de la famille humaine engage à respecter sa diversité. Pour aller vers un monde uni dans sa diversité, il faut apprendre aux enfants à y voir une source de richesses et non une menace. La Communauté internationale baha'ie félicite donc le groupe de travail de s'être attaché à promouvoir l'éducation multi et inter-culturelle. Pour elle, reconnaître dans la diversité culturelle l'expression multiple de notre humanité commune est une des clés de la résolution pacifique et durable des conflits où interviennent des minorités. Les auteurs des programmes scolaires devraient s'attacher à rendre caduques les animosités d'ordre ethnique, linguistique et religieux, et promouvoir la connaissance des différentes cultures de chaque pays, de façon à mettre en valeur les aspirations communes qui nous relient les uns aux autres, en qualité de membres de la famille humaine. Un enfant formé à apprécier les qualités humaines fondamentales présentes dans une large palette de cultures, n'hésitera pas à considérer chacune d'elles comme une source de richesse pour l'ensemble de la société. Il sera aussi beaucoup moins exposé à la manipulation de ceux qui dressent les groupes les uns contre les autres, pour mieux servir leurs intérêts politiques.

La Communauté internationale baha'ie est persuadée que si l'on veut voir couronnés de succès les efforts des Nations Unies et des gouvernements en faveur des droits de l'homme, il faut que pouvoirs politique et juridique, spirituel et moral conjuguent leurs influences. Pour sa part, elle tente de relever le défi en s'employant à promouvoir les minorités représentées en son sein à travers le monde. En effet, leur croyance engage les communautés baha'ies à aller au-delà de la simple tolérance à l’égard des minorités, et de les cultiver, les encourager et les protéger, quelle que soit leur nature, ethnique, nationale ou religieuse. Ainsi les écrits baha'is stipulent-ils que si une discrimination quelconque est tolérée, elle doit s exercer en faveur de la minorité. Inspirés par les principes unificateurs de l'ordre mondial instauré il y a plus d'un siècle par Baha'u'llah, les communautés baha'ies du monde s'efforcent ainsi d'intégrer des peuples de toutes origines ethniques, nationales et religieuses en une seule communauté, unie et diverse à la fois..

La Communauté internationale baha'ie poursuivra sa collaboration avec le groupe de travail sur les minorités, et partagera volontiers avec lui l'expérience acquise à unir les communautés dans le respect de leur diversité.

Place et importance de la spiritualité dans le développement

Place et importance de la spiritualité dans le développement

lRemarques initiales sur la création d'indicateurs spirituels pour le développement Rapport conceptuel présenté au "Dialogue mondial de la fois et le développement", mené par le Président de la Banque mondiale et l'Archevêque de Canterbury au Palais de Lambeth.

Londres, Angleterre—18 February 1998

Table des matières

Résumé

 

  1. Perspective baha'ie sur le développement
  2. Indicateurs pour le développement : valeur et l'utilisation
  3. Indicateurs spirituels pour le développement : remarques initiales
  4. Indicateurs spirituels : cinq principes fondamentaux
  1. Unité dans la diversité
  2. Équité et justice
  3. Égalité des sexes
  4. Confiance et l'autorité morale
  5. Recherche indépendante de la vérité
  1. Indicateurs spirituels : une politique prioritaire sur cinq axes
  1. Développement économique
  2. Éducation
  3. Régie de l'environnement
  4. Satisfaction des besoins fondamentaux, tels que nourriture, alimentation, santé et habitat
  5. Administration et participation
  1. Développement des indicateurs spirituels : trois exemples
  2. Dans le chemin de développement d'indicateurs spirituels: étapes de collaboration possibles

Résumé

Le concept de ce rapport porte sur l'importance de la création des mesures destinées à évaluer le progrès du développement, grâce au prisme de principes spirituels. Ce rapport cible au départ une perspective baha'ie sur le développement. Ensuite il passe à l'utilisation actuelle des indicateurs et introduit le concept d'indicateurs spirituels pour le développement. Il passe en revue, bien que brièvement, les cinq principes spirituels d'une importance capitale pour le développement, et les cinq domaines d'action politique dans lesquelles ces principes pourraient être appliqués, afin de créer des objectifs et des indicateurs permettant de mesurer la progression de ces motifs. Trois exemples concis sur la manière dont de tels indicateurs peuvent être conçus et développés seront présentés. Ensuite, une initiative de collaboration visant à la mise en place d'indicateurs spirituels pour le développement, et englobant des entités religieuses et une agence internationale pour le développement, sera suggérée.

Le développement réel de ces mesures n'entre absolument pas dans les ambitions de ce rapport. Plutôt, le but de ce rapport consiste, comme le souligne son sous-titre, à offrir des remarques initiales concernant la création d'indicateurs spirituels pour le développement, avec l'espoir qu'un processus consultatif aura été engagé par lequel la tâche difficile, mais cependant profondément satisfaisante de conceptualisation et de développement de ces indicateurs, pourra véritablement commencer.

 

I.   Perspective baha'ie sur le développement

Le développement, selon la philosophie baha'ie, est un processus organique, par lequel "le spirituel s'exprime et se manifeste dans le matériel". Un développement authentique requiert que des processus à première vue incompatible, tels que l'avancement individuel et le progrès social, la mondialisation et la décentralisation, la promotion des valeurs universelles et l'appui sur la diversité culturelle, soient harmonisés. Dans notre monde où l'interdépendance ne cesse de croître, les efforts de développement doivent être guidés par une vision du type de communauté mondiale que nous cherchons à créer, et être animés par un ensemble de valeurs universelles. En même temps des institutions appropriées, depuis le niveau local jusqu'au niveau planétaire, et des systèmes de gouvernement par lesquels les peuples peuvent assumer la responsabilité des institutions et des processus qui influent sur leurs vies, sont également essentielles.

Baha'u'llah nous enseigne que la reconnaissance du principe spirituel fondamental de notre âge, ou l'unité de l'humanité, doit être au centre d'une nouvelle civilisation. L'acceptation universelle de ce principe exigera et rendra possible toute à la fois une modification majeure des systèmes éducatifs, sociaux, agricoles, industriels, économiques, légaux et politiques du monde. Cette modification, qui doit se faire selon un dialogue continuel et intense entre les deux systèmes de connaissances accessibles à l'humanité - la science et la religion - facilitera l'émergence de la paix et de la justice à travers le monde.

Les communautés florissantes et prospères de futur le seront parce qu'elles auront pris conscience de la dimension spirituelle de la nature humaine et auront pris leur priorité fondamentale le développement moral, psychologique, physique et intellectuel de l'individu. Elles garantiront la liberté religieuse et encourageront l'établissement de lieux de prières. Leurs centres éducatifs chercheront à cultiver les potentialités latentes illimitées dans la conscience humaine, et auront pour objectif principal la participation de tous les peuples au processus du développement et d'application des connaissances. Ne perdant jamais de vue le caractère indissociable des intérêts de l'individu et de ceux de la société, ces communautés favoriseront le respect des droits comme des responsabilités, cultivant l'égalité et le partenariat entre femmes et hommes, et assurant la protection et l'épanouissement des familles. Elles intégreront la beauté qu'elle soit naturelle ou créée par l'homme, et feront la part belle en architecture aux principes de préservation et de réhabilitation de l'environnement. S'inspirant de la notion d'unité dans la diversité, elles encourageront largement la participation aux affaires de la société, et se tourneront de plus en plus vers des dirigeants motivés par le désir de servir. Les fruits de la science et de la technologie bénéficieront à l'ensemble des membres de ces communautés et il y aura du travail pour tous.

Les communautés de ce type apparaîtront comme les piliers d'une civilisation mondiale qui viendra logiquement couronner les longs efforts déployés par l'humanité dans de vastes régions en matière de construction communautaire. L'affirmation de Baha'u'llah, selon laquelle tous les êtres sont "nés pour faire avancer une civilisation en progrès constant", implique que tout un chacun a, à la fois, le droit et la responsabilité de contribuer à cette vaste entreprise collective et historique dont l'objectif n'est autre que la paix, la prospérité et l'unité de l'ensemble de la famille humaine.6

Les baha'is demeurent optimistes quant au caractère inévitable de ce futur, et considèrent que sa naissance a déjà commencé. Ils sont aussi réalistes, comprenant que l'avancée vers ce futur exigera d'une quantité énorme de persévérance de la part de l'humanité, d'esprit de sacrifice et de changement. Le calendrier et le coût précis de cet avancement seront largement déterminés par les actions menées dans les prochaines années, par les gouvernements, les organisations multilatérales, le secteur privé, les organisations de la société civile, et de l'individu en question. Dans leurs efforts visant à atteindre ce futur, tous les participants doivent clairement comprendre leur objectif et ne pas relâcher leur vigilance, par le biais de l'introspection et de l'auto-évaluation, s'ils doivent devenir des partenaires à part entière dans ce processus. Le développement vers le futur commun de l'humanité doit être organisé par des objectifs clairs, des politiques et des valeurs authentiques, des programmes précis, et des indicateurs de progrès mutuellement acceptés et des rectifications réguliers sont nécessaires a être déterminer et effectuer à son cours.

 Alors que chacun de ces éléments, objectifs significatifs, politique, valeurs, programmes et indicateurs - sont critique dans l'effort visant à construire ce futur, ce rapport porte sur l'importance de créer des indicateurs spirituels, afin de mesurer et, finalement, guider le processus du développement.

II.   Indicateurs pour le développement: valeur et l'utilisation

Le concept d'indicateur se définit de plusieurs manières, et les termes critère, repère, et indicateur sont souvent utilisés de manière interchangeable, bien qu'ils n'aient pas toujours la même signification. A toutes fins utiles, le terme indicateur utilisé dans ce rapport, fera référence "à une mesure quantitative, qualitative ou descriptive qui, lorsque périodiquement ... mesurée" 3 peut montrer la qualité, la direction, la fréquence et les résultats du changement.

Les indicateurs peuvent être collectés de manières diverses. Par exemple, des indicateurs portant sur le même sujet, et mesurant les progrès accomplis dans les domaines de la santé, de l'éducation ou de l'agriculture, peuvent être regroupés dans un tableau de mesures (ou ensemble d'indicateurs). Ces mêmes indicateurs peuvent être compilés en une seule mesure composée, telle qu'un index de santé, un index d'éducation ou un index de prophylaxie alimentaire. 4 Ou bien, une large palette d'indicateurs liés à plusieurs phénomènes peut être exprimée en une seule mesure, telle le "taux de mortalité infantile". 5 Un indicateur par lui-même, seul, représente rarement une source d'information sérieuse. 6 Le progrès n'est pas un événement ou une statistique, mais un processus - une tendance composée de plusieurs facteurs. Il ne peut être exprimé par une mesure ou par une référence à un point donné dans le temps. Les indicateurs doivent donc être remis dans un contexte temporel spécifique et être mis en corrélation avec des mesures d'autres facteurs associés.7

A travers le monde, les indicateurs sont utilisés par de nombreuses entités, depuis les organisations, gouvernements et groupes communautaires des Nations Unies jusqu'aux entreprises, institutions d'enseignement, groupes politiques, et membres des universités. Les indicateurs ne changent pas la réalité, mais influencent notre perception de celle-ci, et servent à former une compréhension commune du développement. Ainsi, ils revêtent une importance capitale dans un monde complexe en mutation constante. Par exemple, ils peuvent être utilisés pour démontrer des tendances et indiquer des relations, aidant ainsi à définir des problèmes et clarifier des défis auxquels une société donnée doit faire face. Ils fournissent des informations qui peuvent suggérer le recours à des ajustements ou à des redressements en politiques, buts, priorités, programmes, attitudes et comportements. Les indicateurs peuvent être utilisés pour attirer l'attention sur des problèmes particuliers, sensibiliser l'opinion publique, et relever son degré de dévouement et d'activisme à des besoins et à des défis spécifiques. Ils peuvent suggérer une allocation plus équitable de ressources limitées, ou déclencher un transfert de ressources d'un secteur à un autre, où il y a un besoin pressant, dûment identifié. Ainsi, en vérité "les indicateurs ne se contentent pas seulement de surveiller le progrès, ils aident à sa réalisation".8

Il y a toutefois de nombreuses carences et embûches associées aux indicateurs. Par exemple, les statistiques qui servent de base à la plupart des indicateurs, peuvent être sujettes à des configurations et interprétations variées. Bien que de nombreux ensembles d'indicateurs soient figés dans le temps et aient un champ restreint, ils sont présentés comme les archétypes du bien-être et du progrès d'une communauté donnée. De plus, trop souvent, ces indicateurs ne sont pas associés à des buts, ou ne sont pas vus à travers les lentilles du processus historique.

L'état des indicateurs actuels pour le développement

Aujourd'hui, il existe de nombreux et notables efforts, dont beaucoup sont encore à l'état de concept, pour faire reculer les limites de ce qui est valorisé et mesuré, afin de rendre les indicateurs de développement plus révélateurs de ce qui constitue un véritable progrès individuel ou communautaire. Ces efforts, qui comprennent des organisations, institutions et individus divers, à tous les niveaux de la société, tentent de définir et de mesurer le progrès en termes des concepts suivants : capital humain, capital social, culture, intégration sociale et bien-être communautaire.

Par exemple, le rapport annuel Human Development Report du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), avec son Index du développement humain, a contribué à l'élargissement de l'éventail et de l'envergure des indicateurs de développement qui sont pris en compte au sein du système des Nations Unies et par divers gouvernements à travers le monde.9 Les plans d'action globaux résultant des conférences des Nations Unies les plus importantes de cette décennie 10 ont aidé à la transformation d'une perspective dominante du développement, se caractérisant par un processus d'information hautement hiérarchisé, dominée par la technologie et l'économie, à celle où les personnes et les communautés prennent une part de plus en plus active dans la définition et la responsabilité de leur propre progrès. Ces plans d'action ont exigé la création et l'utilisation d'indicateurs qui reflètent l'attention grandissante accordée aux personnes et aux communautés. 11 Dans une série d'études jointes occasionnelles récemment publiées par l'Institut de Recherches pour le Développement Social des Nations Unies (UNRISD) et l'UNESCO, le concept d'indicateurs culturels, englobant le bien-être individuel et social, et la capacité des personnes à vivre ensemble, est exploré à traves diverses structures. 12 La Banque mondiale elle-même, s'est retrouvée au premier rang du développement du concept de capital social et des moyens de le mesurer.13 De plus, les ONG, fondations et groupes communautaires ont mis sur pied des projets d'indicateurs variés qui cherchent à mesurer, et donc à apprécier le développement centré sur les personnes et les communautés14. Ces projets associent souvent la communauté à la conception et au développement de ces indicateurs.

Quelle que soit l'importance de tels efforts, ils ne constituent que la première étape dans le processus d'élaboration d'une nouvelle direction pour la famille humaine. Non seulement devons-nous veiller à l'accroissement substantiel de ces efforts, mais une nouvelle méthodologie pour conceptualiser et mesurer à la fois les aspects réels et impalpables du développement doit être développée et explorée. Les notions afférentes à ce qui constitue des mesures efficaces du développement doivent être examinées avec minutie afin de déterminer la prépondérance qu'elles accordent aux objectifs et motivations humains.

Dans les sections suivantes, une telle approche - ou la mise en œuvre d'indicateurs spirituels du développement - est proposée. Bien que le mode présent soit utilisé dans cette section, nous devons garder à l'esprit que ces indicateurs n'ont pas encore vu le jour. De plus, cette étude ne constitue qu'une exploration initiale de certains des éléments de ces indicateurs, et non une tentative d'élaboration finale.

III. Indicateurs spirituels pour le développement : remarques initiales

L'idée d'instituer des indicateurs spirituels pour le développement vient à point. Les fondements sont en train d'être jetés, d'une part, par des efforts croissants visant à l'inclusion véritable des valeurs et principes spirituels dans le développement. 15 De plus, le concept de spiritualité et de valeurs spirituelles, jadis un quasi-tabou dans les délibérations sur le développement aux Nations Unies, est maintenant ouvertement exprimé dans les plus hautes sphères.

Les indicateurs spirituels considèrent la progression du développement comme résultant de l'application des principes spirituels.16 Ces indicateurs se fondent sur des principes universels essentiels au développement de l'esprit humain et, donc au progrès individuel et collectif. Ces mesures naissent d'une vision du développement dans lequel le progrès matériel sert de véhicule aux avancées spirituelles et culturelles.

Les indicateurs spirituels contribuent à établir, clarifier et attribuer un ordre d'importance aux programmes. Au cour même de leur conceptualisation se trouve la réalisation que la nature humaine est essentiellement spirituelle, et que les principes spirituels - ayant une résonance profonde avec l'âme humaine - assurent ainsi une énorme puissance motivante pour l'esprit de sacrifice et de changement. Par conséquent, les peuples du monde seront beaucoup plus enclins à soutenir des politiques et des programmes issus du développement d'indicateurs spirituels qu'ils ne le seraient d'objectifs et d'initiatives qui reflètent des conceptions purement matérialistes de la vie. Ainsi, l'utilisation de ces mesures pourrait aider à transformer non seulement la vision, mais aussi la mise en application pratique du développement.

Les composantes d'un indicateur spirituel comprennent la vision d'un avenir pacifique et unifié, les principes vitaux sélectionnés pour la réalisation de ce futur, le secteur d'activité faisant l'objet de ces principes, et l'objectif vers lequel la progression est mesurée. L'indicateur est mesurable et vérifiable quantitativement et qualitativement, et est sujet à modifications au sein d'une grande variété de contextes, sans toutefois porter atteinte à l'intégrité du/des principe(s).

La section suivante explore brièvement les cinq principes qui pourraient être utilisés dans l'élaboration d'indicateurs spirituels pour le développement.

IV.   Indicateurs Spirituels: cinq principes fondamentaux

Se basant sur la vision d'une civilisation globale, juste, unifiée, et durable, cinq principes spirituels 17 qui servent de fondement à la réalisation d'un tel avenir, sont présentés. Bien qu'ils soient loin d'être les seuls principes envisageables, nous pensons que les cinq en question contiennent une diversité de concepts suffisante à servir de point de départ à cet effort. Dans certains cas, deux principes étroitement associés sont présentés ensemble. Comme le but de cette section consiste simplement à suggérer quelques principes qui pourraient être explorés, chacun d'entre eux est traité de façon sommaire. Toutefois, puisque ces principes sont à la base même des indicateurs qui pourraient être élaborés, il s'avérerait primordial de les cerner correctement aux stages initiaux du travail. Voici les cinq principes:

  1. Unité dans la diversité,
  2. Équité et justice,
  3. Égalité des sexes,
  4. Confiance et autorité morale,
  5. Recherche indépendante de la vérité.

 1. Unité dans la diversité

Loin d'avoir pour objet la subversion des structures existantes de la société, il ( le principe de l'unité de l'humanité) cherche à élargir sa base, à remodeler ses institutions en accord avec les besoins d'un monde en mutation constante. Il ne doit en aucun cas se trouver en conflit avec des alliances légitimes, ni éroder les loyautés essentielles. Son but n'est pas d'éteindre la flamme d'un patriotisme sain et intelligent, vivant au cœur des hommes, ni d'abolir le système d'autonomie nationale, si essentielle si nous voulons éviter les méfaits d'une centralisation à outrance. Il n'ignore pas, ni n'essaye-t-il pas de supprimer la diversité des origines ethniques, climatiques, historiques, de langages et de traditions, de pensées et de coutumes, qui différencient les peuples et les nations du monde. Il exige une loyauté plus grande, une aspiration plus élevée que celles montrées jusqu'à présent par le genre humain. Il insiste sur l'assujettissement des impulsions et des intérêts nationaux aux exigences impératives d'un monde unifié. Il répudie la centralisation excessive d'une part, et rejette toute tentative d'uniformité de l'autre. Son mot d'ordre pourrait être unité dans la diversité. 18

Le concept d'unité dans la diversité est une manière d'exprimer le principe d'unité de l'humanité, auquel adhère les enseignements baha'is. L'unité dans la diversité s'oppose à l'uniformité. Il célèbre la diversité naturelle du caractère et des talents parmi les individus autant que la variété des expériences, cultures et points de vue, puisqu'elles contribuent au progrès et au bien-être de la famille humaine. Similairement au rôle joué par le patrimoine génétique dans la vie biologique de l'humanité et de son environnement, l'immense richesse de la diversité culturelle, atteinte après des milliers d'années, est d'importance vitale au développement de l'espèce humaine, qui est en train de passer à l'âge adulte. Elle représente un héritage qui nous enrichit tous et dont nous devons permettre l'éclosion dans une civilisation globale. L'acceptation du concept de l'unité dans la diversité, ainsi donc, exige le développement d'une conscience globale de l'individu, un sens de la citoyenneté mondiale, et un amour de l'humanité dans son ensemble. A cet égard, chaque individu doit comprendre que, puisque l'humanité est une et indivisible, chaque membre de l'espèce humaine vient au monde comme une charge pour l'ensemble, et que l'avantage accordé à un individu dans une société mondiale est étroitement lié à la promotion des privilèges pour tous.

2. Équité et justice

La justice et l'équité sont deux grands Gardiens qui veillent sur les hommes.19 D'eux sont révélés des paroles bénies et claires qui sont la cause du bien-être du monde et de la protection des nations. 20

L'équité est l'impartialité, ou critère par lequel chaque personne et chaque groupe peut développer au maximum ses aptitudes latentes. L'équité diffère de l'égalité absolue en ce sens qu'elle ne dicte pas que tous doivent être traités de la même manière. Bien que des talents et capacités divers soient présents chez tous les individus, leur plein épanouissement peut exiger des approches différentes. L'équité assure donc que l'accès à l'égalité des chances soit distribué de façon juste, afin que ce développement puisse s'accomplir.

L'équité et la justice sont les gardiens jumeaux de la société. L'équité est le critère d'après lequel les politiques et les décisions relatives aux allocations financières doivent être faites. La justice est le véhicule grâce auquel l'équité est appliquée, ou son expression pratique dans la vie de l'individu et de la société. Seul l'exercice d'une justice véritable garantira l'établissement de la confiance entre les divers peuples, cultures et institutions d'un monde dont l'interdépendance va croissante.

Les enseignements baha'is déclarent que la récompense et le châtiment sont les piliers de la justice. Ceux qui agissent équitablement méritent une récompense, qu'elle soit tangible ou pas, pour un tel comportement. Ceux qui agissent de façon injuste doivent faire l'objet d'une sanction appropriée, à la fois pour mettre fin à l'injustice et pour sauvegarder leur propre bien-être spirituel.

3. L'égalité des sexes

Le monde de l'humanité possède deux ailes : l'une mâle et l'autre femelle. Tant que ces ailes ne possèdent pas la même force, l'oiseau ne volera pas. Tant que le genre féminin n'atteindra pas le même niveau que l'homme, et tant qu'il ne jouira pas des mêmes sphères d'activité , les réalisations extraordinaires de l'humanité resteront hors de portée ; l'humanité ne peut atteindre des sommets avec une aile blessée.21

Le principe de l'égalité des sexes est fondamental si nous devons envisager sérieusement le bien-être futur de la terre et de ses habitants. Il représente une vérité inhérente à la nature humaine qui est demeurée le plus souvent obscurcie pendant les âges prolongés de l'enfance et de l'adolescence de l'humanité. Quelles qu'aient été les inégalités sociales dictées par les exigences de la survie dans le passé, il est clair qu'elles ne se justifient plus au moment où l'humanité se tient sur le seuil de la maturité.

Le déni de l'égalité perpétue l'injustice contre une moitié de la population mondiale, et développe chez les hommes des comportements et des habitudes néfastes, qui passent de la famille au lieu de travail, puis à la vie politique, et en dernier ressort aux relations internationales. Il n'y a aucun motif, qu'il soit moral, politique ou biologique, qui puisse justifier un tel déni. C'est seulement lorsque les femmes seront des partenaires à part entière, dans tous les secteurs de l'activité humaine, et sans réserves, qu'un climat moral et psychologique propice sera créé, où la paix pourra émerger et une civilisation mondiale, juste et unifiée, se développer et s'épanouir. Ainsi, un véritable attachement à l'établissement de l'égalité entre hommes et femmes, dans tous les secteurs de l'activité humaine, à tous les niveaux de la société, sera essentiel au progrès de l'humanité.

4. Confiance et autorité morale

...vue de Dieu, la confiance est le fondement même de Sa Foi et la base de toutes les vertus et perfections. Un homme privé de cette qualité est dénué de tout. Que valent la foi et la piété si la confiance est absente ? A quoi servent-elles ? Quel bénéfice ou quel avantage peuvent-elles conférer ? 22

Des multiples vertus que les écritures baha'ies exhortent l'individu à cultiver, la confiance occupe le premier rang. Baha'u'llah déclare que la tranquillité et la sécurité du monde, la stabilité de toute entreprise - de toute transaction humaine, de tout contrat négocié, de tout effort déclaré- en dépendent. Que ce soit au foyer, au travail, au sein de la communauté, dans le monde des affaires ou le monde politique, la confiance se trouve au cœur de toute interaction ou tractation positive. Elle demeure l'élément-clé de l'unité entre les divers peuples et nations. Ainsi, tout effort de développement doit inclure comme objectif primordial l'inculcation de la confiance dans les individus, les communautés et les institutions concernés.

Ceux qui exercent l'autorité portent l'énorme responsabilité d'être dignes de la confiance publique. Les dirigeants - y compris ceux faisant partie du gouvernement, du monde politique, du monde des affaires, de la religion, de l'enseignement, des médias, des arts, et enfin des organisations communautaires - doivent accepter d'être tenus pour responsables de la manière dont ils exercent leur autorité. L'autorité morale 23, la direction de l'avenir, trouvera sa plus haute expression dans le service aux autres et à la communauté dans son ensemble. Elle stimulera les prises de décisions collectives et l'action collective et sera motivée par le dévouement à la justice, y compris l'égalité des femmes et des hommes, et au bien-être de l'humanité toute entière. L'autorité morale se manifestera dans l'adhésion à un critère unique de conduite, à la fois dans la vie publique et la vie privée, que ce soit pour les dirigeants ou les citoyens.

5. Recherche indépendante de la vérité

(...) Toutes les nations du monde doivent rechercher la vérité de façon indépendante, et détourner les yeux complètement des imitations moribondes et aveugles du passé. La vérité est une lorsqu'elle est recherchée indépendamment, et elle n'accepte pas la division. Ainsi, la recherche indépendante de la vérité conduira à l'unité du monde de l'humanité. 24

Il n'existe aucune contradiction entre la véritable religion et la science. 25

La réalité est une, et lorsque la vérité est recherchée et vérifiée, elle conduira au progrès individuel et collectif. Dans la recherche de la vérité, la science et la religion - les deux systèmes de connaissances à la portée de l'humanité - doivent avoir une influence réciproque, proche et continuelle. La perspicacité et les compétences que représentent les aboutissements scientifiques doivent se tourner vers la puissance des responsabilités spirituelles et des principes moraux, afin d'assurer leur application correcte.

Le développement spirituel comprend la recherche de la vérité à compte individuel. Une réflexion continuelle, fondée sur l'expérience tirée de la mise en application de cette vérité, revêt une importance capitale dans le processus du développement spirituel. Dans la recherche collective de la vérité, et la prise de décision collective, la délibération 26 qui tire ses forces vives du groupe, et qui favorise l'unité de l'objectif et de l'action, est indispensable. Les institutions et ceux qui détiennent l'autorité feraient bien de créer les conditions susceptibles de favoriser la recherche authentique de la vérité, tout en encourageant la réalisation que le bonheur humain et l'établissement de la paix, la justice et l'unité, sont les buts ultimes de cette recherche.

 

 V.   Indicateurs spirituels: politique prioritaire sur cinq axes

Cette section examine les cinq axes politiques où les principes spirituels définis plus haut peuvent être appliqués afin de produire les buts, et éventuellement les indicateurs spirituels à mêmes de mesurer la progression vers ces buts.

Comme avec les principes spirituels dont nous avons parlé, ces secteurs politiques sont étroitement liés entre eux et, dans certains cas, se chevauchent. Ainsi, des initiatives dans un domaine donné exigeront une action dans d'autres. Les cinq secteurs décrits brièvement ci-dessous sont :

  1. Le développement économique,
  2. L'éducation,
  3. La régie de l'environnement,
  4. La satisfaction des besoins fondamentaux, tels que nourriture, alimentation, santé et habitat.
  5. L'administration et la participation.

 1. Développement économique

La richesse est digne des plus grands éloges, si elle est le fruit des efforts d'un individu et de la grâce de Dieu, dans le commerce, l'agriculture, l'art et l'industrie, et si elle est consacrée à des buts philanthropiques. En particulier, si un individu judicieux et ingénieux devait promouvoir des mesures qui enrichiraient les masses universellement, il ne pourrait y avoir de plus grande œuvre que celle-ci, et elle serait considérée par Dieu comme l'aboutissement suprême, puisqu'un tel bienfaiteur pourvoirait aux besoins et assurerait le confort et le bien-être d'une grande multitude. La richesse est digne d'éloges, à condition que la population entière soit riche. Si, toutefois, un petit nombre se caractérise par une richesse démesurée alors que le reste de la population se trouve appauvrie et qu'aucun fruit ou bénéfice ne provient de cette richesse, alors elle ne sera jamais qu'un handicap pour son détenteur. Si, d'autre part, elle est consacrée à la promotion des connaissances, l'établissement d'écoles primaires et autres lieux d'enseignement, le développement des arts et des industries, la formation des orphelins et des pauvres - en bref, si elle est consacrée au bienfait de la société - son détenteur apparaîtra devant Dieu et les hommes comme l'excellence même vivant sur terre, et sera considéré comme l'un des représentants du paradis. 27

Au centre de la tâche qui consiste à conceptualiser de nouveau l'organisation des affaires humaines, se trouve la bonne compréhension du rôle de l'économie. L'inaptitude à restituer l'économie dans le contexte plus vaste de l'existence sociale et spirituelle de l'humanité, a mené à un matérialisme virulent dans les régions économiquement les plus avantagées du monde, et à la persistance de l'état de manque parmi la grande majorité de peuples du monde. L'économie devrait servir les besoins des peuples. Les sociétés ne devraient pas avoir à se soumettre à des bouleversements afin de s'adapter à des modèles économiques. La fonction ultime des systèmes économiques devrait être d'armer les peuples et les institutions du monde avec les moyens susceptibles d'atteindre le vrai but du développement : en d'autres termes, l'extension d'un potentiel sans limites, à l'état latent dans la conscience humaine.

La société doit mettre au point des modèles économiques, issus des points de vue provenant d'une compréhension compatissante d'une même expérience partagée, celle qui considère les êtres humains les uns par rapport aux autres, et de la reconnaissance du rôle central que jouent la famille et la communauté dans le bien-être social et spirituel. Un examen des priorités doit avoir lieu au sein des institutions et des organisations. Des ressources allouées à des agences ou programmes ayant des effets néfastes sur l'individu, les sociétés et l'environnement doivent être redistribuées et dirigées vers ceux plus à même de favoriser un ordre social dynamique, juste et prospère. De tels systèmes économiques seront de nature fortement altruiste et coopérative ; ils fourniront des emplois utiles28 et aideront à l'éradication de la pauvreté dans le monde.

2. Éducation

L'exigence principale et la plus urgente est la promotion de l'éducation. Il est inconcevable qu'une nation, quelle qu'elle soit, puisse se caractériser par la prospérité et le succès si ce souci majeur et fondamental n'occupe pas une place de choix. La raison principale derrière le déclin et la chute des peuples réside dans l'ignorance. De nos jours, la majorité des peuples est ignorante des affaires courantes, et comprend encore moins bien les problèmes importants et les besoins complexes de notre temps. 29

La constitution d'une société globale requiert le développement d'aptitudes se situant bien au-delà du champ des possibilités actuelles de l'espèce humaine. Les défis futurs exigent un accroissement énorme de l'accès aux connaissances aussi bien de la part des individus que des organisations. L'éducation universelle 30 sera un agent indispensable à l'élaboration de ces aptitudes, mais un effort ne porte ses fruits qu'à la condition expresse que les individus et les groupes de chaque secteur de la société soient à même d'acquérir des connaissances et de s'en servir pour la conduite des affaires humaines.

L'éducation se poursuit toute la vie. Elle devrait aider les personnes à développer les connaissances, valeurs, comportements et aptitudes nécessaires au maintien d'un emploi et à la contribution sûre et positive de communautés reflétant les principes de justice, d'équité et d'unité. Elle devrait aider l'individu à trouver sa place dans la communauté, ayant ses racines dans un lieu local, mais s'étendant au monde entier. Une éducation réussie cultivera la vertu comme fondement du bien-être personnel et collectif, et développera chez les individus un sens profond du service et un dévouement actif au bien-être de leurs familles, leurs communautés, leurs pays, voire de l'humanité toute entière. Elle encouragera la réflexion personnelle et l'aptitude à penser en termes de processus historique, et encouragera l'inspiration au travers des moyens tels la musique, les arts, la méditation, et l'interaction avec l'environnement naturel.

3. Régie de l'environnement

Nous ne pouvons séparer le cœur humain de l'environnement extérieur, et déclarer qu'une fois l'un des éléments corrigés, tout s'améliorera. L'homme fait partie du monde. Sa vie intérieure modifie l'environnement et est à son tour profondément affectée par celui-ci. Leur action est interdépendante et tout changement permanent dans la vie d'un homme résulte de ces réactions mutuelles.31

Les écritures baha'ies décrivent la nature comme le miroir du sacré.32 Elles enseignent que la nature doit être valorisée et respectée, mais non pas idolâtrée. Plutôt, elle doit soutenir les efforts de l'humanité pour promouvoir une civilisation à l'avancée perpétuelle. Toutefois, a l'égard de l'interdépendance de tous les segments de la nature, et de l'importance de l'évolution et la diversité "dans la beauté, l'efficacité, et la perfection du tout" 33 , aucun effort ne doit être ménagé afin de conserver à la terre sa biodiversité et son ordre naturel.

En tant que tributaires, ou régisseurs des vastes ressources et de la diversité biologique de la planète, l'humanité doit apprendre à exploiter les ressources naturelles de la terre, qu'elles soient renouvelables ou non, d'une manière qui en assure le caractère durable et équitable jusque dans un avenir lointain. Cette régie exigera une connaissance pleine et entière des conséquences écologiques possibles, afférentes à toute activité humaine. Elle obligera l'humanité à tempérer ses actions avec de la modération et de l'humilité, se rendant compte que la vraie valeur de la nature ne peut s'exprimer en termes économiques. Elle exigera aussi une profonde compréhension du monde naturel et de son rôle dans le développement collectif de l'humanité - aussi bien matériel que spirituel. Ainsi, l'exploitation d'un environnement durable doit être considérée non pas comme une responsabilité discrétionnaire, que l'humanité peut peser contre d'autres intérêts en lisse, mais plutôt comme une obligation fondamentale qui doit être assumée - une condition préalable au développement spirituel ainsi qu'à la survie physique de l'individu.

4. Satisfaction des besoins fondamentaux, tels que nourriture, alimentation, santé et habitat

Dans une telle société mondiale ... les ressources économiques du monde seront organisées, ses matières premières seront exploitées et utilisées à leur pleine capacité, ses marchés seront coordonnés et développés, et la distribution de leurs produits sera contrôlée équitablement. L'énorme énergie dissipée et gâchée dans les guerres, qu'elles soient économiques ou politiques, sera consacrée à l'expansion de l'éventail des inventions humaines et du développement technique, à l'augmentation de la productivité de l'humanité, à l'éradication des maladies, au relèvement des critères de santé physique, à l'aiguisement et au raffinement du cerveau humain, à l'exploitation des ressources inutilisées ou encore inconnues de la planète, au prolongement de la vie humaine, et à l'encouragement de tout autre élément qui pourrait stimuler la vie intellectuelle, morale ou spirituelle de l'espèce humaine toute entière". 34

Les problèmes de nourriture, d'alimentation et d'habitat sont au centre même du défi qui consiste à assurer un niveau de vie adéquat à tous les membres de la famille humaine. Ces problèmes ne peuvent, toutefois, être abordés uniquement comme des problèmes techniques ou économiques. L'élimination de la faim et de la malnutrition, la mise sur pied d'une sécurité alimentaire, la garantie d'un habitat adéquat, et la santé pour tous exigeront un changement de valeurs, un dévouement à l'équité, et une orientation nouvelle des politiques, des buts et des programmes.

A l'heure actuelle, nous disposons des technologies et ressources nécessaires à la satisfaction des besoins élémentaires de l'humanité, et à l'élimination de la pauvreté. L'équité dans l'utilisation de ces technologies et de ces ressources, toutefois, ne verra le jour qu'après l'accession à une certaine compréhension et un certain dévouement. Alors que les individus doivent faire de leur mieux pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles, la communauté doit assumer la responsabilité, quand le besoin s'en fait sentir, d'assurer la satisfaction des besoins fondamentaux. L'accès aux programmes de développement et à leurs bénéfices doit être à la portée de tous. Les mécanismes de la production et de la distribution alimentaire doivent être orientés différemment, et le rôle crucial du fermier dans la sécurité alimentaire et économique reconnu à sa juste valeur.35

Quant à la santé - le bien-être physique, spirituel, social et psychologique de l'individu 36 l'accès à une eau potable, un habitat, et une forme quelconque de combustible bon marché, représenteraient un progrès immense dans l'éradication des problèmes qui assaillent de nombreux individus et communautés. Il faut reconnaître, toutefois, que certaines maladies sont le reflet d'un comportement humain malsain. L'inclusion du développement moral dans l'enseignement, parviendrait ainsi à réduire de façon significative certains problèmes de santé actuels.

 5. Administration et participation

Que soit béni le souverain qui aide le captif, et le riche qui soigne le pauvre, et le juste qui défend de l'injuste les droits des opprimés, et que soit heureux le serviteur qui a obéi à ce que Dieu, l'Ancien des jours révolus, lui a ordonné.37

Une bonne administration est essentielle au progrès social. Alors que le terme administration est souvent synonyme de gouvernement, ce mot recouvre une réalité beaucoup plus complexe. L'administration se rencontre à tous les niveaux et englobe les moyens par lesquels les gouvernements officiels, les organisations non-gouvernementales, les organisations communautaires et le secteur privé gèrent leurs ressources et leurs affaires. Une bonne administration est nécessaire si des communautés doivent maintenir leur équilibre, confronter des difficultés, et répondre de façon constructive aux défis et possibilités futurs. Trois facteurs qui influencent en grande partie l'état de l'administration sont la qualité des dirigeants, la qualité des administrés et la qualité des structures et processus en place. Il existe un consensus international naissant sur les caractéristiques fondamentales définissant une bonne administration, en particulier en ce qui concerne un gouvernement officiel. Ces caractéristiques comprennent la démocratie, l'autorité de la loi, la responsabilité, la transparence et la participation par la société civile.

Ce consensus doit être élargi, toutefois, afin d'englober une appréciation du rôle qu'une bonne administration doit jouer dans la promotion du bien-être spirituel et matériel de tous les membres de la société. Une bonne administration doit être guidée par des valeurs universelles, y compris une éthique de service au bien commun. Elle devra fournir les moyens d'une participation significative des citoyens dans la conception, l'élaboration, la mise en œuvre et l'évaluation des programmes et des politiques dont ils vont ressentir les effets. Elle devrait chercher à accroître l'aptitude des personnes à contrôler le changement et devrait offrir des possibilités d'augmenter leurs capacités et leur amour propre. Elle devra fournir des mécanismes assurant l'accès équitable aux bénéfices des programmes et des politiques, à l'éducation et à l'information, et aux possibilités de formation continue. De plus, elle doit aider à assurer que les médias sont actifs, pleins de vitalité et véridiques. Au niveau global, un véritable système d'administration participative devra aussi être établi.

VI.   Développement des indicateurs spirituels : trois exemples

Cette section offre trois brefs exemples d'indicateurs spirituels qui pourraient être construits. De tels indicateurs se révéleront nécessaires à tous les niveaux - local, national et global.

Le premier exemple d'un indicateur spirituel explore l'application du principe d'unité dans la diversité dans l'enseignement. En commençant par une vision du développement qui accepte à la fois la possibilité et la nécessité d'un monde unifié et pacifique, l'unité dans la diversité se définit comme un principe spirituel essentiel à la réalisation de ce futur. Une aire d'action politique est alors choisie : dans ce cas, il s'agit de l'enseignement. En prenant en compte le principe38 de l'unité dans la diversité dans l'enseignement, de nombreuses possibilités de politiques, de buts, et de programmes surgissent, dont plusieurs pourraient être tentées. Dans cet exercice, cependant, il faut se limiter à un seul but : encourager chez les étudiants une conscience globale - une conscience inhérente au principe de l'unité dans la diversité.

Un programme éducatif encourageant cette conscience pourrait inclure, mais ne se limiterait pas, au développement de l'appréciation de la richesse et de l'importance des divers systèmes culturels, religieux et sociaux du monde, et ce faisant, favoriser le sentiment d'appartenance et de responsabilité envers la communauté mondiale. Il pourrait aussi inclure une étude des contributions significatives apportées par les nations du monde au progrès collectif de l'humanité, à travers une participation dans des forums internationaux, tels les Nations Unies, à travers les accords comme les nombreux traités sur les droits de l'homme et les plans d'action globaux des Nations Unies, et des initiatives internationales tels les Sites Héritage du Monde.

Pour mesurer la progression vers ce but, une mesure du temps alloué - à la fois en classe et dans les activités extrascolaires - et dédié à des sujets ou des activités encouragent la conscience globale, pourrait être faite. Une autre mesure serait l'analyse du contenu des textes afin de déterminer la place occupée par ce même thème. Une autre mesure pourrait être aussi la détermination de la fréquence de ces sujets dans le programme de formation des maîtres.39 Une autre pourrait examiner les comportements et les connaissances des étudiants (et des enseignants) par rapport à ces sujets, comme évalués par des études. Le niveau suivant pourrait consister à combiner plusieurs de ces mesures en un index composite, ou bien elles pourraient être assemblées en une série d'indicateurs dont le but vise à encourager la conscience globale des étudiants.

Un deuxième exemple d'indicateur spirituel explore l'application des principes d'équité et de justice aux politiques de développement. En suivant le même processus que pour le premier exemple, les principes directeurs sont l'équité et la justice ; le développement économique est sélectionné comme secteur d'action ; et le but qui est choisi est d'éliminer la pauvreté au sein et de par les nations du monde. De toute évidence, ce but présente de nombreux aspects. Pour l'exemple en question, seul le fossé entre les nations sera considéré, bien que la répartition de la richesse à l'intérieur des frontières doive aussi être examinée, si la pauvreté mondiale doit être éliminée. De plus, seule la pauvreté en termes de revenu sera étudiée. Nous partons du principe qu'il existe suffisamment de ressources au monde pour satisfaire les besoins de tous, mais que l'élimination de la pauvreté devra être subordonnée à une limitation de la consommation et de l'accumulation, à l'établissement d'échanges commerciaux justes et équitables, et la levée du fardeau d'une dette nationale excessive.

Il y a de nombreuses mesures d'inégalités des revenus, qui montrent où des pays donnés se situent sur un continuum. La plupart de celles-ci pourraient servir de mesures, si étudiées sur un laps de temps donné, afin de déterminer si le fossé entre les pays les plus et les moins nantis est en train de se réduire. Une ligne zéro de ce qui constitue la pauvreté économique vis-à-vis le revenu par habitant national devra être établie afin de mesurer les progrès accomplis dans l'élimination de la pauvreté. Une autre mesure pourrait analyser les bénéfices économiques qui s'accumulent grâce à l'ouverture de marchés qui favorisent les nations économiquement désavantagées. Une autre mesure encore serait de calculer, en termes de revenu par habitant, les effets de dispositions prises par des nations, que ce soit individuellement ou collectivement, pour réduire, sinon éliminer les dettes bilatérales et multilatérales en souffrance des pays économiquement démunis.

Un troisième exemple d'indicateurs spirituels explore l'application du principe de recherche indépendante de la vérité dans les secteurs de l'administration et de la participation. Dans ce cas, une recherche indépendante de la vérité est le principe de base; le secteur d'action sélectionné est administration et participation; et le but est d'encourager l'utilisation effective d'une consultation élargie dans la formulation et la mise en œuvre de politiques et de programmes de développement. La consultation se définit comme un processus de prise de décision collective qui accroît au maximum la participation de tous les segments de la communauté et cherche à établir la vérité sur un sujet donné. Afin d'atteindre cet objectif, des mécanismes devront être établis et des voies dégagées pour que les membres des communautés puissent participer de façon significative à la conception, l'élaboration, la mise en œuvre et l'évaluation des politiques et des programmes dont ils ressentent les effets.

La progression vers ce but sera beaucoup plus difficile à mesurer que celle vers les buts énumérés précédemment. Des mesures pourraient inclure des études destinées à déterminer l'étendue de la participation individuelle à toutes les phases du développement, et le degré auquel les individus perçoivent leur contribution au progrès de la communauté comme significative et permanente. Cette mesure devrait prendre en compte le pourcentage de la communauté impliquée et le niveau de participation de membres de la communauté typiquement exclus, y compris les femmes, les minorités et les personnes âgées. Une autre mesure pourrait estimer l'existence de structures et processus formels et informels qui facilitent les initiatives de collaboration et le nombre et la fréquence des réunions tenues, ou le pourcentage de la communauté impliquée dans l'un quelconque de ces mécanismes.

De toute évidence, les exemples ci-dessus n'entrent pas dans le détail nécessaire à la mise en place des indicateurs proposés. Par exemple, toutes les mesures devraient contenir des normes assurant l'évaluation des informations et des données recueillies. Ces informations et ces données devraient aussi être analysées par rapport au facteur temps pour qu'une image précise du progrès puisse être obtenue. De plus, il faudrait spécifier clairement, et à l'avance, ce qui constitue un succès.

VII.  Vers le développement d'indicateurs spirituels : étapes de collaboration possibles

Cette étude présente une vision donnée de l'avenir, et se fondant sur elle, a examiné brièvement les principes spirituels qui pourraient servir d'indicateurs constructifs de progression vers ce futur. Elle a analysé les secteurs d'actions où ces principes pourraient s'appliquer afin de générer des objectifs et, pour finir, des indicateurs pouvant mesurer la progression vers ces mêmes objectifs. En dernier lieu, elle a fourni de brefs exemples de la manière dont ces indicateurs spirituels peuvent être conçus et développés.

L'approche suivie dans cette étude se distingue du processus normalement associé avec la création d'indicateurs. En d'autres termes, la création d'indicateurs est souvent, mais pas toujours, assujettie à l'établissement de politiques et de buts. Toutefois, les groupes communautaires et autres, de manière croissante, abordent le développement d'indicateurs en créant d'abord une vision, puis en identifiant les principes qui constituent cette vision, puis en recherchant des aires d'actions où établir des objectifs fondés sur ces principes, et, finalement, en construisant des indicateurs permettant de mesurer la progression vers ces buts. Telle est l'approche de cette étude. Une fois que les indicateurs spirituels deviendront un phénomène courant, un nombre indéfini d'approches arriveront au même but :

L'introduction de principes spirituels dans notre compréhension, notre pratique et notre évaluation du développement.

L'identification à proprement parler des buts et l'élaboration d'indicateurs spirituels pour le développement peuvent être entreprises comme un processus de collaboration. En étudiant la proposition suivante, ni les étapes, ni les principes, ni les zones d'actions suggérées ci-dessus, ne constituent des points de départ.

Voici la proposition : que les représentants des religions du monde s'assemblent, peut-être sous les auspices de la Banque Mondiale, ou d'une autre agence internationale pour le développement, tel le Programme des Nations Unies pour le Développement, afin d'entreprendre une consultation sur les principes spirituels et leur influence sur le progrès individuel et collectif. 40 L'objectif initial de cet effort - qui, dès le départ, devrait être reconnu comme substantiel, de longue haleine, et permanent - serait de parvenir à un accord sur un nombre limité de principes spirituels qui sont partagés de façon universelle, et d'établir des zones d'actions prioritaires où ils pourraient être appliqués. En se basant sur ces principes et ces zones prioritaires, des objectifs verraient le jour et des indicateurs mis sur pied afin de mesurer l'avancée vers ces buts. D'autres objectifs pourraient s'ajouter au fur et à mesure de la progression des consultations. Si une vision commune est exprimée, la tentative n'en ressortira que renforcée. Tandis que les représentants n'auraient pas à s'occuper des aspects techniques, tel que le calcul des mesures quantitatives - l'agence de développement en question pourrait assumer cette responsabilité - ils devraient par contre analyser les indicateurs, une fois rassemblés, et s'associer à toute refonte rendue nécessaire à la suite de leur mise à l'épreuve.41

Les différences religieuses ne devraient pas être insurmontables dans une telle initiative, puisqu'il y a un fond commun qui unit les grandes traditions religieuses du monde. Chacune d'entre elles propose des vérités spirituelles fondamentales et des normes de comportement qui constituent la base même d'une cohésion sociale et d'un objectif collectif. Les religions devraient donc pouvoir coopérer à un effort qui s'inspire et qui honore leurs vérités les plus profondes, et est porteur de tant d'espoir pour l'humanité.

Au fur et à mesure de sa progression, ce processus pourrait s'inspirer d'une certaine quantité de travaux déjà en cours dans le domaine du développement, tels que les plans d'action globaux, provenant des séries récentes de conférences aux Nations Unies. Dans ces plans d'action, les gouvernements du monde se sont engagés "au développement social, économique, et spirituel"42 , et à "la réalisation d'un monde à la stabilité et à la paix accrues, construit sur une vision éthique et spirituelle".43 Ils ont reconnu que leurs "sociétés doivent répondre de façon plus efficace aux besoins matériels et spirituels des individus, de leurs familles et des communautés dans lesquelles ils vivent ... non seulement en situation d'urgence, mais aussi en tant qu'un engagement durable et inébranlable dans les années à venir".44 De plus, ils ont affirmé que "le développement est indissociable de l'environnement culturel, écologique, économique, politique et spirituel". 45 Ces mêmes gouvernements ont également reconnu que les "individus devraient pouvoir développer pleinement leur potentiel, y compris un développement physique, mental et spirituel salutaire"46 , et que "la religion, la spiritualité et la croyance jouent un rôle central dans la vie de millions de femmes et d'hommes, dans la manière dont ils vivent et dans les aspirations qu'ils ont pour l'avenir"47 (Italiques rajoutées afin de souligner les idées force)48.

Ces engagements, accompagnés des politiques, des objectifs et des programmes suggérés dans ces plans d'action, portent tout le poids d'un consensus global. En ce sens, ils représentent une plate-forme commune de compréhension, au niveau le plus élevé, des priorités de développement et des approches que la communauté internationale a pu atteindre. D'autre part, au-delà des déclarations générales sur le rôle fondamental et l'importance de la spiritualité, de la vision spirituelle et du développement spirituel, ces accords globaux n'offrent aucune image cohérente de ce que signifient ces termes. Les mesures actuelles de développement - ou définitions du "succès" - ne réussissent pas en général à prendre en compte les facteurs spirituels. Cependant, il faut reconnaître que ces plans d'action ont reconnu que la spiritualité fait partie intégrante du développement, et ils tentent d'exprimer certains principes, comme la tolérance et la solidarité, certains avec plus de détails et plus de succès que d'autres. Ainsi, les consultations des représentants religieux pourraient grandement bénéficier d'une étude de ces documents. De plus, ces consultations pourraient très bien mettre sur pied des politiques et des objectifs similaires à ceux déjà inscrits dans les accords globaux et pourraient, en conséquence, tirer profit des prescriptions que ces accords contiennent. Cependant, puisque les politiques et les objectifs développés par les représentants religieux seraient fondés sur des principes spirituels clairement délimités, ils seraient ainsi plus aptes à recueillir des suffrages, plutôt que ceux basés principalement sur des considérations matérialistes.

En souhaitant la création d'indicateurs du développement dans chacun des plans d'action globaux, les Nations Unies ont mis en mouvement des processus au niveau national et global, et permettant d'établir des mesures correctes du progrès. Le travail mené sur les indicateurs spirituels pourrait, éventuellement, être intégré à ces initiatives.

Lors du développement et de l'utilisation de ces indicateurs spirituels, des processus consultatifs pourraient être établis au niveau national et au niveau local dans lesquels les communautés pourraient être soit encouragées à adapter ces indicateurs à leur environnement particulier, soit à développer des mesures similaires et indépendantes de cette initiative globale. Le processus d'adaptation ou de création de tels indicateurs, serait de par sa nature même, révélateur et libérateur pour ceux impliqués. De plus, les programmes et les politiques qui se dégageraient éventuellement de ces processus obtiendraient, selon toute vraisemblance, le soutien de nombreuses personnes et l'adhésion d'institutions et de communautés religieuses.

La création d'indicateurs spirituels ne constituerait pas l'objectif ultime de cette initiative. Il s'agirait plutôt de placer les principes spirituels au centre du développement, de les utiliser dans l'élaboration de normes, de politiques, et de les invoquer pour motiver l'action individuelle et collective. Toutefois, en démontrant que l'application des principes spirituels est à la fois pratique et mesurable, l'acceptation de la spiritualité comme l'âme même du développement peut s'en trouver renforcée de façon significative. La création de mesures spirituelles du développement n'est donc pas seulement un concept dont le temps est venu, mais constitue un élément réellement essentiel.

 

  1. 'Abdu'l-Baha, Paris Talks (douzième édition) (London, Baha'i Publishing Trust, 1995, page 9).
  2. Baha'u'llah Gleanings from the Writings of Baha'u'llah (Wilmette, Baha'i Publishing Trust, 1976, page 215).
  3. The Intergovernmental Seminar on Criteria and Indicators for Sustainable Forest Management, 19-22 Août 1996, Helsinki, Finlande; Rapport No. 3, Page 17.
  4. Voir , par exemple, le Human Development Report 1997, publié par le Programme des Nations Unie pour le Développement.
  5. Cet indicateur, outre la mesure directe de la mortalité infantile, tend aussi à rendre compte des mesures des revenus, des dépenses concernant l'éducation et la santé publique, entre autres.
  6. Par exemple, un indicateur qui mesure le nombre d'années de scolarité seul, révélera peu le bénéfice qu'en tirera la société. Comme exemple, une personne bien éduquée mais dénuée de morale, se révélera dangereuse pour la communauté, alors qu'une personne avec peu ou aucune éducation formelle mais avec un solide sens moral, se révèlera en fait bénéfique pour la société (bien sûr, il est préférable que l'individu ait reçu une éducation formelle et soit moralement formé).
  7. Une autre façon de considérer l'interpénétration des facteurs est au travers d'une analogie de symptômes médicaux -comme une fièvre, des frissons, et un gonflement - qui, pris individuellement, peuvent avoir une signification différente. C'est uniquement en les replaçant dans un contexte déterminé qu'un médecin compétent peut les diagnostiquer comme faisant partie d'un état spécifique, et qu'un traitement raisonnable peut être prescrit.
  8. The Community Indicators Handbook: Measuring Progress Toward Healthy and Sustainable Communities, 1997, Tyler Norris Associates, Redefining Progress and Sustainable ..., Seattle, page 1
  9. Le rapport Human Development a paru d'abord en 1990.
  10. Celles-ci incluent le Sommet Mondial pour l'Enfance en 1990 (World Declaration on the Survival, Protection and Development of Children et Plan of Action for Implementing the World Declaration on the Survival, Protection and Development of Children in the 1990's) ; la Conférence Mondiale des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement, en 1992 (Rio Declaration on Environment and Development et Agenda 21) ; la Conférence Mondiale des Nations Unies sur les Droits de l'Homme, en 1993 (Vienna Declaration and Programme of Action) ; la Conférence Internationale sur le Développement et la Population, de 1994 (Programme of Action of the International Conference on Population and Development) ; le Sommet Mondial pour le Développement Social de 1995 (Copenhagen Declaration and Programme of Action) ; la Quatrième Conférence Mondiale sur les Femmes de 1995 (Beijing Declaration and Platform of Action) ; et la Conférence Mondiale des Nations Unies sur les Groupements Humains - Habitat II (Istanbul Declaration et Habitat Agenda).
  11. Le travail effectué par les gouvernements, les commissions et agences des Nationes Unies, et les organisations non-gouvernementales (ONG) est en cours. De tels efforts sont menés, par exemple, sous la tutelle de nombreux gouvernements nationaux et d'organisations des Nations Unies variées, tels que le Centre des Nations Unies pour les Groupements Humains, la Commission pour le Développement Durable, la Commission sur le Développement Social et la Commission sur le Statut des Femmes. Les ONG et les coalitions d'ONG apportent leur contribution à ce travail et entreprennent également de leur côté leurs propres initiatives.
  12. UNRISD News No. 16, Printemps-Eté 1997, pages 14-15. Les trois Etudes Jointes Occasionnelles auxquelles il est fait référence, sont : Towards a World Report on Culture and Development : Constructing Cultural Statistics and Indicators ; Cultural Indicators of Well-Being : Some Conceptual Issues ; et Cultural Indicators of Development.
  13. Pour un excellent exposé sur le capital social, se reporter au chapitre 6 : "Capital Social : le Chaînon Manquant ?", dans Expanding the Measure of Wealth : Indicators of Environmentally Sustainable Development, Environmentally Sustainable Development Studies and Monographs Series No. 17, The World Bank, Washington, D.C. Voir aussi Confronting Crisis : A Comparative Study of Household Responses to Poverty and Vulnerability in Four Poor Urban Communities, Caroline O.N. Moser, Environmentally Sustainable Developmemnt Studies and Monographs Series No. 8, The World Bank, Washington, D.C.
  14. Ces initiatives incluent le Community Indicators Handbook : Measuring Progress Toward Healthy and Sustainable Communities ; les Principes Bellagio ; et le projet des Nouveaux Indicateurs de la Nouvelle Fondation Economique.
  15. Ces efforts incluent le travail de nombreuses ONG dont l'intérêt se porte sur les valeurs et principes spirituels comme fondements du progrès, les initiatives à valeur éthique et spirituelle au sein de la Banque Mondiale, et un nombre de projets de recherches. Les rapports publiés comprennent Global Consciousness Change : Indicators of an Emerging Paradigm (Duane Elgin et Coleen LeDrew, Awakening Earth, 1997 ; Culture, Spirituality, and Economic Devleopment : Opening a Dialogue (William F. Ryan S J, International Development Research Centre, Ottawa, Canada, 1995) ; et le World Values Survey, 1981-1984 and 1990-1993 (Principle Investigator, World Values Study Group, Inter-University Consortium for Political and Social Research, Ann Arbor, Michigan, 1994).
  16. Les principes spirituels, notent les Ecrits Baha'is, sont les vérités fondamentalement imparties à l'humanité par la réalité suprême, l'essence des essences inconnaissables, que nous appelons Dieu. Les religions apportées à l'humanité par une succession de sommités spirituelles ont constitué le chaînon fondamental entre l'humanité et cette réalité suprême, et qui ont galvanisé et affiné la capacité de l'humanité à aimer, à comprendre la réalité et à atteindre le progrès social.
  17. Deux principes spirituels qui pourraient faire partie d'une longue liste sont beauté et service.
  18. Shoghi Effendi, The World Order of Baha'u'llah - Selected Letters (Wilmette, Baha'i Publishing Trust, 1974, (deuxième édition révisée), pages 41-42.
  19. Dans les Ecrits Baha'is, "L'Homme est un terme générique s'appliquant à toute l'humanité" ('Abdu'l-Baha, The Promulgation of Universal Peac: Talks Delivered by 'Abdu'l-Baha during His Visit to the United States and Canada in 1912 (deuxième édition) (Wilmette, Baha'i Publishing Trust, 1982, page 76).
  20. Baha'u'llah, Epistle to the Son of the Wolf - Wilmette, Baha'i Publishing Trust, 1988 (nouvelle édition), page 13.
  21. 'Abdu'l-Baha, The Promulgation of Universel Peace : Talks Delivered by Abdu'l-Baha During His Visit to the United States and Canada, 1912 (deuxième édition), page 375.
  22. 'Abdu'l-Baha, "Trustworthiness", The Compilation of Compilations, Volume II (Baha'i Publications Australia, 1991, page 340).
  23. Pour une exploration de ce concept, voir Moral Leadership, 1997, the Global Classroom, Washington, DC, publié à l'origine en tant que Liderazgo Moral, 1993, Universidad Nur, Santa Cruz, Bolivia.
  24. 'Abdu'l-Baha, Japan Will Turn Ablaze: Tablets of 'Abdu'l-Baha, Letters of Shoghi Effendi and Historical Notes About Japan (Osaka, Baha'i Publishing Trust, 1974, page 35).
  25. 'Abdu'l-Baha , Paris Talks (douzième édition), page 145.
  26. La délibération exige que les participants individuels s'efforcent de leur mieux de transcender leurs points de vue respectifs afin de fonctionner comme les membres d'un corps, avec ses intérêts et ses buts propres. Pendant une délibération, où les points de vues sont échangés à la fois avec candeur et courtoisie, les idées présentées n'appartiennent pas à l'individu qui les soumet, mais au groupe tout entier, qui les adoptera, rejettera, ou amendera afin de respecter au mieux les objectifs poursuivis. Une délibération est positive si tous les participants soutiennent les décisions prises. Dans de telles circonstances, une décision antérieure peut être révisée aisément si l'expérience met en lumière ses lacunes.
  27. 'Abdu'l-Baha, The Secret of Divine Civilization (Wilmette, Baha'i Publishing Trust, 1990, pages 24-25).
  28. Chaque individu a le droit à un travail utile et à la responsabilité de pourvoir aux besoins de sa famille et de contribuer au bien-être de la communauté. En acceptant d'avoir un emploi ou une occupation animée par l'esprit de service, l'individu apporte une contribution valable à la société. Pour sa part, la société reconnaît la valeur de ses membres en créant la possibilité pour tous de gagner leur vie et donc de contribuer au bien commun, renforçant ainsi le développement spirituel de l'individu. Car, c'est en contribuant au bien commun, qu'un individu acquiert la véritable maturité spirituelle.
  29. 'Abdu'l-Baha, The Secret of Divine Civilization, page 109.
  30. Les enseignements baha'is déclarent que lorsqu'il est impossible à une famille d'assurer l'éducation de tous ses enfants - une situation qui devrait être éradiquée dans l'avenir - la priorité devrait être donnée à l'éducation de la fille, puisque ce sont les mères qui sont les principales éducatrices des générations futures.
  31. Shoghi Effendi, par son secrétaire, dans une lettre datée du 17 février 1933 à un particulier (croyant).
  32. "La Nature est la Volonté de Dieu et est son expression dans et à travers le monde contingent". Baha'u'llah, Tablets of Baha'u'llah revealed after the Kitab-i-Aqdas (Wilmette, Baha'i Publishing Trust, 1988, page 142).
  33. 'Abdu'l-Baha, Selections from the Writings of 'Abdu'l-Baha (Haifa: Baha'i World Centre, 1978, page 291).
  34. Shoghi Effendi, Call to the Nations (Haifa: Baha'i World Centre, 1977, pages 55-56).
  35. Une coordination des systèmes de réserves alimentaires à l'échelle mondiale sera essentielle au bien-être physique de la famille humaine en des temps de pénurie, surtout si un changement global crée une instabilité croissante de la production alimentaire.
  36. La 37ème Assemblée Mondiale de la Santé a appelé "Les Etats-membres à prévoir l'inclusion possible d'une dimension spirituelle dans leurs stratégies de santé pour tous..." (WHA 37. 13, 15 Mai 1984).
  37. Baha'u'llah, Tablets of Baha'u'llah Revealed after the Kitab-i-Aqdas, page 70.
  38. Bien sûr, plus d'un principe peut être défini et appliqué à ce secteur d'action politique donné.
  39. De toute évidence, nous ne procéderons pas au détail de cette information, ou à l'analyse de présentations négatives de ces mêmes sujets.
  40. Cette participation traduirait la volonté de ces agences de développement de prendre au sérieux la réalité spirituelle de la nature humaine.
  41. Dans l'élaboration de ces indicateurs, les mesures à la fois qualitatives et quantitatives devront être prises en compte. Les sondages d'opinion, les groupes d'études avec une audience clé, des interviews individuelles et en profondeur, et des évaluations rapides de participation pourraient tous être utilisés afin d'obtenir les données nécessaires. L'analyse des données exigera une compréhension de l'environnement philosophique et des principes qui ont mené à la création des indicateurs en premier lieu.
  42. Agenda 21, 6.3.
  43. Habitat Agenda, 4.
  44. Copenhagen Declaration on Social Development, 3.
  45. Programme of Action for the World Summit for Social Development, 4.
  46. Agenda 21, 6.23.
  47. Platform for Action of the Fourth World Conference on Women, 24.
  48. Etant donné la forte influence des ONG à ces conférences, y compris celles cherchant à faire des valeurs et principes spirituels la force directrice de ces plans d'action, cette prépondérance du spirituel est loin d'être surprenante.

DROITS DE L'ENFANT

DROITS DE L'ENFANT

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME Cinquante-quatrième session Point 20 de l'ordre du jour provisoire

13 February 1998

Les sévices sexuels subis par les enfants au sein de leur famille

La Communauté internationale Baha'ie se réjouit que la Commission ait adopté la résolution 1997/78 qui traite d'un vaste éventail de situations concernant les enfants du monde entier. Cette résolution, comme la Déclaration et le Programme d'action de Vienne, appelle à renforcer aux niveaux national et international les mécanismes et les programmes destinés à combattre l'exploitation et les mauvais traitements dont sont victimes les enfants. En août 1996, le Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (ci-après dénommé le Congrès mondial) a attiré l'attention du monde entier sur l'une des formes les plus méprisables de mauvais traitements infligés aux enfants, l'exploitation sexuelle.

Dans le cadre de cet exposé, nous traiterons des sévices sexuels subis par les enfants au sein de leur famille que le Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage (ci-après dénommé le Groupe de travail) a décrit comme étant "une forme d'esclavage des plus répugnantes moralement" (E/CN.4/Sub.2/1997/13, Recommandation No 13). Des enfants sont victimes de sévices sexuels au sein de leur famille dans toutes les régions du monde, dans tous les milieux socioculturels et dans tous les types de familles. Ils en perdent tout respect pour eux-mêmes et pour autrui. Lorsque cela arrive dans la famille, là où l'enfant construit sa propre identité, le mal est particulièrement dévastateur. L'enfant, fille ou garçon, perd la capacité de reconnaître tout ce qu'il y a de noble en lui et ne voit plus clairement ce qui permet de s'élever et ce qui est avilissant. Lorsqu'on a subi des sévices sexuels infligés par des membres de sa famille, on est prédisposé toute sa vie non seulement à être une victime, mais aussi souvent à infliger à son tour des sévices à autrui. Ce type d'expérience détruit les fondements mêmes de la société  - la famille - et limite la capacité de ceux qui la vivent à contribuer au bien-être de cette société. C'est pourquoi les sévices sexuels subis au sein de la famille ont des répercussions importantes à la fois sur les individus concernés et sur la société.

Il serait important de définir des peines adaptées au crime et de les faire appliquer afin de dissuader les éventuels auteurs de sévices. De telles actions révéleraient aussi sans ambiguïté la volonté des gouvernements d'assurer aux enfants le droit d'être en sécurité chez eux. Nous adhérons donc à la recommandation du Groupe de travail qui invite les gouvernements à "prendre les mesures appropriées pour punir sévèrement les auteurs de ce délit particulièrement odieux" (E/CN.4/Sub.2/1997/13, Recommandation No 13, par. 3). En même temps, nous pensons que la véritable solution à ce problème ne réside pas tant dans la répression que dans la prévention. De notre point de vue, c'est en éduquant comme il convient et en renforçant l'intégrité de la famille que l'on parviendra à long terme à réduire efficacement le nombre des victimes et des criminels.

De nombreux rapports et études de l'ONU sur cette question font état de l'importance que revêtent pour la protection des enfants, l'éducation et un climat familial sain. Dans sa Déclaration, le Congrès mondial cite parmi les facteurs contribuant à l'exploitation sexuelle des enfants à la fois "le dysfonctionnement des familles, [et] le manque d'éducation" (par. 6). Le rapport du Rapporteur spécial chargé d'étudier la question de la vente d'enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie impliquant des enfants indique que "la vulnérabilité des enfants tient d'abord au milieu dans lequel ils vivent, par exemple des familles marginales ou en difficulté" (E/CN.4/1997/95, par. 12). Toute une partie du Programme d'action adopté par la Commission des droits de l'homme en 1992 [1]/ est consacrée à l'éducation et le Programme d'action du Congrès mondial adopté en 1996 insiste sur le fait que l'éducation est un important moyen de prévention. En outre, le Groupe de travail recommande que les organes chargés de contrôler le respect des traités relatifs aux droits de l'homme de l'ONU s'intéressent tout particulièrement aux articles qui ont trait à ces deux domaines lors de l'examen des rapports des États parties [1]/.

Les études montrent que les sévices sexuels existent quel que soit le niveau d'instruction, ce qui tend à indiquer que l'instruction seule n'est pas suffisante pour les éviter. Il est donc important de déterminer quel type d'éducation pourrait les empêcher. Dans la Convention relative aux droits de l'enfant il est dit que l'éducation d'un enfant, qui se fait à la fois à l'école et à la maison, devrait contribuer à "l'épanouissement de la personnalité de l'enfant [et de ses] dons ... dans toute la mesure de leur potentialité" (art. 29 1 a)). D'après le Programme d'action adopté par la Commission des droits de l'homme en 1992, l'éducation devrait inculquer "... des valeurs telles que le respect de soi-même" (Annexe, par. 21 b)). Nous pensons que, pour être efficace, l'éducation doit tendre à inculquer des connaissances, non seulement pour garantir l'assimilation de données et de compétences ou rendre apte à raisonner mais aussi pour rendre capable d'apprécier la dimension spirituelle de l'humanité avec tout ce que cela implique pour le bien-être moral de la société. Pour la Communauté internationale Baha'ie, l'éducation devrait donc avoir pour but de découvrir et de développer les dons particuliers de chaque enfant, et de cultiver chez lui le désir et la capacité d'être un membre responsable et attentionné de sa famille et de la société dans son ensemble.

6. En même temps que des connaissances et des savoir-faire, toutes les formes d'éducation transmettent également des valeurs et des croyances, que ce soit consciemment ou inconsciemment. Les systèmes éducatifs et les programmes actuels devraient être examinés en fonction des valeurs implicites qu'ils véhiculent et revus de façon à transmettre des principes comme la loyauté, l'honnêteté, la solidarité, la coopération, l'unité de l'humanité et l'égalité des droits entre hommes et femmes. Nous pensons que ce dernier principe a un profond retentissement sur la vie familiale et sociale et que s'il était accepté par tous les membres de la famille, il constituerait un puissant moyen d'éviter les sévices sexuels au sein de la famille.

Lorsque nous réfléchissons aux changements qui doivent intervenir dans l'éducation classique, il est important de se souvenir que l'éducation se fait aussi au sein de la famille. Les attitudes et les comportements appris dans la famille sont répétés en société; ils sont importés de la maison vers le lieu de travail puis dans la sphère politique. Il faudrait donc veiller tout particulièrement à rechercher les méthodes et les moyens les plus efficaces, pour fournir une information sur les types de comportements familiaux qui conduisent à un dysfonctionnement portant sérieusement atteinte au bien-être des membres de la famille, en particulier des enfants.

La concertation entre tous les membres de la famille - mère, père et enfants ainsi que d'autres membres de la maisonnée - est un outil important pour assurer et maintenir la viabilité de la famille. C'est vraiment un moyen idéal pour demander à l'enfant son avis sur toutes les questions qui le ou la concernent comme le prévoit la Convention relative aux droits de l'enfant. La concertation familiale, fondée sur une discussion franche et véritable, et menée avec un souci de modération et d'équilibre est préconisée dans les écrits baha'is comme la panacée en matière de conflit familial [1]/. La concertation a une telle valeur pour résoudre les problèmes de groupe et établir de nouveaux modes d'interaction fondés sur l'égalité et le respect mutuel que tous les enfants devraient apprendre au cours de leurs années d'apprentissage à maîtriser les techniques et les savoirs nécessaires à une concertation efficace.

Enfin, des campagnes de sensibilisation du public sont nécessaires pour proclamer le droit des enfants à être en sécurité dans leur propre foyer et pour encourager tant les auteurs de sévices que leurs victimes à rechercher de l'aide. Une discussion très large sur ce problème, ses causes, ses conséquences et ses remèdes, aiderait à lever le voile de secret et de honte qui entoure le thème des sévices sexuels au sein de la famille et qui empêche de nombreux individus de rechercher de l'aide. Nous demandons donc instamment que tous les moyens, et notamment les médias, soient utilisés pour informer le public de la nécessité de mettre un terme aux sévices sexuels infligés aux enfants, en particulier à ceux qui leur sont infligés au sein de leur famille.

 

[i]) Voir les paragraphes 18 à 23 de l'annexe à la résolution 1992/74, où la Commission recommande des objectifs comme "[un] effort portant particulièrement sur les filles" et "fonder toute l'action éducative sur les principes d'éthique universellement acceptés, dont la reconnaissance de l'intégrité de la famille".

 

[ii])      Le paragraphe 1 de l'article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qui précise que "l'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité" est mentionné au paragraphe 7 de la Recommandation 13 (E/CN.4/Sub.2/1997/13).

 

[iii])      Universal House of Justice, cité dans Baha'i Marriage and Family Life : Selections from the Writings of the Baha'i Faith, p. 36.

Communautés viables dans un monde en pleine intégration

Communautés viables dans un monde en pleine intégration

Cette déclaration a été présentée par la Communauté internationale baha'ie à la Conférence des Nations Unies sur les établissements humains (Habitat II).

Istanbul, Turquie—7 June 1996

A l'approche du XXIe siècle, gouvernements, organisations et peuples dépensent une énergie considérable à faire de leurs communautés des lieux de vie socialement animés, unis et prospères. La Conférence des Nations Unies sur les établissements humains (Habitat II), qui vient s'ajouter à la série des grandes conférences mondiales de cette décennie, en est un jalon qui laisse présager des progrès considérables pour le développement communautaire.

Toutefois, les actions de construction communautaire ne porteront leurs fruits à long terme que si elles associent progrès matériel et aspirations spirituelles fondamentales, qu'elles répondent à l'interdépendance croissante des peuples et des nations de la planète, et qu'elles instaurent un cadre où tous les peuples pourront prendre une part active à la gestion des affaires publiques de leur société.

C'est sur ces trois conditions essentielles à l'établissement d'une communauté viable que portent les commentaires suivants.

Correspondance entre progrès matériel, principes et priorités spirituels.

La nature humaine est fondamentalement spirituelle. Aussi est-il peu probable que des communautés prospèrent durablement sans tenir compte de cette dimension spirituelle ni chercher à développer une culture qui donne la primauté au développement intellectuel, émotionnel, éthique et moral de la personne humaine. C'est dans un milieu de ce type que l'individu a des chances de s'engager de manière constructive, de s'orienter vers le service à autrui, de travailler pour le bien-être matériel et spirituel de la communauté, et de développer une vision commune et partager le sentiment d'une mission également commune.

Par conséquent, il est nécessaire que la dimension matérielle du développement communautaire - environnement, économie, politique sociale, production, distribution, communication, systèmes de transport, et processus scientifique, juridique et politique - s'inspire de principes et de priorités spirituelles. Or on constate aujourd'hui que le développement communautaire s'appuie essentiellement sur des considérations d'ordre matériel.

Le défi à relever consiste donc à redessiner et à développer nos communautés autour de ces principes universels que sont l'amour, l'honnêteté, la modération, l'humilité, l'hospitalité, la justice et l'unité, facteurs de cohésion sociale dont aucune communauté, même économiquement prospère, intellectuellement riche et techniquement avancée, ne saurait se passer éternellement.

Pour ce faire, il faudrait tenir compte des considérations et principes suivants:

  • Placer la protection de la famille et la promotion de son bien-être au cœur du processus communautaire. La famille est l'institution centrale de la société et sa principale source de valeurs, de modèles de comportements, de croyances et d'attitudes. Lorsqu'elle est spirituellement saine, elle contribue largement à former des citoyens heureux et responsables.
  • Mettre le cadre physique, social, économique, juridique et politique de nos communautés au service de tous ses membres, et non uniquement des privilégiés. Pour construire une société véritablement juste et équitable, les citoyens doivent prendre conscience des liens inextricables qui unissent leurs intérêts individuels et ceux de l'ensemble. Ils devront s'engager à respecter autant les droits de l'homme que les responsabilités correspondantes. Enfin, lorsque les femmes seront accueillies en partenaires à part entière dans tous les domaines de l'activité humaine, familles, communautés et nations prospéreront et progresseront.
  • Considérer le travail comme un moyen de gagner sa vie et de contribuer à la prospérité de la communauté dans son ensemble permet de donner un sens à la vie. Aussi l'organisation de la communauté doit-elle permettre à tout un chacun d'exprimer son énergie créatrice dans un emploi utile. L'individu quant à lui, doit se montrer à la hauteur de la confiance qui lui est accordée. Tout progrès en ce sens contribuera dans une large mesure à éliminer les extrêmes de richesse et de pauvreté dans le monde.
  • "La religion, lit-on dans les écrits baha'is, est le moyen le plus puissant pour établir l'ordre dans le monde et satisfaire les aspirations pacifiques de tous ses habitants"1. Il convient donc de garantir à toutes les communautés la liberté de croyance, y compris le droit d'ériger des centres de prières2. Espaces privilégiés de recueillement, de méditation, d'actes de dévotion qui rapprochent l'individu de son créateur, ces lieux renforcent sa capacité spirituelle à se sacrifier et à servir. Par ailleurs, leur architecture est aussi souvent l'occasion pour une société d'exprimer son génie culturel.
  • Favoriser le principe de la beauté, qu'elle soit naturelle ou créée par l'homme, dans la planification des communautés, car celle-ci peut toucher les cœurs et inspirer à l'âme de nobles sentiments et actions.
  • Intégrer dans les principes du développement communautaire la préservation et la réhabilitation de l'environnement, non seulement pour assurer un développement durable à la civilisation actuelle, mais aussi pour répondre au besoin impérieux qu'éprouve l'esprit humain de se sentir en contact avec le monde naturel. Il convient ici de prendre soigneusement en considération le rôle essentiel du paysan en matière de sécurité alimentaire et économique.
  • Maîtriser la puissance considérable de la science et de la technologie pour servir les besoins spirituels, affectifs, intellectuels et matériels de l'ensemble de la famille humaine. Il faudra pour cela faire intervenir tous les peuples dans la production du savoir scientifique et le choix de ses applications. Au fur et à mesure que leur participation augmentera, la technologie déshumanisante et aliénante, créatrice de chômage, destructrice de l'environnement, et source de maladies, d'infirmités et de morts, sera sans doute réexaminée, et redéfinie ou abandonnée.

Vers une interdépendance croissante des peuples et nations du monde.

Peuples et nations se rapprochent au fur et à mesure qu'ils deviennent de plus en plus dépendants les uns des autres. Toutes les concentrations humaines du monde - du hameau à la mégapole, en passant par le bourg, le village, la ville, petite ou grande - accueillent des populations de plus en plus variées. Cette interdépendance croissante et la multiplication des relations entre peuples différents lancent un défi fondamental aux anciennes manières de penser et d'agir. C'est la façon dont nous, individus et communautés, allons relever ce défi qui fera de nos sociétés des communautés riches, cohérentes et développées ou au contraire, des ensembles inhospitaliers, divisés et non viables.

Face à ces défis, L'unité dans la diversité sert à la fois de vision d'avenir et de guide pour la communauté mondiale. Cette unité doit non seulement marquer les relations entre nations, mais s'appliquer aussi aux communautés locales et nationales pour qu'elles prospèrent et se développent durablement. Appliquer ce principe pour remodeler et développer les communautés du monde aurait des effets unificateurs et bénéfiques incalculables, tandis que s'abstenir de relever convenablement les défis d'un monde qui rétrécit sans cesse, aurait des conséquences désastreuses.

A l'évidence, l'humanité doit se préparer à saisir les occasions et à assumer les responsabilités qu'annonce cette interdépendance grandissante. Les peuples ont besoin d'acquérir les connaissances et les compétences et d'adopter les valeurs et les comportements qui leur permettront d'aider à façonner et à construire la communauté mondiale en toute confiance et à tous les niveaux, pour qu'elle incarne la justice, l'équité et l'unité. Le rôle de l'éducation à cet égard est indispensable pour aider l'individu à développer en lui un sentiment d'appartenance qui, loin de se limiter à la communauté locale ou à la nation, s'étende au monde entier3. Elle servira à cultiver la vertu pour en faire le fondement du bien-être personnel et collectif, et susciter chez les uns et les autres un attachement profond au bonheur de la famille, de la communauté, du pays, enfin, de l'ensemble de l'humanité4. Elle devra aussi les encourager à penser l'histoire en termes de processus, comme un inexorable mouvement vers une civilisation mondiale, mouvement dont les victoires sont le patrimoine commun de tous les peuples et dont nous devons désormais, en tant que race humaine unique, apprendre à relever les défis.

Vers des modes de gouvernance plus participatifs, fondés davantage sur la connaissance et d'inspiration morale plus marquée.

Les modèles descendants (du sommet vers la base) de développement communautaire ne peuvent plus répondre aux besoins et aux aspirations du monde moderne. Il faudrait donc que la communauté mondiale se tourne vers des systèmes de gestion des affaires publiques plus participatifs, fondés davantage sur la connaissance, et d'inspiration morale plus marquée, permettant aux populations de prendre en charge les mécanismes et des institutions qui affectent leur vie. Ces systèmes doivent être démocratiques dans l'esprit et la méthode, et se retrouver à tous les niveaux de la société, y compris à l'échelon planétaire. La consultation,5 qui est l'expression concrète de la justice dans les affaires humaines, devra devenir l'instrument essentiel de la prise de décision.

Naturellement, les anciennes façons d'exercer l'autorité devront faire place à de nouveaux modes d'exercice du pouvoir. Il faudra revoir notre façon de voir les choses dans ce domaine et y intégrer la prise de décision et l'action collectives. Cette nouvelle conception trouvera son expression la plus élevée dans le service à l'ensemble communauté dans son ensemble.

Vers une communauté commune, une destinée commune.

En définitive, les communautés qui fleuriront et prospéreront au prochain millénaire seront celles qui auront pris conscience de la dimension spirituelle de la nature humaine et qui auront placé l'épanouissement moral, affectif et intellectuel de l'individu au cœur de leurs priorités. Elles garantiront la liberté de religion et encourageront la construction de lieux de prières. Leurs centres universitaires chercheront à cultiver les potentialités latentes illimitées dans la conscience humaine et par dessus tout à faire participe tout le monde à la production et à l'application du savoir. Ne perdant jamais de vue le caractère indissociable des intérêts de l'individu et de ceux de la société, ces communautés favoriseront le respect des droits comme des responsabilités, cultiveront l'égalité et le partenariat entre femmes et hommes, et protégeront et éduqueront les familles. Elles intégreront la beauté qu'elle soit naturelle ou créée par l'homme, et feront la part belle en architecture aux principes de préservation et de réhabilitation de l'environnement. S'inspirant de la notion d'unité dans la diversité, elles encourageront largement la participation aux affaires de la société, et se tourneront de plus en plus vers des dirigeants motivés par le désir de servir. Les fruits de la science et de la technologie bénéficieront à l'ensemble des membres de ces communautés et il y aura du travail pour tous.

Les communautés de ce type apparaîtront comme les piliers d'une civilisation mondiale qui viendra logiquement couronner les longs efforts déployés par l'humanité dans de vastes régions en matière de construction communautaire. L'affirmation de Baha'u'llah, selon laquelle tous les êtres sont "nés pour faire avancer une civilisation en progrès constant", implique que tout un chacun a à la fois le droit et la responsabilité de contribuer à cette vaste entreprise collective et historique dont l'objectif n'est autre que la paix, la prospérité et l'unité de l'ensemble de la famille humaine.6

 


Bien que d'énormes injustices ont été perpétrées dans toute l'histoire au nom de la religion, il est impossible de nier la contribution essentielle de la foi au progrès social, dans la mesure où elle a motivé les individus à développer leurs qualités spirituelles, leur donnant les moyens de se sacrifier pour autrui et de participer à l'amélioration de leurs communautés.

Si les centres de prières et les institutions et activités auxquelles ils donneront lieu, doivent devenir un aspect fondamental de chaque bourg, village et ville - en fait de tout type d'établissement dans n'importe quel pays - ils doivent contribuer à l'harmonie générale de la communauté, sa paix, son bien-être, la compréhension et la tolérance entre ses membres. Dans le cas contraire, ils ne serviraient qu'à retarder le développement de communautés viables et prospères, et les habitants en viendraient finalement à les déserter au fur et à mesure qu'ils verront apparaître les divisions dues à l'esprit de clocher.

Tout endroit ou presque peut, bien entendu, servir de lieu de prières. Dans une des prières qu'il a révélée, Baha'u'llah souligne: "Béni est le lieu, et la maison, et l'endroit, et la ville, et le cœur, et la montagne, et le refuge, et la caverne, et la vallée, et le pays, et la mer, et l'île, et le prairie, où Dieu est mentionné et sa louange glorifiée". Toutefois, l'importance de disposer d'un lieux physique pour cultiver et exprimer sa foi ne sera jamais assez soulignée. Le Mashriqu'l-Adhkar baha'i (lieu d'où s'élève la louange de Dieu) est un centre de ce type, dont l'architecture inspire autant la prière qu'au service, ou encore, exprime la dimension spirituelle en termes pratiques. Au cœur de cet ensemble se trouve la Maison d'adoration ouverte à tous, indépendamment de leur croyance. Autour d'elle et animé par elle, des nombreuses dépendances - ou institutions - consacrées aux affaires sociales, administratives, humanitaires, éducatives et scientifiques seront prévues. Au fur et à mesure de la construction du Mashriqu'l-Adhkar, ces dépendances comprendront "un hôpital, un dispensaire, un hospice pour voyageurs, une école pour orphelins, et un établissement d'études supérieures".

A cet égard, la communauté peut être conçue comme un ensemble de cercles concentriques, le plus petit représentant la communauté locale, le plus grand, la communauté mondiale.

La notion de citoyenneté mondiale permet d'intégrer tous les niveaux de communauté: être un citoyen responsable aux échelons local et national n'est en rien contradictoire avec l'amour pour toute l'humanité; au contraire, ces allégeances et obligations à plusieurs niveaux forment une toile étroitement tissée, un tout inséparable.

Pendant la consultation, les participants s'efforcent individuellement de transcender leurs points de vue respectifs, pour se comporter comme les membres d'un organe ayant des intérêts et des objectifs propres. Dans une atmosphère empreinte de franchise et de courtoisie, les idées n'appartiennent pas seulement à l'individu qui les a émises mais au groupe dans son ensemble, qui les adoptera, les rejettera ou les révisera pour servir au mieux le but recherché. La consultation est efficace dans la mesure où tous les participants soutiennent les décisions adoptées, indépendamment des opinions individuelles de ceux qui les ont soutenues. Dans de telles conditions, il arrive qu'une décision antérieure soit remise en cause si l'expérience en révèle un défaut quelconque.

Il est intéressant d'observer qu'un certain nombre de notions présentées ici figuraient aussi dans la déclaration de la Communauté internationale baha'ie présentée à l'occasion de la première Conférence des Nations Unies sur les établissements humains, en 1976. Au nombre des déclarations baha'ies plus récentes qui abordent le thème des communautés viables, il y a notamment Vers une humanité prospère, La citoyenneté mondiale: une éthique globale pour un développement durable, et tournant pour les nations.

Deux projets de la communauté internationale baha'ie: au Cameroun et en Zambie

Deux projets de la communauté internationale baha'ie: au Cameroun et en Zambie

New York—30 April 1996

Cadre des projets

La Communauté internationale baha'ie compte en Afrique 44 membres nationaux affiliés, avec plus de 5000 communautés de base. Les baha'is se consacrent à l'amélioration de la vie collective de toute la planète et, dans cette optique, les responsabilités sont à la fois collectives (institutionnelles) et individuelles. D'une part, les conseils baha'is nationaux et locaux sont responsables, en tant qu'institutions baha'ies, du bien-être de toute la communauté et pas seulement de celui des baha'is. D'autre part, les baha'is considèrent que le travail effectué par un individu dans l'esprit de servir la communauté est une forme de prière. Ce cadre de responsabilités institutionnelles et individuelles est fondé sur certains principes parmi lesquels on peut citer: l'égalité des hommes et des femmes, la nécessité de rechercher la vérité d'une manière indépendante, la place primordiale réservée à l'éducation et l'importance de l'agriculture pour la société. L'approche baha'ie au développement social et économique compte au moins trois composantes que l'on verra apparaître dans les deux projets présentés ci-dessous: 1/ La pratique de l'art de la consultation, 2/ la rectitude de conduite, individuelle et collective, 3/ la résolution des problèmes par l'application de principes spirituels. D'après les Ecrits baha'is, les efforts pour mettre ces principes en pratique conduiront à l'autonomie, à la confiance en soi et à l'accroissement de l'honneur et de la dignité de la communauté.

Deux projets, ainsi que les leçons qu'on peut d'ores et déjà en tirer, vont permettre à la Communauté internationale baha'ie de démontrer l'efficacité de cette approche au développement. Le premier, situé au Cameroun, veut encourager la transformation des valeurs communautaires en enseignant aux participants l'usage des outils d'analyse tels que les groupes de recherche, les techniques d'interview, les sondages de la communauté pour identifier les problèmes, la consultation comme outil pour les analyser et les moyens de présentation traditionnels comme manière rassurante de générer, dans toute la communauté, un dialogue qui peut conduire à des solutions. Le second projet est la fondation Masetha en Zambie qui allie l'enrichissement spirituel à la formation dans les domaines des soins de santé élémentaires, de l'alphabétisation et de l'agriculture. On a récemment ajouté à ce projet une école secondaire pour filles des zones rurales, dans laquelle une part primordiale est donnée aux sciences et à l'agriculture. Ces deux projets insistent, d'une part, sur le développement des ressources humaines des individus et, d'autre part, sur la capacité des institutions à soutenir le travail du développement. S'il est vrai que les deux projets s'appuient sur l'infrastructure des institutions et l'engagement de la communauté baha'ie, ils sont néanmoins ouverts à tous et servent la communauté dans son ensemble.

Les moyens traditionnels comme agents de changement, Cameroun.

But

Le projet intitulé "les moyens traditionnels comme agents du changement" avait pour but d'élever le niveau des femmes dans les communautés sélectionnées grâce à des stratégies impliquant les hommes. En effet, plutôt que d'ignorer complètement les hommes ou de supposer qu'ils ne peuvent pas ou ne veulent pas changer, ce projet affirma audacieusement le prémisse exposé dans les Ecrits baha'is assurant que l'amélioration de la condition féminine bénéficiera à tous. Les concepteurs du projet décidèrent donc de tenter de modifier les valeurs communautaires de deux manières: 1/ en impliquant les hommes et les femmes dans un partenariat pour identifier les problèmes communautaires associés à la mauvaise condition de la femme et 2/ en encourageant, par l'usage des moyens traditionnels, la discussion en commun de ces problèmes. Le projet fut conçu par la Communauté internationale baha'ie et appliqué dans certains pays sur trois des continents grâce à des fonds de l'UNIFEM.

Activités

En travaillant, dans des communautés volontaires au Cameroun, avec les conseils baha'is élus, les animateurs facilitèrent les processus suivants:

Rassembler les informations: les participants au projet apprirent à utiliser des outils comme les groupes de recherche, les techniques d'interview, et les enquêtes communautaires, pour rassembler des informations sur la situation des femmes et identifier ainsi les problèmes de leur propre communauté qui ont un rapport avec cet état de fait.

Analyser les informations: en se servant du processus de la consultation comme base, les participants analysèrent ces informations à la lumière de certains principes tels que l'égalité des hommes et des femmes, le pouvoir de l'exemple, l'unité de but, l'engagement et l'esprit de service.

Stimuler, dans la communauté, la plus large discussion possible: l'analyse des résultats et les recommandations furent partagées avec la communauté dans son ensemble par l'intermédiaire de moyens traditionnels tels que le théâtre, les chants et la danse. Les messages communiqués de cette manière sont pris très sérieusement par les communautés analphabètes et ils offrent une ouverture rassurante pour le dialogue de toute la communauté.

Impact sur le développement local

A l'origine, le projet ne cherchait qu'à sensibiliser les institutions locales et à développer leurs capacités. Mais les résultats dépassèrent toutes les espérances.

Informations obtenues: les participants identifièrent comme problèmes principaux pour les femmes: le manque d'éducation, les hommes dominateurs, le partage inégal du travail entre hommes et femmes, la mauvaise gestion des finances du foyer par les hommes (qui ne consultent pas leurs femmes). Cette liste fut la même dans chaque village du projet au Cameroun (tout comme en Malaisie et en Bolivie où ce projet fut aussi appliqué).

Relations entre les participants: les sondages qualitatifs effectués indiquent que maris et femmes se consultent plus souvent, de sorte que les hommes donnent plus d'argent à leur famille et en dépensent moins pour eux-mêmes; une nette diminution de l'abus d'alcool et de la violence domestique; dans la plupart des régions, le pourcentage des filles inscrites à l'école est passé de 6 ou 7% à près de 100% et des preuves de changements profonds sont apparus dans les schémas de travail alors que les hommes commencèrent à effectuer certaines des tâches que seules les femmes faisaient avant, aussi bien au foyer que dans les champs.

Consolidation des capacités: les communautés locales furent capables de se servir de l'expérience acquise dans la planification, dans la consultation, dans la mise en pratique et dans l'évaluation des résultats pour d'autres activités, démontrant ainsi que les instruments acquis au cours du programme des femmes ont une application plus générale et peuvent servir à résoudre d'autres problèmes dans d'autres secteurs.

Suivi: nous sommes en train de quantifier les résultats. Des informations sur les comportements des habitants de trois villages impliqués dans le projet, comparés à ceux de trois villages témoins non impliqués, sont réunies. Pour ce faire, les participants au projet interrogèrent eux-mêmes 50 couples dans chaque village - les hommes interrogeant les hommes, et les femmes, les femmes. Les réponses sont en train d'être analysées.

Quelques-unes des leçons apprises

Le concept d'un projet qui n'a pas de retombées matérielles immédiates est difficile à saisir au premier abord. Pourtant, la perplexité initiale peut être dépassée si les animateurs du projet font ressortir les bénéfices qui seront retirés de l'apprentissage des techniques de base, et s'ils offrent une aide en rapport avec les besoins, notamment des visites régulières.

Les communautés peuvent, et doivent, être des partenaires actifs du changement et ne pas se contenter de recevoir de l'aide. Le ressort du projet était la participation collective: non seulement une modification des activités et des attitudes, mais une remise en question complète des valeurs de la communauté. Cette remise en question des valeurs traditionnelles par l'ensemble de la communauté, lui permet, dans son ensemble, d'accepter ces nouvelles valeurs et de les intégrer lentement comme nonnes de sa vie sociale.

De nouvelles valeurs impliquent une nouvelle vision des choses. Lorsqu'une communauté et, dans celle-ci, plus particulièrement les hommes - commence à voir que son bonheur et son bien-être dépendent du bonheur et du bien-être des femmes, le développement réel de cette communauté peut alors commencer. En d'autres mots, le changement ne devient durable que si les normes sociales se transforment.

La participation des femmes aux prise de décisions augmentent d'autant plus vite que les hommes sont plus impliqués dans le processus. Le Rapport des Nations Unies sur le développement de 1995 place à 30% le seuil critique de la participation féminine dans les prises de décision. Il semble qu'à partir de ce niveau, toute organisation connaît une transformation fondamentale. Mais le rapport indique aussi que cette proportion est rarement atteinte. Notre projet montre que ce seuil est atteint plus vite si les hommes, au lieu d'en être exclus ou ignorés, sont impliqués comme partenaires dans un mouvement unifié pour atteindre à l'égalité des sexes.

Nous avons tous du mal à changer d'habitudes, il est donc prudent de s'attendre à de la résistance, de la part des hommes comme des femmes. Certes, "partenariat" est un terme à la mode, mais en réalité, beaucoup de femmes n'éprouvent aucun intérêt à travailler avec les hommes et beaucoup d'hommes ne croient pas vraiment à l'égalité des sexes.

Les normes sociales sont plus fortes que les valeurs individuelles. Des deux projets (au Cameroun et en Zambie), il ressort que les normes sociales et la force de la culture du groupe sont des variables cruciales dans la transformation des attitudes et des comportements. Les deux projets montrent que changer la vision des choses et le rôle des sexes au niveau du foyer familial peut être extrêmement difficile. Pourtant, si les valeurs institutionnelles favorisent l'égalité des sexes, les hommes comme les femmes deviennent alors capables de mettre en pratique de nouvelles attitudes qui conduiront peu à peu à une transformation de l'attitude et du comportement qu'on pourra observer ensuite dans d'autres environnements. Les institutions et les organisations de la communauté (qu'elles soient éducatives, religieuses ou législatives) qui s'impliquent activement dans la promotion de l'égalité des sexes deviennent ainsi les clés d'une transformation durable des attitudes et du comportement.

Le développement de la capacité institutionnelle est vital pour soutenir d'une manière durable les efforts de développement. Nous prévoyons que les capacités institutionnelles de la communauté baha'ie du Cameroun devraient progresser à travers la création d'un institut de formation. Comme c'est déjà le cas à la Fondation Masetlha, l'évolution du comité de développement devrait permettre à cette communauté de s'engager peu à peu, par la réflexion et l'action, dans un grand choix d'initiatives qui participeront à l'intégration des diverses actions pour le progrès des individus et des villages du pays. Ainsi, les deux projets illustrent les éléments nécessaires à une activité durable dans le futur: le développement des ressources humaines et des capacités institutionnelles avec pour but de donner aux gens du village la faculté de participer à leur propre développement et à le diriger.

La Fondation William Mmutle Masetlha, en Zambie

But

La Fondation William Mmutle Masetlha est une association à but non-lucratif, située en Zambie centrale. Son rôle est de développer une approche spirituelle au développement économique et social qui encourage les gens à se développer et à devenir autonomes. La Fondation Masetlha fut créée en 1995 par le Conseil directeur baha'i de Zambie pour surveiller l'Institut William Mmutle Masetlha (fondé en octobre 19 83) et l'École Banani, une école secondaire pour filles de milieu rural (ouverte en janvier 1993). Cette fondation est la plus récente étape d'un processus de développement durable qui fut lancé par la base, entretenu au niveau national et financé par des agences gouvernementales ainsi que par des organisations de la société civile?

L'institut William Mmutle Masetlha

L'institut allie un programme d'enrichissement spirituel à un apprentissage pratique pour des volontaires, dans une grande variété de métiers que ce soit dans l'agriculture, la santé, l'instruction, l'éducation des enfants, l'apprentissage de la lecture et du calcul. L'enrichissement spirituel cherche à développer les ressources renouvelables de l'âme humaine: l'enthousiasme, le dévouement, la créativité et l'esprit de service, ainsi que les exercices pratiques qui conduisent à l'autonomie. L'implication active des femmes est un des points importants de tout l'apprentissage et du travail sur le terrain. L'Institut offre une grande diversité de cours. Par exemple, un des cours proposé depuis 1985 est un programme de quatre mois sur le développement spirituel et l'apprentissage agricole. Il consiste en quatre heures par jour de cours et de travaux pratiques dans les villages. Deux des projets particuliers de l'Institut sont le Programme baha'i d'alphabétisation et le Programme baha'i de Zambie pour les soins médicaux élémentaires.

Le Programme baha'i d'alphabétisation a pour but d'aider les baha'is de Zambie à atteindre l'alphabétisation totale et à renforcer les communautés baha'ies par deux moyens: 1/ en développant une méthode baha'ie d'approche de l'éducation à la lecture qui réaliserait à la fois une alphabétisation fonctionnelle et un renforcement spirituel; 2/ en formant des enseignants volontaires provenant à la fois de la communauté baha'ie et de la population dans son ensemble, afin d'offrir des classes d'études dans les villages où l'analphabétisme atteint jusqu'à 60%. La méthode choisie est basée sur la participation, diminuant le rôle des organisateurs et mettant en avant les gens peu éduqués pour étudier en groupes et développer une réflexion indépendante.

Le Programme baha'i de soins médicaux élémentaires, lancé en août 1993, veut aider le gouvernement zambien à atteindre le but de "la santé pour tous en l'an 2 000" au moyen de l'éducation sanitaire élémentaire, suivant quatre axes: 1 / sélectionner et former des volontaires pour en faire des Éducateurs hygiénistes de communauté; 2/ aider ces Éducateurs à lancer des activités de santé pour éduquer leurs communautés sur l'hygiène élémentaires, la nutrition et la prévention des maladies (en insistant sur le sida et la malaria); 3/ augmenter les zones d'immunisation et 4/ intégrer les soins médicaux élémentaires dans un programme plus vaste de formation dans le domaine du développement. Ce programme s'occupe aussi de la formation de ceux qui forment les Éducateurs. Il organise des réunions de Comité de santé du village et offre des cours de remise à niveau pour les Éducateurs hygiénistes de communauté. L'Institut forme aussi depuis 1987 des Travailleurs sanitaire de communauté.

Le Lycée international Banání

Le Lycée international Banání, situé dans le district de Chisamba, est un internat pour jeunes femmes tourné vers la science et l'agriculture. Établi par l'Institut Masetlha et ouverte aux filles des zones rurales, l'école a adopté le programme des examens de l'Université de Cambridge qui donne aux étudiants en fin d'étude un certificat international de fin d'études secondaires. Les cours sont actuellement: l'anglais en deuxième langue, le français, les mathématiques, la géographie, l'histoire, la littérature anglaise, l'agriculture, la biologie, la chimie et la physique. Il faut y ajouter deux cours sur les religions du monde et le développement du caractère. L'élément essentiel de la formation morale dispensée par l'école est un programme organisé pour servir la communauté. L'école compte une équipe enseignante de onze membres venant de six pays différents. Des bourses d'études pour étudiants dans le besoin sont proposées depuis 1993.

Impact sur le développement local

Informations obtenues: le projet d'alphabétisation suit une méthodologie participative développée en Colombie. Les textes nécessaires sont produits et traduits dans les langues locales et un livret a déjà été publié. Une autre source d'information est produit par les volontaires sur le terrain. Le projet médical montre, malgré le peu de suivi (problèmes de distances et d'accès), qu'environ 75% des personnes formées sont toujours en activité. C'est une preuve du développement des capacités des individus à poursuivre leurs activités par eux-mêmes, sans avoir besoin de quelqu'un pour les pousser.

Volontaires formés: des volontaires en grand nombre, dont beaucoup de femmes, ont été formés. Ainsi, le projet d'alphabétisation a formé 41 éducateurs de CARE International et de DAPP qui s'occupent chacun d'une classe d'une vingtaine de personnes, ce qui fait environ 800 élèves. Par ailleurs, quelques 40 éducateurs baha'is ont dirigé des classes, sous la responsabilité des communautés baha'ies locales, pour encore plus de 800 autres personnes. Les baha'is encouragent les jeunes à passer une année au service des autres et, à l'issue de deux séances d'entraînement intitulées "Année de Service des Jeunes", 50 jeunes d'Afrique du Sud sont venus se mettre au service des communautés de Zambie et de la région. Plus de 150 volontaires pour le Programme des Travailleurs sanitaires de base et 93 volontaires pour le Projet d'éducateurs pour l'hygiène de la communauté furent aussi formés. Enfin, 78% des Éducateurs ont, d'après leurs rapports, tenus des activités d'apprentissage de l'hygiène dans leurs communautés.

Relations entre les participants: environ la moitié de toutes les personnes formées sont des femmes (ce qui est déjà une réussite) dont beaucoup proviennent de l'ensemble de la communauté. Les femmes, très efficaces dans leurs rôles de travailleurs ou d'éducateurs, gagnent ainsi le respect de leur communauté. Renforcement des capacités: les services médico-sociaux manquent de personnel. C'est pourquoi les volontaires formés par les ONG jouent un rôle important dans les domaines préventif et curatif de la santé. Un certain nombre d'éducateurs travaillent avec leur clinique locale, soit comme volontaires soit comme employés. Les rapports indiquent qu'ils sont très efficaces. L'école des filles, qui, à son ouverture en janvier 1993 comptait 58 élèves, en comptait en 1994 plus de 90.

Relations avec les partenaires dans le développement: les relations avec les Ministères zambiens de la Santé et du Développement communautaire sont très bonnes. Ces administrations ont soutenu l'équipe de l'Institut. Plusieurs ministres de la Santé et de nombreux officiels du Ministère du Développement communautaire ont loué le travail de formation accompli à l'Institut, travail reconnu par plusieurs ONG. Les gens des Ministères disent tous que les éducateurs et les travailleurs "baha'is" sont excellents et très consciencieux.

Financement: en général, les programmes de développement baha'is ont très peu de frais généraux comparés à d'autres organisations ou même au gouvernement. Tous travaillent volontairement sur le terrain. Les employés de l'Institut acceptent des salaires modestes. L'intégrité personnelle étant une des valeurs essentielles primordiale, chacun est responsable de l'argent qu'il manipule quelle que soit son origine. Les programmes de l'Institut touchent presque toute la Zambie puisque nous travaillons à partir du réseau des communautés baha'ies sans lesquelles les projets ne pourraient qu'être limités géographiquement. Ce réseau permet de sélectionner et d'inviter les personnes à former sans grand investissement de temps ou d'argent de la part de l'Institut. Des lettres sont envoyées aux conseils locaux baha'is qui décident qui participera à la formation.

Quelques-unes des leçons apprises

Encourager la participation de toutes les femmes demande de la patience et de la Persévérance. Pour contrer les habitudes tenaces qui ont tendance à les replacer dans leurs rôles traditionnels lorsqu'ils retournent dans leur village, les hommes comme les femmes ont besoin de participer souvent à des discussions régulières, avec des éducateurs médicaux et des enseignants, sur la nécessité d'améliorer l'égalité des sexes.

Former les femmes à devenir des Éducatrices-Hygiénistes élève leur rang dans la communauté. Avoir été choisies par la communauté pour suivre l'apprentissage, puis devenir connue comme "L'Éducatrice hygiéniste communautaire", donnent à beaucoup de femmes confiance et respect de soi. Cela leur permet de participer à tous les événements de leur communauté et de faire bouger les choses dans d'autres domaines. Malheureusement tout cela va lentement et pas encore assez de femmes ont pu acquérir ce statut.

Les normes sociales sont très fortes. Nous avons remarqué que le progrès vers l'égalité des sexes est plus rapide à l'Institut qu'au village. Il faut donc travailler plus au village même. Beaucoup de femmes sont capables de parler en public et de participer sur un plan d'égalité avec les hommes aux sessions d'apprentissage, et les hommes semblent vouloir vivre une culture plus équitable dans le cadre de l'Institut. C'est d'ailleurs une des raisons importantes qui nous pousse à sortir les gens de leurs villages pour l'apprentissage car à l'Institut il est possible de créer une culture nouvelle, même si elle est temporaire.

Une morale orientée vers l'idée de servir les autres produit des travailleurs bien meilleurs. L'empressement des baha'is à se porter volontaires et la grande qualité des Éducateurs ne sont pas surprenants car, par leur formation et leur vie communautaire baha'ies, ils sont encouragés à travailler et à se rendre utiles d'une manière désintéressée.

Les relations avec les donateurs sont parfois difficiles. Le flot d'argent est souvent irrégulier et les institutions baha'ies n'ont pas l'expérience de gérer ces dons. L'association canadienne de santé publique, une ONG fondée par le CIDA, a pour vocation de distribuer des dons et d'aider à leur gestion dans le cadre d'une trentaine de projets sanitaires et d'immunisation. Elle parvient à se sortir correctement de ce partenariat entre ONG. Son prochain Atelier annuel aura d'ailleurs pour sujet le partenariat. Cette association allie une certaine quantité d'expériences et d'expertises tout en conservant les arrangements réduits et flexibles d'une ONG.

La concertation avec un grand nombre de personnes et d'organisations à toutes les étapes d'un projet de développement, de sa conception à sa mise en œuvre. Tous ces projets furent élaborés au cours de nombreuses réunions de consultation. Par exemple, au cours d'une suite de réunions de consultation impliquant des organisations internationales, nationales et locales, ainsi que des gens de toute la Zambie, fut peu à peu élaborée la notion de développement des ressources humaines comme instrument de spiritualisation. Le groupe réduit chargé de l'Institut permanent consulte régulièrement le Bureau directeur de la Fondation ainsi que le Conseil national baha'i. De plus, les congrès nationaux baha'is annuels, au cours desquels se réunissent des délégués élus, venant de villages de toute la Zambie, prévoit toujours dans son agenda un temps de consultation sur les programmes de l'Institut et sur la manière de les améliorer.

Notes

  1. Les citations suivantes tirées des Écrits baha'is ont profondément façonné les deux projets: "L'humanité a deux ailes, la masculine et la féminine. Un oiseau ne peut voler que si ses deux ailes sont également développées..." (Sélection des Écrits d'Abdu'l-Bahá, M.E.B. 1983, p. 302). "Aussi longtemps qu'on empêchera les femmes de se réaliser selon leurs compétences, les hommes resteront incapables d'atteindre la grandeur qui pourrait être la leur." (Causeries d'Abdu'l-Bahá à Paris, M.E.B. 197 1, p. 178)
  2. Les organismes qui, jusqu'à aujourd'hui, ont aidé la Fondation William Mmutle Masetlha: le Ministère de l'agriculture de Zambie, le comité national d'enseignement baha'i de Zambie, l'agence internationale pour le développement de Suède (SIDA), l'agence internationale pour le développement du Canada (CIDA), l'association de la Santé publique canadienne (CPHA), l'assemblée spirituelle nationale des baha'is du Canada, CARE, CUSA, la communauté baha'ie de Suède, l'agence internationale baha'ie pour la santé (BIHA), le service de développement international baha'i du Canada (CBIDS), la Fondation Ettehadieh, le Beit Trust et la Fondation pour une communauté mondiale. Le personnel nécessaire fut fourni par les Ministères de la Santé et du Développement communautaire de Zambie.

Le rôle de la religion dans la promotion de la condition féminine

Le rôle de la religion dans la promotion de la condition féminine

Présentée à la quatrième Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes

Beijing, Chine—13 September 1995

Plan courageux et audacieux pour promouvoir à la fois la condition des hommes et des femmes, le Programme d'action de la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes repose sur des fondements solides. Il établit un calendrier pour l'égalité qui met l'accent sur les droits des femmes en tant que droits humains, souligne la responsabilité partagée et le partenariat entre femmes et hommes, et en appelle à l'action immédiate en vue de créer un monde juste, développé et pacifique, fondé sur le principe de l'égalité et édifié sur le savoir, l'énergie, la créativité et les talents de la femme. C'est donc d'un point de vue moral et de principe, loin du pragmatisme pur et dur, que le Programme d'action aborde l'émancipation des femmes.

La Communauté internationale baha'ie s'en félicite, mais estime qu'il convient d'aller beaucoup plus loin encore. Pour que le Programme d'action bénéficie du soutien mondial nécessaire à la réussite de son application, le principe sur lequel il se fonde, soit l'égalité des hommes et des femmes, doit être considéré comme un aspect essentiel d'un principe plus large encore: l'unité de l'humanité. Justement replacée dans le contexte de cette unité, l'égalité des sexes doit être comprise non seulement comme une exigence de justice mais comme une condition sine qua non de la paix et de la prospérité. Rien de moins qu'une vision exigeante de la paix et un attachement résolu aux valeurs sur lesquelles elle doit se fonder, elle aura le pouvoir de susciter dans le comportement des individus, au sein des structures administratives, et au niveau de la dynamique interpersonnelle, les changements révolutionnaires requis par le Programme d'action.

Traditionnellement, les religions ont été parmi les plus puissantes sources de vision d'avenir et de valeurs. Toutes, surtout à leurs débuts, ont esquissé un nouveau dessein pour la société, exprimé des valeurs conformes à ce dessein, et inspiré la transformation tant des individus que des institutions.

Parallèlement, il convient de reconnaître qu'elles ont aussi été source de division et de fragmentation sociale. En effet, l'émancipation des femmes n'a pas toujours été l'une de leurs préoccupations majeures, et lorsqu'elle l'a été, a connu des degrés divers de réussite. Si, d'une façon générale, les religions ont eu tendance, dans les premières années de leur existence, à encourager la participation des femmes, l'histoire montre qu'avec le temps un mouvement s'est dessiné au sein des institutions religieuses qui a conduit à l'émergence de pratiques et de comportements propres à faire obstacle au développement du potentiel des femmes.

La religion étant potentiellement une force considérable de progrès, il est instamment demandé aux chefs religieux et aux hommes de foi de se lever par amour pour l'humanité afin de promouvoir ces principes unificateurs éternels - ou valeurs spirituelles - propres à insuffler tant aux individus qu'aux gouvernements la volonté de mettre en  œuvre le calendrier pour l'égalité.

Il y a en premier lieu, le principe de l'unité de l'humanité. Il est au cœur même du principe moral selon lequel il nous faut traiter autrui comme nous aimerions être traités nous-mêmes, norme éthique soutenue sous une forme ou une autre par toutes les religions. Afin d'instaurer la justice, la paix et l'ordre dans un monde interdépendant, ce principe doit inspirer toutes les relations, y compris entre hommes et femmes. Si l'on devait examiner la façon dont les femmes sont traitées à la lumière de cette norme éthique, nombre de pratiques culturelles, religieuses et traditionnelles seraient sans aucun doute largement dépassées.

La transformation personnelle nécessaire à une véritable égalité sera, à n'en pas douter pénible à réaliser tant pour les hommes que pour les femmes. Tous deux devront cesser de s'enferrer dans la culpabilisation et le blâme, afin d'assumer courageusement la part de responsabilité qui leur revient dans la transformation de leur société. Les hommes doivent user de leur influence, en particulier dans les organisations civiles, politiques et religieuses dont ils ont le contrôle, pour y faire entrer systématiquement les femmes, non par condescendance ni par un soi-disant esprit de sacrifice mais parce qu'ils sont convaincus que la société ne peut progresser sans leur apport. Les femmes, de leur côté, doivent s'instruire et aller de l'avant dans tous les domaines de l'activité humaine, mettant ainsi leurs qualités, leurs talents et leur expérience propres au service de l'équation politique, économique et sociale. Femmes et hommes assureront ainsi ensemble la paix mondiale et le développement durable de la planète.

Il incombe aux chefs religieux et aux hommes de foi, où qu'ils se trouvent, d'assumer une responsabilité toute particulière: celle de réaffirmer les principes spirituels éternels qui unissent et relient les cœurs ensemble et libèrent les facultés de l'âme. Portés par l'esprit et la perspective de l'unité de la famille humaine, femmes et hommes sont en mesure de créer, ensemble et dans conformément du calendrier pour l'égalité, un monde pacifique, juste et prospère, propice à l'éducation et à l'épanouissement des générations futures.

Défense de l'environnement, développement durable et foi baha'ie

Défense de l'environnement, développement durable et foi baha'ie

Cette étude fut présentée par la Communauté internationale baha'ie dans le cadre du Sommet sur l'alliance entre religions et défense de l'environnement. Ce sommet, placé sous l'égide de Son Altesse Royale, le Prince Philippe, duc d'Edimbourg, et coparrainé par la WWF (World Wide Fund for Nature), la Fondation Pilkington et MOA International - se tint en deux sessions. Elles eurent lieu à Atami, au Japon, du 3 au 9 avril 1995, et au château de Windsor, Royaume-Uni, du 29 avril au 3 mai 1995. Ce sommet rassembla les chefs spirituels des neufs religions principales : baha'ie, bouddhiste, chrétienne, hindoue, islamique, jaine, juive, sikh, et taoïste.

Windsor, Angleterre—3 May 1995

I. Les écrits baha'is sur la conservation et le développement durable

En cette époque de transition vers une société mondiale, la protection de l'environnement et la conservation des ressources terrestres représentent un défi très complexe. Les rapides progrès de la science et de la technologie ont certes permis d'unir physiquement le monde, mais ils ont aussi accéléré la destruction de la diversité biologique et l'appauvrissement du patrimoine naturel de la planète. La civilisation matérielle, dirigée par les dogmes du consumérisme et de l'individualisme agressif, et désorientée par l'affaiblissement des règles de la morale et des valeurs spirituelles, a été portée à l'excès.

Seule la perspective générale d'une société mondiale s'appuyant sur des valeurs et des principes universels, peut inciter les individus à assumer leurs responsabilités en matière de protection à long terme de l'environnement. Les baha'is trouvent ce genre de vision et de système de valeurs dans les écrits de Baha'u'llah, qui préconisent l'avènement d'une ère de justice, de prospérité et d'unité mondiales.

Baha'u'llah invite en effet ses fidèles à cultiver en eux un sentiment de citoyenneté mondiale et une vocation de gestionnaire de la planète. Ses écrits sont imprégnés d'un profond respect pour le monde de la nature et pour l'interdépendance qui y règne. Ils insistent sur le fait que les résultats de l'amour de Dieu et de l'obéissance à ses commandements sont la dignité, la noblesse, et un sentiment de sa propre valeur. De ces attributs naît l'inclination naturelle à traiter autrui avec amour et compassion, ainsi que le sens du sacrifice au profit de la société. Baha'u'llah enseigne aussi la modération, une volonté de justice, et le détachement des choses de ce monde, disciplines spirituelles qui permettent à l'individu de contribuer à l'établissement d'une civilisation mondiale prospère et unie. Le modèle général de ce genre de civilisation et les principes appelés à la fonder sont contenus dans la révélation de Baha'u'llah. Il s'agit d'une civilisation porteuse d'espoir pour une humanité découragée, et remplie de promesses quant à la possibilité de satisfaire les besoins des générations présentes et futures et de jeter des fondements solides au développement économique et social. L'inspiration et la vision de cette civilisation trouvent leur expression dans l'affirmation suivante de Baha'u'llah: "La terre n'est qu'un seul pays dont tous les hommes sont les citoyens." 1

Au nombre des principes qui fondent l'approche baha'ie en matière de conservation et de développement durable, les idées suivantes revêtent une importance particulière:

- La nature reflète les qualités et les attributs de Dieu et doit donc faire l'objet d'un amour et d'un respect extrêmes.

- Toutes les choses sont liées les unes aux autres et leur évolution obéit à la loi de la réciprocité.

- L'unité de l'humanité est la vérité sociale et spirituelle fondamentale de notre époque.

La nature, miroir des qualités et des attributs de Dieu

Les écrits baha'is décrivent la nature comme étant une émanation de la volonté divine:

" La nature en son essence est l'incarnation de mon nom, le Façonneur, le Créateur. Ses manifestations sont diversifiées pour différentes raisons et, dans cette diversité, les hommes éclairés peuvent voir des signes. La nature est la manifestation de la volonté de Dieu, elle est son expression dans et à travers le monde contingent. C'est une loi de la Providence promulguée par l'Ordonnateur, le Très-Sage." 2

Considérer la nature comme un reflet de la majesté de Dieu et une expression de son but permet d'inspirer aux hommes un profond respect pour elle:

" Quoi que je regarde, tout te fait connaître à moi, tout me rappelle tes signes, tes symboles et tes témoignages. Par ta gloire! Chaque fois que je lève les yeux vers ton ciel, tout me rappelle ta majesté et ton élévation, ta gloire et ta grandeur incomparables; et chaque fois que je tourne mon regard vers ta terre, j'en viens à reconnaître les signes de ton pouvoir et les témoignages de ta bonté. Lorsque je contemple la mer, il me semble qu'elle me parle de ta majesté, de la force de ta puissance, de ta souveraineté et de ta grandeur. Et chaque fois que je contemple les montagnes, tout me pousse à y discerner les emblèmes de ta victoire et les étendards de ton omnipotence." 3

Cette attitude de respect se trouve renforcée par d'abondantes références métaphoriques au monde de la nature, qui tissent la trame des écrits baha'is. Toutefois, si la nature est tenue en haute estime, elle ne doit pas faire l'objet de culte ou d'adoration. Elle doit au contraire permettre au genre humain d'atteindre le but que Dieu lui a assigné: faire avancer une civilisation en progrès constant. La vision baha'ie du monde n'est donc ni bio-centrée, ni anthropo-centrée proprement dit, mais plutôt théo-centrée ou axée sur les révélations divines. En s'efforçant de réaliser la volonté de Dieu dans ce monde physique, l'humanité devient le dépositaire et le garant de la nature.

Agir de manière responsable à l'égard du monde de la nature conduit tout naturellement à traiter les animaux avec humanité.

" Ce n'est pas seulement leurs semblables que les bien-aimés de Dieu doivent traiter avec miséricorde et compassion; toutes les créatures vivantes doivent faire l'objet d'une bienveillance extrême de leur part." 4

" Formez vos enfants, dès leur plus jeune âge, à se montrer infiniment tendres et aimants envers les animaux." 5

Interdépendance de toutes choses et loi de la réciprocité

Les principes d'interdépendance et de réciprocité sous-tendent la compréhension baha'ie du fonctionnement de l'univers et des responsabilités de l'humanité tout à la fois.

"Chaque partie de l'univers, en effet, est reliée à chacune des autres parties par des liens très puissants qui ne souffrent aucun déséquilibre, ni aucun relâchement...." 6

"La coopération et la réciprocité sont des propriétés essentielles inhérentes au système unifié du monde de l'existence et sans lesquelles, l'ensemble de la création serait réduite à néant." 7

"Si l'on pouvait observer avec un œuil capable de discerner la réalité de toutes choses, il apparaîtrait évident que le lien suprême qui unit les divers éléments du monde de l'existence se trouve dans la variété même des choses créées, et que la coopération, l'entraide et la réciprocité sont des caractéristiques essentielles de l'organisme unifié du monde de l'existence, d'autant plus que les choses créées sont intimement liées les unes aux autres, et que chacune est influencée par l'autre ou en bénéficie soit directement, soit indirectement." 8

Les écrits baha'is admettent explicitement le phénomène de l'évolution:

" Tous les êtres, grands ou petits, ont été créés parfaits et complets dès le départ, mais ils ne se perfectionnent que par degrés. L'organisation divine est une; l'évolution de l'existence est une; le système divin est un....Si l'on considère ce système universel, on s'aperçoit qu'aucun être n'a atteint le degré de la perfection en venant à l'existence. Au contraire, tous grandissent et se développent peu à peu pour atteindre la perfection." 9

On y met aussi en valeur les bénédictions apportées par la diversité biologique:

"La diversité est l'essence de la perfection et la cause de l'apparition des bienfaits du Seigneur Le Plus Glorieux.... Cette diversité, ces différences sont pareilles aux dissemblances et variétés, naturellement créées, des membres et des organes du corps humain, qui chacun contribue à la beauté, à l'efficacité et à la perfection de l'ensemble... Quel triste spectacle que celui d'un jardin dont les fleurs, les plantes, les feuilles, les bourgeons, les fruits, les branches et les arbres seraient tous de la même forme et de la même couleur! La diversité des teintes, des tailles et des formes enrichit et agrémente le jardin dont l'effet se trouve ainsi rehaussé..." 10

Les mondes spirituel et matériel sont liés entre eux et agissent l'un sur l'autre:

"Nous ne pouvons pas séparer le cœur humain de l'environnement qui lui est extérieur et dire qu'une fois que l'un ou l'autre aura changé, tout s'améliorera. L'homme forme un tout organique avec le monde. Sa vie intérieure façonne l'environnement et il en est lui-même profondément influencé. L'un agissant sur l'autre, tout changement durable dans la vie de l'homme est le résultat de cette interaction."11

Etant donné l'unité fondamentale entre la science et la religion - autrement dit étant donné l'interaction des royaumes matériel et spirituel - il n'est guère surprenant de trouver dans les écrits baha'is l'éloge de la recherche scientifique:

"La faculté qui mène à l'investigation scientifique des secrets de la création ... est le pouvoir le plus louable de l'homme, car c'est en l'employant et en l'exerçant qu'il y a amélioration des conditions de la race humaine, que l'acquisition de vertus par l'humanité est rendu possible..." 12

Toutefois, l'exercice de cette faculté doit être inspiré par des principes spirituels, en particulier la modération et l'humilité.

"Toute action, quelle qu'elle soit, fût-elle l'instrument du plus grand bien de l'humanité, peut être mal utilisée." 13

"Portée à l'excès, la civilisation dont découle tant de bien lorsque maintenue dans les limites de la modération, deviendra une source de aussi abondante de mal." 14

"Tout homme de discernement qui, en foulant la terre, prendra pleinement conscience que ce même sol foulé par les pas de tous les hommes est à l'origine de sa prospérité, de sa richesse, de sa puissance, de son exaltation, de son progrès et de son pourvoir, se sentira empli de confusion. Nul doute que quiconque reconnaît cette vérité, est purifié et sanctifié de toute fierté, de toute arrogance et de toute vanité..." 15

Considérant l'interdépendance et le lien de réciprocité qui unit toutes les parties de la nature, considérant de même la perfection évolutive de tous les êtres et l'importance de la diversité pour "la beauté, l'efficacité et la perfection de l'ensemble" 16, il est évident pour les baha'is que, dans l'organisation des affaires humaines, aucun effort ne doit être épargné pour préserver autant que faire se peut la diversité biologique et l'ordre naturel de la terre.

Néanmoins, dans leur volonté d'étendre la justice sociale et économique à l'ensemble de la famille humaine, les hommes pourront avoir à prendre certaines décisions difficiles et peut-être même irréversibles. Ce genre de décisions, estiment les baha'is, devront se prendre dans un cadre consultatif, faire intervenir ceux que ces décisions concernent, et tenir compte de l'impact des politiques, programmes et activités convenus sur la qualité de vie des générations futures.

La promesse de Baha'u'llah, selon laquelle la civilisation est appelée à durer pendant au moins 5000 siècles sur cette planète, interdit aux baha'is de fermer les yeux sur l'impact à long terme des décisions prises aujourd'hui. La communauté mondiale doit dès lors apprendre à faire un usage adéquat des ressources naturelles de la planète, renouvelables ou non, de façon à en assurer le caractère durable sur de longues périodes. Ce qui ne signifie nullement que les baha'is prônent une politique de retour en arrière. Au contraire, la civilisation mondiale qui finira tôt ou tard par émerger, selon les baha'is, sera animée d'une profonde foi religieuse et sera de celles où la science et la technologie seront mises au service de l'humanité pour l'aider à vivre en harmonie avec la nature.

L'unité de l'humanité, vérité sociale et spirituelle fondamentale de notre époque

L'unité de l'humanité est pour les baha'is le principe directeur et le but ultime de la vie collective de l'humanité sur cette planète. Ce principe est valable non seulement pour les individus, mais aussi pour les relations qui doivent exister entre tous les Etats et les nations en tant que membres d'une seule famille humaine:

"L'unité de l'humanité...implique une transformation organique de la structure de la société d'aujourd'hui, une transformation telle que le monde n'en a encore jamais vécue....Celle-ci exige ni plus ni moins la reconstruction et la démilitarisation de l'ensemble du monde civilisé -- un monde organiquement uni dans tous les aspects essentiels de sa vie, de ses mécanismes politiques, de ses aspirations spirituelles, de son commerce et de sa finance, de son écriture et de sa langue, et pourtant un monde infiniment diversifié de par les caractéristiques nationales de ses unités fédérées." 17

"Il représente l'apogée de l'évolution humaine... et porte en lui ni plus ni moins l'affirmation solennelle qu'il est non seulement nécessaire mais inévitable d'atteindre l'étape finale de cette incroyable évolution, que ce but est tout près de se réaliser et que rien d'autre qu'une puissance d'origine divine ne peut parvenir à l'établir." 18

Les écrits baha'is affirment haut et fort que l'adhésion au principe de l'unité de l'humanité aura un effet direct et durable sur l'environnement physique, social et spirituel de l'humanité. L'acceptation universelle de ce principe conduira à une restructuration majeure des systèmes politiques, juridiques, économiques, industriels, agricole, social, et d'éducation dans le monde. Ce phénomène facilitera l'émergence d'une civilisation mondiale prospère, juste et durable. En dernière analyse, seule une civilisation fondée sur des valeurs spirituelles - dans laquelle science et religion travaillent en harmonie - permettra de préserver l'équilibre écologique de la terre, encourager la stabilité de la population humaine, et accroître le bien-être à la fois matériel et spirituel de tous les peuples et de toutes les nations.

Conclusion

Les écrits baha'is nous enseignent qu'en qualité de dépositaire des vastes ressources de la planète et de sa diversité biologique, l'humanité doit chercher à protéger "l'héritage des générations futures "; 19 voir en la nature un reflet du divin; adopter une attitude humble vis-à-vis de la terre, source de bénédictions matérielles; tempérer ses agissements et y mettre de modération; et se laisser guider par la vérité spirituelle fondamentale de notre ère, l'unité de l'humanité. La vitesse et la facilité avec lesquelles nous mettrons en place un cadre de vie durable dépendra, en dernière analyse, de notre volonté à nous transformer, à travers l'amour de Dieu et l'obéissance à ses lois, pour devenir des forces constructives travaillant à l'établissement d'une civilisation en progrès constant.

II. Vue d'ensemble du Programme d'environnement de la Communauté internationale baha'ie depuis son adhésion au réseau de la Conservation et de la religion en 1987

Voilà des décennies que des baha'is, individuellement ou en communauté, travaillent à la protection et à la préservation de l'environnement. Ces dix dernières années toutefois, ils ont considérablement augmenté leurs actions dans ce domaine.

A l'échelon mondial, la Communauté internationale baha'ie a officiellement adhéré en 1987 au Réseau du Fonds Mondial pour la Nature (WWF) pour la Conservation et la Religion.

En 1989, elle diffusait dans le monde une compilation des extraits des écrits baha'is. Cette dernière, intitulée La conservation des ressources terrestres, a été largement étudiée dans les communautés baha'ies à travers la planète et a permis de préciser la vision et d'augmenter l'inspiration de celles qui sont actives en matière de conservation.

La même année, un bureau de l'environnement a été créé dans le cadre de la Communauté internationale baha'ie pour représenter cette dernière auprès de l'ONU et d'autres instances internationales traitant de développement durable. Ce bureau est chargé de porter les problèmes d'environnement à l'attention des communautés baha'ies, et de catalyser leurs activités en leur fournissant des informations et en les aidant à s'organiser en réseau avec des individus, des institutions et autres ressources.

Des dizaines de communautés nationales baha'ies - au Brésil, au Japon, en Malaisie, aux Pays-Bas, au Nigéria, en Norvège, au Pakistan, aux Philippines et à Taïwan -- et de nombreuses communautés locales ont créé leur propre bureau de l'environnement ou l'équivalent. Ces bureaux s'emploient à promouvoir des activités et une éducation en matière de développement durable, souvent en coopération avec d'autres organisations et individus aux principes et aux buts similaires. Beaucoup d'autres communautés ont introduit la protection de l'environnement dans les objectifs de leurs bureaux de développement économique et social, déjà existants.

Voici les 5 grandes catégories dans lesquelles on peut regrouper les activités d'environnement et de développement des baha'is, à titre individuel ou collectif : Education et formation, projets, arts, activités de promotion, et entretien des lieux saints et jardins baha'is.

Éducation et formation

De nombreux programmes d'éducation et de sensibilisation encourageant la conservation et le développement durable ont été lancés par des baha'is de par le monde, à titre individuel ou collectif.

- Les communautés baha'ies ne de cesse de mieux comprendre les enseignements baha'is et à les appliquer aux défis écologiques qui se posent à l'humanité. Elles examinent donc les écrits baha'is sur la conservation et le développement et explorent les pistes qui leur permettraient de traduire les enseignements en actions. L'étude, la réflexion individuelle et collective, et la concertation conduisent souvent à l'élaboration de plans et de projets.

- Des articles sur l'environnement et le développement ont été publiés par des intellectuels baha'is, et plusieurs publications baha'ies contiennent désormais régulièrement des informations et des idées liées à la conservation.

- Les écoles baha'ies, les écoles d'été, les conférences de jeunes et autres rassemblements consacrent des sessions, parfois des programmes entiers à traiter de questions d'environnement et de développement. Des groupes de travail ont de la même manière été formés sur ces mêmes questions sous l'égide de diverses associations nationales et régionales d'études baha'ies.

- Le Bureau baha'i japonais de l'environnement a mis en œuvre des programmes d'éducation de l'environnement dans des groupes communautaires à Honshu et Kyushu.

- La communauté baha'ie brésilienne, en coopération avec le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF), a lancé un programme d'éducation à la conservation, qui permet de former les enseignants dans et autour de Brazilia, la capitale, et a publié des outils d'enseignement et une vidéo. La deuxième étape du projet est en cours, élargissant les mêmes activités à plusieurs autres États du Brésil.

- Diverses communautés locales et nationales baha'ies - de celles de Saskatoon, Fort Murray et Leicester, à celles du Zimbabwe, de la Guyane et de l'Inde - ont mis au point localement des modules et du matériel d'enseignement traitant de conservation.

- Le Bureau baha'i taïwanais de l'environnement a formé, en collaboration avec les autorités publiques, des centaines d'enseignants à travers le pays pour introduire les questions relatives à la conservation dans les programmes scolaires. Ce bureau a également produit toute une série d'émissions radiophoniques et télévisuelles sur la préservation et la protection de l'environnement, à l'échelon national.

- L'université de Nur à Santa Cruz, en Bolivie, dont les méthodes pédagogiques et l'administration s'inspirent des principes baha'is, a conçu un programme de maîtrise sur le développement.

- Les stations de radio baha'ies de six pays émettent des programmes et des annonces publiques traitant de questions d'environnement et de développement, tels que les pratiques agricoles durables et la préservation de la planète.

- Les jeunes Colombiens organisent des camps de vacances pour étudier les principes de la conservation tels qu'ils sont exposés dans les écrits baha'is, et les traduire en actes.

- Ecologia Y Unidad Mundial (Écologie et Unité mondiale) une publication bimensuelle de la communauté baha'ie d'Argentine, traite des questions d'environnement et de développement. Elle est diffusée à l'échelon national et mondial.

- Vanguardia Trust, une organisation qui s'inspire des principes baha'is et qui a débuté à Puerto Rico, publie un bulletin d'information trimestriel contenant des idées et des projets portant sur l'éducation, les technologies appropriées et le développement.

- One Country, le bulletin trimestriel de la Communauté internationale baha'ie envoyé à plus de 30 000 individus et organisations (en versions allemande, anglaise, chinoise, espagnole, française, et russe) traite régulièrement de questions d'environnement et de développement.

Projets

Parmi les projets de conservation, il y a des initiatives individuelles comme celle de la Rainbow Reforestation, prise par deux baha'is, M. et Mme Anne-Marie et Michael Karlberg, qui ont appliqué les principes spirituels d'unité et de concertation à un grand projet de reboisement au Canada. Il y a aussi des initiatives collectives, comme les campagnes de nettoyage communautaire des jeunes baha'is d'Écosse et la plantation d'arbres en Islande, au Pakistan, en Ouganda, au Brésil, en Haïti et en Australie.

- Le projet Tora-san est une expérimentation sur la culture biologique menée en continue par la communauté baha'ie japonaise. Mis en œuvre près de la ville de Kurume, dans le Kyushu, le projet aide des enfants, des jeunes et des adultes à cultiver des aliments sans pesticides et sans engrais artificiels.

- L'Institut professionnel baha'i pour les femmes rurales à Indore, en Inde, met en œuvre des programmes visant l'amélioration de l'environnement social, physique et spirituel. Au Sommet de la Terre, cet Institut s'est vu décerner par le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUD) le prix Global 500.

- La campagne en faveur d'un Swaziland propre et beau (Clean and beautiful Swaziland) a été lancée par le gouvernement de ce pays à partir de l'idée d'une baha'ie, Irma Allen, qui s'est aussi vu décerner la prestigieuse récompense Global 500.

- Mme Fatima Traazil, une baha'ie de Singapour, a remporté la "Green Leaf Award" du Ministère de l'environnement en remerciement de la campagne qu'elle ne cesse de mener en faveur d'un environnement sain, pour le recyclage et contre le gaspillage.

- New Dawn Engineering, une entreprise dirigée par des baha'is du Swaziland fabrique des technologies appropriées à un environnement sain.

- Plus de 40 communautés nationales baha'ies de par le monde ont organisé des activités pour célébrer le 20ème anniversaire de la Journée de la Terre en 1990. Chaque année, elles et beaucoup d'autres ne manquent pas de marquer cette journée et celle de l'environnement par des activités.

- L'émetteur de radio solaire SR-2, construit pour la Vanguardia Trust par Dr.Dean K. Stevens, un baha'i, a permis de perfectionner les nouvelles technologies dans le domaine de la diffusion radio de source solaire-voltaïque. Dix mille SR-2 ont été construits et le modèle est en cours d'expérimentation par un certain nombre d'organisations gouvernementales et non gouvernementales. Un modèle plus sophistiqué, le SR-4, est en voie de conception.

- En Bolivie et en Malaysie, des projets de pisciculture sont mis en New œuvre par des communautés baha'ies.

- La communauté baha'ie de Cochabamba, en Bolivie, a mis au point des serres solaires sur les altiplanos et a élargi cette technologie peu coûteuse à plusieurs autres villages.

- En Malaisie, nombreuses sont les communautés locales bahai'es engagées dans le recyclage.

- Dans de nombreux endroits de la planète, les communautés baha'ies ont lancé des campagnes de plantation d'arbres à long et court termes. Parmi celles-ci, le projet Breath of Life de la communauté baha'ie de Hawaï qui a permis de planter des arbres du terroir sur toutes les îles hawaïennes; les efforts de reboisement des étudiants du collège baha'i Rabbani dans le Madhya Pradesh où des dizaines de milliers d'arbres ont été plantés tout autour du campus et dans les villages voisins; les efforts des baha'is de Washington, aux États-Unis, pour reboiser des rivages dénudés; le projet de l'école baha'ie Anis Zunuzi à Port au Prince, en Haïti, pour reboiser les villages; et l'initiative des baha'is islandais qui ont planté des milliers d'arbres dans le Skógar, propriété ancestrale du célèbre poète islandais, M. Jochum M Eggertsson.

- La contribution de la communauté baha'ie de l'île Maurice a été déterminante pour la mise en œuvre d'un réseau national inter-religieux de conservation.

- Les communautés baha'ies du Kenya construisent et distribuent des réchauds "jiko" à charbon de bois à fort rendement en combustibles.

- La communauté baha'ie des Philippines met en œuvre, en coordination avec le Ministère de l'environnement et des ressources naturelles, des programmes d'éducation à l'environnement et travaille à la conservation du Parc national John Hay.

- De nombreuses communautés sont engagées dans des projets de nettoyage et d'embellissement des parcs, des routes nationales, et des lits de rivières. Plusieurs de ces actions sont en cours, par exemple les campagnes du type "adopter une route nationale".

L'art

L'importance de l'art comme vecteur de changement d'attitude et de comportement est souligné dans les écrits baha'is. Il n'est donc guère surprenant de constater que de nombreuses communautés baha'ies organisent des activités artistiques pour sensibiliser l'opinion et l'inciter à agir en faveur de la conservation. Voici quelques exemples du large éventail d'événements artistiques déjà réalisés:

- La Communauté internationale baha'ie a été à l'origine de la manifestation Arts for Nature, organisée à la Syon House, à Londres, à la fois pour encourager l'expression artistique au service de la conservation et récolter des fonds au profit du Fonds mondial pour la Nature (WWF).

- Le comité des femmes baha'ies de Singapour a organisé une manifestation semblable. De nombreuses œuvres ont été spécialement créées pour l'occasion par des artistes de l'île, et des fonds ont été collectés au bénéfice de projets régionaux de conservation.

- La communauté baha'ie des Philippines organise des festivals de musique pour sensibiliser l'opinion sur les questions nationales d'environnement.

- La Communauté internationale baha'ie et son bureau affilié au Brésil, a publié en collaboration avec l'UNICEF, un livre de peintures d'enfants, intitulé Tomorrow belongs to the children (l'avenir appartient aux enfants). Des milliers d'enfants en âge de scolarité et de 26 nations différentes ont organisé des débats sur des questions de développement durable, qui leur ont inspiré des dessins et de la poésie. Leurs œuvres ont été sélectionnées par voie de concours puis publiées dans un ouvrage: Tomorrow belongs to the children, avec ses messages poignants, a été distribué à des milliers de personnes, y compris des chefs d'États et des ambassadeurs de l'ONU.

- En 1994, le Bureau baha'i de l'environnement de Taïwan a organisé un concours artistique pour enfants et une exposition sur le thème "La fragilité de notre environnement". Des dizaines de milliers de personnes ont visité cette exposition. Un second concours et une autre exposition sur le thème "Les animaux et moi", est prévu pour la fin de 1995.

- Le Monument de la Paix à Rio de Janeiro, est un symbole durable du nouvel esprit de coopération mondiale qui a caractérisé le Sommet de la Terre et le Forum global. Construit à l'initiative de la Communauté internationale baha'ie et de son bureau brésilien, ce monument a été dessiné par le célèbre artiste et sculpteur brésilien, M. Siron Franco. Parmi les cérémonies de clôture de ces deux manifestations historiques, des enfants ont versé de la terre provenant de 40 nations dans ce monument de 5 mètres de haut, en forme de sablier de ciment et de céramique. Chaque année, à l'occasion de la Journée mondiale de l'environnement, de la terre provenant d'autres pays est cérémonieusement ajoutée dans le sablier géant. A ce jour, plus de 80 pays ont ainsi contribué à remplir le Monument de la paix. Celui-ci porte, en souvenir des aspirations les plus élevées du Sommet de la Terre et du Forum global, l'inscription suivante : "La terre n'est qu'un seul pays dont tous les habitants sont les citoyens - Baha'u'llah."

Activités de promotion

Les activités de promotion du monde baha'i en matière de conservation et de développement durable ont considérablement augmenté.

- La Communauté internationale baha'ie et beaucoup de ses bureaux locaux et nationaux ont largement pris part à l'ensemble des préparatifs de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (le Sommet de la Terre). Près d'un million de déclarations et de documents de réflexion publiés par la Communauté Internationale baha'ie sur les questions d'environnement et de développement ont été distribués dans le monde en plusieurs langues. Les communautés baha'ies qui ont pris activement part à cette préparation historique ont travaillé en collaboration avec leurs gouvernements et les organisations de la société civile. Par là-même occasion, de nombreux baha'is ont été mieux informés sur les questions traitées par le Sommet de la Terre et beaucoup plus conscients des enjeux.

- La Communauté internationale baha'ie, en collaboration avec d'autres organisations, a organisé deux rassemblements de la "World Forestry Charter" (Charte mondiale forestière), l'un en 1989 et l'autre en 1994. Les premières réunions de la World Forestry Charter avaient réunie des diplomates à la Cour de St James dans les années 1940, 1950 et 1960, pour débattre de l'état des forêts du monde. Ces rassemblements ont été convoqués à l'initiative de Richard St Barbe Baker, qui figure parmi les pionniers des écologistes planétaires, et qui a mis en œuvre dès les années 1920 une série d'ambitieux projets, dont des voyages, des activités sur le terrain, les conférences et la publication de livres - destinés à attirer l'attention du monde sur l'état de notre environnement. Le rassemblement de 1989 avait permis de commémorer le 100e anniversaire de la naissance du Dr. Baker et servi à traiter les programmes actuels de préservation des forêts. Celui de 1994 a essentiellement porté sur les principes de la forêt adoptés au Sommet de la Terre, et a permis de souligner la nécessité de considérer les forêts comme le patrimoine commun de l'humanité pour la conserver et la gérer de façon durable pour un avenir lointain.

- La Communauté internationale baha'ie est un des membres fondateurs et un des principaux adhérents de l'organisation Advocates for African Food Security: Lessening thte burden of women (défenseurs de la sécurité alimentaire en Afrique: alléger le fardeau des femmes) une coalition d'organisations formée pour sensibiliser surtout les dirigeants sur le rôle crucial des paysannes africaines dans la sécurité alimentaire du continent.

- De nombreuses communautés baha'ies travaillent aujourd'hui avec les autorités locales et les organisations de la société civile pour encourager la mise en œuvre de l'Agenda 21, ce plan d'action planétaire adopté par le Sommet de la Terre en faveur d'un développement durable. Par exemple, partout en Allemagne et au Royaume Uni, des communautés baha'ies s'adressent aux autorités locales (thème du chapitre 28 de l'Agenda 21) pour examiner comment elles pourraient promouvoir d'un commun accord le concept de citoyenneté mondiale comme fondement éthique et moral du développement. De même, au Danemark, en Suède et en Australie, des communautés baha'ies ont lancé des campagnes dans les écoles sur ce même thème.

- Les communautés baha'ies participent de plus en plus souvent aux échelons local, national et international à des conférences, des tables rondes, des commissions et des collectifs, dont beaucoup sont liées avec les grands rassemblements des Nations Unies. Les baha'is ont aussi pris largement part au processus du Sommet de la Terre, à la Conférence mondiale sur le développement durable des petits Etats insulaires en développement, au Forum global 1994, à la Conférence internationale sur la population et le développement, au Sommet mondial pour le développement social, et à la Commission pour un développement durable.

Lieux saints et jardins baha'is

Les lieux saints et les Maisons d'adoration baha'ies sont réputés dans le monde entier pour la beauté exquise de leurs jardins. Les jardins du Centre mondial baha'i, si chers aux pèlerins baha'is qui les considèrent comme des hâves de rajeunissement spirituel, attirent aussi un grand nombre de touristes de tous les coins du globe. Leur beauté et leur tranquillité incite à un profond respect pour le monde de la nature. La métaphore sur la nature que l'on retrouve partout dans les écrits baha'is trouve dans ces jardins une expression très concrète et pourtant bien sublime.

Les centres administratifs et spirituels du monde baha'i se trouvent unis en un même lieu et entourés de magnifiques jardins, pittoresque. En fait, c'est cette image qui incite à réfléchir à l'idée que le développement spirituel, l'administration des affaires communautaires et le respect de la nature sont des éléments inséparables de tous les programmes de promotion du bien-être de l'humanité, en vue de l'édification d'une civilisation mondiale durable.

Des jeunes bénévoles venus des quatre coins de la planète travaillent dans les jardins baha'is et offrent ainsi une année de service au Centre mondial. Beaucoup d'entre eux acquièrent non seulement un sens plus profond de respect pour la nature, mais retournent dans leurs communautés avec la ferme et durable volonté de la préserver.

III. Initiatives baha'ies en matière de conservation et de développement durable : perspectives d'avenir

Le développement implique pour les baha'is, une cohérence dynamique entre les exigences matérielles et spirituelles de la vie sur terre. L'approche baha'ie du développement est systématique et cherche à harmoniser les concepts apparemment contradictoires de mondialisation et de décentralisation. Une direction d'ensemble et des principes directeurs aux niveaux international et souvent national contribuent à conférer à toutes les activités de développement une dimension et une vocation mondiales. Parallèlement, les programmes et activités en cours proviennent en grande partie d'initiatives individuelles ou communautaires, dépendent de mécanismes collectifs de prise de décision et se fondent sur le principe de la participation universelle. Ils sont par conséquent à même de répondre aux besoins, aux conditions et aux aspirations de la société locale ou nationale. Cette approche empêche toute projection détaillée des programmes et projets communautaires dans les années à venir. Il est néanmoins possible d'indiquer les grandes lignes des activités futures de développement.

Dans les toutes prochaines années, la communauté mondiale baha'ie élargira sans aucun doute la portée et l'éventail de ses initiatives de conservation et de développement durable dans les domaines d'action déjà établis, par exemple:

- l'éducation et la formation en matière de conservation;

- la conception de projets, individuels et communautaires, de protection de l'environnement et de sa remise en état.

- l'utilisation de diverses formes d'art pour inciter à un engagement actif en faveur de la protection de l'environnement et du développement;

- les activités de promotion du développement durable aux échelons local, national et international.

L'extension en cours des jardins du Centre mondial baha'i, dont la construction de terrasses allant du pied au sommet du Mont Carmel, accentuera la grandeur et la majesté de ce point central du monde baha'i tout en offrant un cadre étendu au respect de la nature et la volonté de la soigner et de la protéger. De même, les terrains entourant les propriétés baha'ies, y compris les Maisons d'adoration, continueront de faire l'objet d'embellissements, source d'inspiration pour ceux qui visitent ces lieux.

Le monde baha'i intensifiera ses efforts en vue d'appliquer les principes spirituels d'unité, de justice, de solidarité et de modération aux défis politiques, sociaux, technologiques et économiques d'aujourd'hui. Il s'engagera de plus en plus dans la collaboration avec des individus et des groupes animés des mêmes sentiments.

 

  1. Baha'u'llah, Extraits des Ecrits de Baha'u'llah, Bruxelles, Maison d'Editions Baha'ies, 1979, section CXVII, p. 164
  2. Baha'u'llah, Les Tablettes de Baha'u'llah révélées après le Kitáb-i-Aqdas, Bruxelles, Maison d'Editions Baha'ies, 1994, 1e éd., p.148
  3. Extrait traduit de Prayers and Meditation by Baha'u'llah, Wilmette, Baha'i Publishing Trust, 1987, p. 272, voir aussi La conservation des ressources terrestres, compilation, Bruxelles, Maison d'Editions Baha'ies, p.7
  4. Abdu'l-Bahá, Sélections des écrits d'Abdu'l-Bahá, Bruxelles, Maison d'éditions baha'ies, section 138, p. 158
  5. Abdu'l-Bahá, Sélections des écrits d'Abdu'l-Bahá, Bruxelles, Maison d'éditions baha'ies, section 138, p. 158
  6. Abdu'l-Bahá, Sélections des écrits d'Abdu'l-Bahá, Bruxelles, Maison d'éditions baha'ies, section 137, p. 157
  7. Abdu'l-Bahá, tiré d'une tablette non précédemment traduite.
  8. Abdu'l-Bahá, tiré d'une tablette non précédemment traduite.
  9. Abdu'l-Bahá, Les Leçons de Saint Jean D'Acre, Bruxelles, Maison d'éditions baha'ies.
  10. Abdu'l-Bahá, Sélections des écrits d'Abdu'l-Bahá, Bruxelles, Maison d'éditions baha'ies, section 225, p. 289
  11. Le secrétaire de Shoghi Effendi, extrait d'une lettre du 17 février 1933 à un croyant
  12. Extrait traduit de The Promulgation of Universal Peace: Talks delivered by Abdu'l-Baha during His visit go the United States and Canada in 1912, Wilmette, Baha'i Publishing Trust, 1982, p. 31, voir aussi La conservation des ressources terrestres, compilation, Bruxelles, Maison d'Editions Baha'ies, p.23.
  13. Abdu'l-Baha, The Secret of Divine Civilization, Wilmette, Baha'i Publishing Trust, 1983, p. 16, traduction libre.
  14. Baha'u'llah, Extraits des Ecrits de Baha'u'llah, Bruxelles, Maison d'éditions baha'ies, 1979, section CLXIII, p. 225
  15. Baha'u'llah, Epistle To the Son of the Wolf, (revised edition) Wimette, Baha'i Publishing Trust, 1979, p. 44, traduction libre.
  16. Abdu'l-Bahá, Sélections des écrits d'Abdu'l-Bahá, Bruxelles, Maison d'éditions baha'ies, section 225, p. 291
  17. Shoghi Effendi, The World Order of Baha'u'llah - Selected Letters, Wilmette, Baha'i Publishing Trust, 1974 (revised edition). p.42-43, traduction libre.
  18. Shoghi Effendi, The World Order of Baha'u'llah - Selected Letters, p. 43, traduction libre.
  19. Shoghi Effendi, extrait d'un télégramme du 23 mai 1951 adressé au "New Earth Luncheon, London, UK., voir aussi voir aussi La conservation des ressources terrestres, compilation, Bruxelles, Maison d'éditions baha'ies, p.22

Communauté internationale Baha’ie: historique de sa cooperation active avec les Nations Unies

Communauté internationale Baha’ie: historique de sa cooperation active avec les Nations Unies

7 March 1995

La Communauté internationale baha'ie a été fondée en 1844. En tant qu'organisation non gouvernementale, la Communauté internationale baha'ie comprend et représente les membres de la foi baha'ie du monde entier, c'est-à-dire plus de cinq millions d'hommes et de femmes de plus de 2000 groupes ethniques et de presque toutes les nationalités, classes socio-économiques, métiers et professions. La Communauté internationale baha'ie compte des communautés importantes dans plus de 200 pays et territoires, dont 174 d'entre elles étant affiliées au niveau national (ou régional), et 20'000 communautés baha'ies locales organisées.

En 1945, des représentants baha'is étaient présents à la conférence historique de San Francisco qui a donné naissance aux Nations Unies. La Communauté internationale baha'ie a été enregistrée pour la première fois en tant qu'organisation non gouvernementale (ONG) par le Département de l'information publique des Nations Unies en mars 1948. En mai 1970, la Communauté internationale baha'ie s'est vu octroyer le statut consultatif, catégorie II, au Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC). En 1976, elle a reçu le statut consultatif auprès du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) et, en 1989, le droit d'établir des relations de travail avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS). En 1985, la Communauté internationale baha'ie a créé un Bureau de l'information publique, en 1989, un Bureau de l'environnement et, en 1992, un Bureau pour le progrès de la condition féminine.

La Communauté internationale baha'ie est active dans de nombreux domaines très divers qui sont aussi traités par les Nations Unies, dont l'amélioration de la condition de la femme, le développement économique et social, l'environnement, les droits de l'homme et la paix. Les communautés baha'ies ont une longue expérience en ce qui concerne l'encouragement à la participation populaire, la mise en valeur du rôle de la femme en tant que responsable de prises de décisions et la prévention de l'abus des drogues.

Parmi les thèmes d'activités auxquels se consacrent les communautés baha'ies, on trouve le développement soutenu, la protection des minorités, l'élimination du racisme et l'éducation aux droits de l'homme. Pendant plus de 20 ans, à travers son statut consultatif et ses relations de travail avec les agences spécialisées des Nations Unies, la Communauté internationale baha'ie a cherché à faire part des expériences des communautés baha'ies dans ces domaines et dans d'autres. De 1989 à 1993, la Communauté internationale baha'ie a participé à prés de 90 réunions des Nations Unies, où elle a présenté plus de 70 déclarations, selon son Rapport quadriennal de 1990 au Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC).

La Communauté internationale baha'ie publie, en anglais, français, chinois, espagnol allemand et russe, un bulletin trimestriel intitulé ONE COUNTRY et distribué dans plus de 150 pays. Ce bulletin, ayant gagné un prix, couvre des projets de développement socio-économique, les relations avec le système des Nations Unies et des questions d'intérêt pour les responsables de prises de décisions.

Buts et activités

La Communauté internationale baha'ie se consacre à la promotion de la paix mondiale en créant les conditions dans lesquelles l'unité émerge comme un état naturel de l'existence humaine. Parmi ces conditions, les suivantes ont une importance particulière:

  • Promouvoir l'unité de l'humanité. La paix et le bien-être de l'humanité dépendent de l'établissement de son unité, y compris l'égalité raciale et l'élimination de toutes formes de préjugés. Pendant plus de 140 ans, les baha'is ont construit des communautés caractérisées par leur diversité et défendant la cause de l'unité. La création de communautés unifiées et diverses à la fois exige l'abandon des préjugés de tout type et défie les adhérents à apprendre à travailler ensemble pour le bien de tous. Des conseils dirigeants locaux élus favorisent la coopération parmi les divers éléments de la communauté en encourageant une large participation à la prise de décisions au moyen de la consultation.
  • Réaliser l'égalité de l'homme et de la femme. Dans les communautés baha'ies, tant les hommes que les femmes s'engagent à instituer le principe de l'égalité, qui exige l'émancipation complète des femmes. Hommes et femmes s'engagent à développer des attitudes montrant que le statut des femmes est égal à celui des hommes et tous contribuent aux projets baha'is de développement socio-économique.
  • Faire progresser la justice et la coopération économiques. Les baha'is considèrent que servir l'humanité est un but essentiel de leur vie et que c'est le moyen de la faire progresser socialement et économiquement. Les conseils locaux baha'is élus sont responsables de réunir la communauté, de consulter, de planifier et de mettre en œuvre des projets qui favorisent le bien-être de la communauté entière. Plus de 1600 projets de développement socio-économique sont en cours de réalisation dans des communautés du monde entier.
  • Servir la cause de l'éducation universelle. L'éducation de la personne, de la famille et de la société est un thème primordial des activités baha'ies depuis que les toutes premières communautés ont été formées. Une attention spéciale est accordée à l'éducation des filles parce que, en tant que mères, elles sont les premières éducatrices d'enfants, et à cause du rôle important qu'elles ont à jouer dans tous les domaines d'activités humaines. Parmi les projets de développement socio-économique mis sur pied par des communautés baha'ies, 741 sont des écoles, 7 des stations de radio et 203 des programmes d'alphabétisation et d'autres projets éducatifs. Une approche holistique à la santé, qui insiste sur l'équilibre entre le bien-être physique, mental, social et spirituel, est l'un des éléments de l'éducation baha'ie. Quelques communautés baha'ies parrainent des projets de santé spécifiques. Par exemple, un programme modèle pour la formation d'agents de soins de santé primaire a été entrepris au niveau des villages dans 12 pays.
  • Renforcer le sentiment de citoyenneté mondiale. Les baha'is soutiennent les buts de la Charte des Nations Unies et les buts humanitaires, sociaux et économiques de ses agences spécialisées. Les inquiétudes partagées pour la planète, qui sont exprimées à un niveau international, se reflètent dans des activités qui se déroulent au niveau local. Par exemple, les projets baha'is insistent sur les stratégies de développement soutenu, y compris le reboisement, le développement des ressources renouvelables, la conservation et des pratiques agricoles douces.
  • Favoriser la tolérance religieuse. Les baha'is soutiennent la coopération et la compréhension inter-religieuses basées sur la reconnaissance de la source commune de toutes les grandes croyances mondiales et ils ont fait appel au système des Nations Unies afin que la liberté religieuse de leurs coreligionnaires soit protégée dans plusieurs parties du monde. Les baha'is encouragent aussi les gens à reconnaître l'harmonie de base qui doit exister entre la science et la religion.
  • Encourager l'adoption d'une langue auxiliaire internationale. Un manque fondamental de communication entre les peuples mine sérieusement les efforts fournis en vue d'établir la paix mondiale. Les baha'is veulent promouvoir l'adoption d'une langue auxiliaire internationale qui contribuerait à résoudre ce problème.

ADRESSES DES BUREAUX DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE BAHA'IE

Pour accomplir son travail de relations avec les Nations Unies, la Communauté internationale Baha'ie a un bureau central qui se trouve à New York et un succursale à Genève, Suisse. Elle a aussi des représentations auprès des Bureaux des Nations Unies à Vienne, Nairobi, Bangkok, Addis Ababa, Santiago et Rome.

Vers une Humanité Prospère

Vers une Humanité Prospère

3 March 1995

A peine imaginable il y a seulement dix ans, l'idéal d'un monde en paix prend forme et substance. Des obstacles qui ont longtemps paru insurmontables se sont effondrés sur le chemin de l'humanité, des conflits qui semblaient insolubles commencent à céder devant un esprit de dialogue et une volonté de solution ; un désir d'opposer une action internationale unie à une agression militaire fait peu à peu son chemin. On voit ainsi s'éveiller tant parmi les peuples que parmi les dirigeants un certain espoir, espoir qui a bien failli mourir. 

A travers le monde, d'immenses énergies intellectuelles et spirituelles cherchent à s'exprimer et la pression qu'elles exercent est à la mesure des frustrations des dernières décennies. Partout, les peuples de la terre, par une multitude de signes, affirment leur désir de voir la fin des conflits, des souffrances et de la ruine dont nul pays n'est à l'abri. Il faut tirer parti de ces nouvelles aspirations au changement pour vaincre les dernières résistances à la concrétisation du rêve séculaire de paix mondiale. Cette entreprise exige un effort de volonté impossible à susciter par de simples appels à lutter contre les innombrables maux qui affligent l'humanité. Cet effort doit être stimulé par la perspective d'une humanité prospère au plein sens du terme, autrement dit, par la prise de conscience des possibilités de bien-être matériel et spirituel désormais à sa portée. Tous les habitants de la planète devront en bénéficier, sans conditions préalables qui n'ont aucun lien avec les finalités essentielles de cette réorganisation des relations entre les hommes. 

A ce jour, l'Histoire a surtout relaté le vécu de tribus, de cultures, de classes et de nations. Aujourd'hui, l'unification physique de la planète et la reconnaissance de l'interdépendance de tous ses habitants ouvrent enfin la porte à l'histoire d'un seul peuple, l'humanité. Le caractère humain lent et long à se civiliser, a suivi un processus sporadique et inégal, lequel processus, reconnaissons-le, fut souvent injuste pour répartir des avantages matériels. Néanmoins, les habitants de la terre, riches de toute la diversité génétique et culturelle acquise au cours des âges sont désormais mis au défi de puiser dans leur patrimoine commun pour assumer consciemment et méthodiquement la responsabilité de construire leur avenir. 

Comment imaginer formuler la prochaine étape de l'évolution de la civilisation sans remettre en cause les attitudes et les postulats qui sous-tendent les approches actuelles du développement économique et social ? De toute évidence, il faudra repenser les questions concrètes de politique, l'utilisation des ressources, les procédures de planification, les méthodes de mise en oeuvre et les problèmes d'organisation. Ce faisant, les questions les plus fondamentales ne tarderont pas à se poser : quels buts faut-il poursuivre à long terme ? quelles structures sociales seront nécessaires ? quels effets les principes de justice sociale auront sur le développement ? quelle sera la nature du savoir ? comment contribuera-t-il à opérer un changement durable ? Bref, cette nouvelle façon de considérer les choses conduira nécessairement à rechercher un large consensus sur le sens même de la nature humaine. 

Deux voies s'ouvrent directement à nous pour débattre de ces problèmes, conceptuels ou concrets, et c'est en empruntant ces voies que nous allons analyser dans les pages qui suivent comment élaborer une stratégie du développement global. La première voie concerne les opinions dominantes sur la nature et la finalité du développement ; la seconde porte sur les rôles attribués aux différents protagonistes. 

Les présupposés qui président à la plupart des systèmes de planification du développement sont essentiellement matérialistes. Le but du développement y est en effet défini comme la mise en oeuvre réussie, dans toutes les sociétés, des moyens d'atteindre à la prospérité matérielle ; moyens qui à travers des essais et des erreurs, caractérisent déjà, empiriquement la démarche suivie dans certaines parties du monde. Certes quelque chose est en train de changer dans le discours sur le développement pour s'adapter aux différences de cultures et de systèmes politiques et répondre aux menaces graves qui pèsent sur l'environnement, mais pour l'essentiel le matérialisme des présupposés de base n'est guère contesté. 

Au soir du vingtième siècle, il n'est plus possible de persister à croire que l'approche du développement économique et social, née de la conception matérialiste de la vie puisse répondre aux besoins de l'humanité. Les prévisions optimistes relatives aux transformations que cette approche aurait dû provoquer se sont toutes dissipées dans l'abîme qui sépare toujours plus, d'une part les niveaux de vie d'une petite minorité de la population en régression relative, et, d'autre part, la pauvreté qui afflige la grande majorité des habitants de la planète. 

Cette crise économique sans précédent, jointe à l'effondrement social qu'elle a contribué à provoquer, témoigne de la faillite d'une certaine conception de la nature humaine. En effet, les réactions des êtres humains aux stimuli liés à l'état actuel des choses se révèlent non seulement inadéquates, mais paraissent quasi dérisoires par rapport aux événements qui se déroulent dans le monde. Cela montre que, si la société ne fixe pas à son évolution un objectif qui dépasse la pure et simple amélioration des conditions de vie matérielles, elle n'atteindra même pas ce simple objectif. Ce but est à rechercher dans la dimension spirituelle de la vie et dans une motivation qui transcende le paysage économique toujours mouvant et la division des sociétés humaines artificiellement imposée comme "développées" et "en développement". 

Tout en redéfinissant l'objectif du développement, il apparaîtra nécessaire de revoir les conceptions sur la conformité des rôles à jouer par les protagonistes. Inutile de s'étendre sur celui crucial des pouvoirs publics à tous les niveaux. Les générations futures auront néanmoins du mal à comprendre qu'en une époque où l'on valorise une philosophie égalitaire et les principes démocratiques associés, la planification pour le développement n'envisage les peuples que comme de simples bénéficiaires d'aides et de formations octroyées. Même s'il est reconnu que le principe de la participation s'impose, la marge de manoeuvre laissée à la plupart des populations du monde est, au mieux, limitée à un choix d'actions formulé par des institutions qui leur sont inaccessibles et déterminée par des objectifs qui ne cadrent souvent pas avec leur perception de la réalité des faits. 

Explicitement ou non, cette approche matérialiste est également partagée par les religions établies. Alourdie par une longue tradition de paternalisme, la pensée religieuse dominante semble incapable de traduire une foi, certes affirmée, dans la dimension spirituelle de la nature humaine en un sentiment de confiance dans l'aptitude de l'ensemble de l'humanité à transcender sa condition matérielle. 

Cette attitude fait l'impasse sur ce qui est probablement le phénomène social le plus important de notre époque : s'il est vrai que les gouvernements de la planète s'efforcent, par le biais du système des Nations Unies de construire un nouvel ordre mondial, il est tout aussi vrai que cette même perspective galvanise les peuples du monde. Leur réaction a pris la forme d'une prolifération soudaine de mouvements et d'organisations oeuvrant pour un changement social aux niveaux local, national et international. Les droits de l'homme, la promotion de la condition féminine, les exigences sociales d'un développement écono- mique durable, la lutte contre les préjugés, l'éducation morale des enfants, l'alphabétisation, les soins primaires de santé, la défense d'une série d'autres intérêts vitaux, tout cela exige l'engagement d'urgence d'organisations où milite, dans toutes les parties du globe, un nombre croissant d'individus. 

Cette réponse des peuples aux besoins criants de l'époque fait écho à l'appel lancé par Bahá'u'lláh, il y a plus d'un siècle : "Soyez vigilants aux besoins de votre époque et concentrez vos délibérations sur ses nécessités et sur ses exigences." Radicale du point de vue de l'histoire de la civilisation, cette modification dans la façon dont un grand nombre de gens ordinaires en vient à se considérer soulève des questions fondamentales quant au rôle à assigner àl'ensemble de l'humanité dans la planification du devenir de notre planète. 

I. L'UNITÉ DU GENRE HUMAIN

Le principe de base d'une stratégie qui engage la population mondiale à assumer la responsabilité de son destin collectif doit se fonder sur la conscience de l'unité du genre humain. D'une simplicité trompeuse lorsqu'énoncé en termes généraux, le concept de l'humanité formant un seul peuple exprime une remise en cause fondamentale de la manière dont la plupart des institutions de la société contemporaine fonction- nent. Que ce soit sous la forme de la compétition pour l'accession au pouvoir dans les institutions publiques, du principe de l'assistanat dans la plaidoirie qui inspire presque l'ensemble du droit civil, de l'apologie de la lutte des classes et des autres groupes sociaux, ou encore de l'esprit de concurrence qui domine tant d'aspects de la vie moderne, la relation conflictuelle est partout acceptée comme le mobile principal des relations humaines. Or le conflit n'est, entre autres, que l'expression, dans l'organisation sociale, d'une interprétation matérialiste de la vie qui s'est progressivement imposée ces deux derniers siècles. 

 

Dans une lettre adressée à la Reine Victoria il y a plus d'un siècle, Bahá'u'lláh, par analogie avec le seul modèle d'organisation planétaire prometteur, compare le monde au corps humain. En effet, dans le monde phénoménal, où trouver un modèle plus convaincant pour organiser la société à l'échelle de la planète ? Certes celle-ci est composée non d'une masse de cellules à peine différenciées, mais d'assemblage d'individus pourvus, chacun, d'intelligence et de volonté ; il n'en reste pas moins que les modes de fonctionnement biologique qui caractérisent la nature de l'homme illustrent parfaitement quelques principes fondamentaux de l'existence, et notamment celui de l'unité dans la diversité. Paradoxalement c'est précisément l'intégrité et la complexité de la constitution de l'organisme humain - et l'intégration parfaite des cellules dans cet ensemble complexe - qui permettent la pleine expression des capacités particulières inhérentes à chaque composant. Aucune cellule ne peut vivre séparée du corps, tant pour son apport au fonctionnement de l'ensemble que pour recevoir sa part du bien-être général. Et ainsi le bien-être physique trouve sa raison d'être en rendant possible l'expression de la conscience humaine ; autrement dit, la finalité du développement biologique transcende la simple existence du corps et de ses éléments. 

Ce qui est vrai de l'individu l'est aussi de la société humaine. Le genre humain est un tout organique, à la pointe de l'évolution. Que la conscience humaine agisse nécessairement par l'intermédiaire d'une infinie diversité d'esprits et de motivations individuelles, ne porte en rien atteinte à son unité essentielle. En fait, c'est précisément une diversité intrinsèque qui différencie l'unité de l'homogénéité ou de l'uniformité. Ce à quoi sont confrontés les peuples du monde aujourd'hui, nous dit Bahá'u'lláh, c'est la nécessité d'entrer dans l'âge adulte. Et c'est ainsi par l'éclosion de cette maturité du genre humain que le principe de l'unité dans la diversité trouvera sa pleine expression. Depuis la consolidation de la famille, au tout début, l'organisation sociale est passée des structures simples du clan et de la tribu à la naissance de l'Etat-nation en passant par des formes plus diversifiées de sociétés urbaines, offrant, à chaque étape, aux individus une profusion d'opportunités nouvelles pour exercer leurs talents. 

Il est clair que le progrès de l'humanité ne s'est point fait au détriment de l'individualité humaine. Plus l'organisation sociale est devenue complexe et plus elle a permis aux êtres humains de développer les facultés latentes en chacun d'eux. Les relations individu-société étant réciproques, la transformation désormais nécessaire doit apparaître simultanément dans les consciences et dans la structure des institutions sociales. C'est dans les possibilités offertes par cette double transformation qu'il faudra rechercher l'objectif d'une stratégie de développement mondial. A ce stade crucial de l'histoire, cet objectif ne peut être que d'établir les fondations durables sur lesquelles bâtir progressivement une civilisation planétaire. 

Poser les bases d'une civilisation mondiale revient à créer des lois et des institutions de nature et de portée universelles. L'effort ne pourra être amorcé que lorsque le concept de l'unité de l'humanité aura été accepté sans réserves par ceux qui ont la responsabilité de prendre des décisions et lorsque les principes qui en découlent seront propagés par les systèmes d'éducation et par les moyens de communication. Une fois ce seuil franchi, le mouvement ainsi déclenché poussera les peuples de la terre à formuler des objectifs communs et à s'engager à les atteindre. De plus, seul un changement de cap aussi radical pourra les protéger des vieux démons des luttes ethniques et religieuses. Ce n'est en effet qu'en prenant conscience qu'ils ne forment qu'un seul peuple que les habitants de cette planète seront en mesure de se détourner des schémas conflictuels qui ont dominé l'organisation sociale du passé, et qu'ils commenceront à emprunter les voies de la collaboration et de la réconciliation. "Le bien-être de l'humanité, sa paix et sa sécurité ne pourront être obtenus", affirme Bahá'u'lláh, "tant que son unité n'est fermement établie". 

II. LA JUSTICE

La justice est la seule force qui puisse transformer la conscience naissante de l'unité de l'humanité en une volonté collective capable d'ériger sereinement les structures nécessaires à une vie communautaire mondiale. A une époque où il est de plus en plus facile aux peuples du monde d'avoir accès à une information multiforme et à une grande diversité d'idées, la justice s'imposera comme le principe directeur d'une organisation sociale réussie. Il faudra de plus en plus souvent soumettre le projet de développement de la planète à l'éclairage impartial de ses normes. 

 

Au niveau de l'individu, la justice est cette faculté de l'âme humaine qui permet à chacun de distinguer le vrai du faux. Bahá'u'lláh affirme qu'elle est, aux yeux de Dieu, "la chose préférée" puisqu'elle donne à tout individu les moyens de voir par ses propres yeux et non par ceux des autres, de connaître par son propre jugement plutôt que par celui de son voisin ou de son groupe. Elle exige de nous un jugement impartial, un comportement équitable envers autrui ; elle est donc une compagne constante, quoiqu' exigeante, dans chaque acte quotidien de notre vie. 

Au niveau du groupe, le souci de justice est l'indispensable repère d'une prise de décision collective, car c'est le seul moyen de parvenir à l'unité de pensée et d'action. Loin d'encourager l'esprit punitif qui lui a si souvent servi de masque par le passé, la justice est l'expression concrète de la notion, qu'en matière de progrès, les intérêts de l'individu et ceux de la société sont inextricablement liés. Dans la mesure où la justice devient la règle des relations humaines, un climat d'échange s'installe qui permet alors d'examiner, sans passion, les options en présence et d'adopter une ligne de conduite appropriée. Dans un tel climat, les éternelles tendances à la manipulation et à l'esprit partisan ont bien moins de chance d'infléchir le processus de prise de décision. 

Les conséquences pour le développement économique et social en sont profondes. Le souci de justice protège la tâche de définir le progrès de la tentation de sacrifier le bien-être de la majeure partie de l'humanité - voire de la planète elle-même - au nom de progrès technologiques dont les retombées ne bénéficient qu'à des minorités privilégiées. En matière de conception et de planification, il empêche que des ressources limitées ne soient détournées au profit de projets étrangers aux priorités économiques et sociales essentielles d'une communauté. Mais surtout, seuls les programmes de développement susceptibles de satisfaire les besoins de l'humanité et dont les objectifs sont considérés justes et équitables auront des chances de gagner l'adhésion de masses dont dépend leur mise en oeuvre. Si tous les membres de la société - voire tous les groupes qui la composent - étaient assurés que des règles les protègent et qu'ils bénéficieront tous équitablement des fruits escomptés, ils réussiraient à faire preuve de qualités d'honnêteté, d'ardeur au travail et d'esprit de coopération nécessaires à la réalisation de grands objectifs collectifs, même astreignants. 

Ainsi la question des droits de l'homme se trouve au coeur du débat sur la stratégie du développement économique et social. Concevoir une stratégie de ce type exige de se défaire de l'emprise des fausses dichotomies qui ont longtemps tenu les droits de l'homme en otage. Se préoccuper d'assurer à tous la liberté de pensée et d'action menant à l'épanouissement personnel ne justifie pas le culte de l'individualisme qui corrompt si profondément de nombreux pans de la vie contemporaine. Se soucier du bien-être de la société dans son ensemble n'implique pas non plus qu'il faille déifier l'Etat, supposé être la source du bien-être de l'humanité. Bien au contraire, l'histoire de notre siècle montre à l'évidence que ces idéologies et les démarches partisanes auxquelles elles conduisent se révèlent être les principaux obstacles à la satisfaction des intérêts qu'elles prétendent servir. Ce n'est que dans un cadre consultatif, rendu possible par la conscience de l'unité organique de l'humanité que toutes les facettes de la question des droits de l'homme peuvent trouver une expression légitime et créative. 

Aujourd'hui, l'organisme à qui revient la tâche de créer un cadre pour promouvoir les droits de l'homme et les préserver de ceux qui voudraient les exploiter est constitué par le système des institutions internationales issu de ces terribles tragédies qu'ont été les deux guerres mondiales et de l'expérience d'une crise économique planétaire. Il est révélateur que l'expression "droits de l'homme" ne soit d'emploi courant que depuis la promulgation de la Charte des Nations Unies en 1945 et l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme, trois ans plus tard. Ces documents historiques ont formellement reconnu que l'instauration de la paix dans le monde doit aller de pair avec celle de la justice sociale. Le fait que cette déclaration ait été votée en Assemblée Générale sans opposition lui a conféré d'emblée une autorité qui n'a depuis cessé de se renforcer. 

L'activité la plus intimement liée à la conscience, qui est le propre de la nature humaine, est la faculté d'explorer personnellement la réalité. La liberté de rechercher le but de l'existence et de développer des dons potentiels, qui rendraient un tel but accessible, a besoin d'être protégée. Les êtres humains ont le droit d'accéder librement au savoir. Qu'une telle liberté soit souvent dévoyée et que ce dévoiement soit, de façon flagrante encouragée par certains aspects de la société contemporaine n'enlève rien à la validité de cet élan. 

Cet élan distinctif de la conscience humaine est la justification morale de nombre des droits inscrits dans la Déclaration universelle et dans d'autres pactes y relatifs. L'éducation universelle, la liberté de mouvement, l'accès à l'information et la possibilité de participer à la vie politique sont tous des aspects de son action qui nécessitent une garantie explicite de la part de la communauté internationale. Il en est de même de la liberté de pensée et de croyance, qui inclut la liberté religieuse, ainsi que du droit d'avoir des opinions et de les exprimer correctement. 

L'humanité étant une et indivisible, chacun de ses membres est un gage qui lui est confié dès la naissance. Cette responsabilité constitue le fondement moral de la plupart des autres droits - économiques et sociaux notamment - que les textes des Nations Unies tentent de définir : droit à la sécurité de la famille et du foyer, droit à la propriété et à la vie privée. La communauté pour sa part, a, entre autres, l'obligation de fournir du travail, de pourvoir aux besoins de santé physique et mentale, d'assurer une sécurité sociale, un salaire décent, des périodes de repos et de loisirs, enfin d'offrir toute une série d'autres services que les membres d'une société peuvent légitimement attendre d'elle, à titre individuel. 

Ce principe de responsabilité collective signifie aussi que tous sont en droit d'attendre des lois nationales et internationales qu'elles préservent les éléments culturels essentiels à l'identité de chacun. A l'instar du réservoir génétique de la vie biologique de l'être humain et de son environnement, l'immense richesse de notre variété culturelle, acquise au fil de milliers d'années est vitale au développement économique et au progrès social d'une race humaine qui, dans son intégralité, atteint la maturité. Elle représente un patrimoine qui devrait pouvoir fructifier dans le cadre d'une civilisation mondiale. D'une part, il faut protéger les expressions culturelles des influences matérialistes étouffantes actuellement à l'oeuvre, d'autre part permettre aux cultures d'agir les unes sur les autres pour former des modèles de civilisation en constante mutation, libres de toute manipulation à des fins politiques partisanes. 

Bahá'u'lláh écrit : "La justice est la lumière des hommes. Ne l'étouffez pas avec les vents contraires de l'oppression et de la tyrannie. Le but de la justice est de faire naître l'unité parmi les hommes. L'océan de la sagesse divine s'enfle à l'intérieur de ce mot sublime tandis que tous les livres du monde n'en peuvent contenir le sens profond." 

III. REDÉFINITION DES RELATIONS HUMAINES

Pour que les droits de l'homme, que la communauté des nations est en phase d'élaborer, acquièrent force de normes internationales applicables, une redéfinition en profondeur des relations humaines s'impose. Les conceptions actuelles de ce qui est naturel et approprié dans les relations - entre les êtres humains, entre ceux-ci et la nature, entre l'individu et la société ou encore entre les membres de la société et ses institutions - ne sont que le reflet de niveaux de compréhension atteints par la race humaine au cours des étapes antérieures de son évolution alors qu'elle était moins mûre. S'il est vrai que l'humanité accède maintenant à l'âge adulte, que tous les habitants de la planète ne forment qu'un seul peuple et que la justice doit devenir le principe directeur de l'organisation sociale, alors les conceptions actuelles nées de l'ignorance de ces nouvelles réalités qui émergent doivent être modifiées. 

Un mouvement commence à s'ébaucher dans cette direction. Il conduira peu à peu à une nouvelle idée de la famille, des droits et des devoirs de chacun de ses membres. Il transformera totalement le rôle des femmes à tous les niveaux de la société. Il aura des effets considérables sur le réajustement du rapport de l'individu à son travail et sur la compréhension de la place que doit prendre l'activité économique dans sa vie. Il conduira à des transformations profondes de la façon de gérer les affaires humaines et les institutions créées pour assurer cette gestion. Il incitera les organisations non-gouvernementales, de plus en plus nombreuses, à rationaliser davantage leurs activités. Il permettra la création d'une législation contraignante pour la protection de l'environnement et la satisfaction des besoins de développement de tous les peuples. Enfin, la restructuration ou la transformation du système des Nations Unies que ce mouvement est déjà en train d'initier, aboutira à n'en point douter à l'établissement d'une fédération mondiale des nations disposant de ses propres organes législatif, judiciaire et exécutif. 

Au coeur de cette reformulation du système des relations humaines il y a ce que Bahá'u'lláh nomme la consultation. "En toute chose il est nécessaire de se consulter", conseille-t-il. "Le don de la compréhension des réalités ne mûrit véritablement que grâce à la consultation." 

Le type de recherche de vérité qu'exige cette consultation, est très différent des modes de négociations et de compromis qui tendent à caractériser aujourd'hui le débat actuel sur les affaires humaines. Elle ne peut s'effectuer dans une culture de contestation, autre caractéristique majeure de la société contemporaine, au risque d'en être profondément perturbée. Débats, propagande, méthode d'affrontement, tout l'appareil de la politique partisane, si longtemps l'apanage courant des actions collectives, est fondamentalement nuisible à l'objectif de cette recherche, à savoir, parvenir à un consensus sur la réalité d'une situation précise et prendre la mesure la plus sage parmi toutes les options offertes à un moment donné. 

Dans la consultation conseillée par Bahá'u'lláh, chacun s'efforce de dépasser son point de vue pour participer comme membre d'un organisme aux intérêts et buts propres. Dans cette atmosphère de franchise et de courtoisie, l'individu n'est pas propriétaire des idées qui lui sont apparues pendant la discussion, elles appartiennent au groupe, dans son ensemble qui est libre de les accepter ou non, ou encore de les repenser pour servir au mieux le but poursuivi. Une consultation ne réussit que dans la mesure où tous les participants adhèrent aux décisions finalement prises, quelle que soit l'opinion qu'ils avaient chacun au départ. Dans de telles conditions rien n'interdit de revenir sur une décision antérieure si celle-ci révèle à l'usage des imperfections. 

Vue sous cet angle, la consultation est l'expression concrète de la justice opérant dans les affaires humaines. Elle est si vitale à la réussite de toute entreprise collective qu'elle doit nécessairement devenir un élément fondamental d'une stratégie de développement économique et social qui aurait des chances d'aboutir. En fait, les individus dont l'engagement et les efforts conditionnent le succès de ce type de stratégie ne pourront y participer que si tout projet fait de la consultation son principe d'organisation. "Nul ne peut atteindre son rang véritable excepté par son sens de la justice", constate Bahá'u'lláh. "Il n'y a de force que dans l'unité. Seule la consultation peut mener à la prospérité et au bien-être." 

IV. SCIENCE ET RELIGION

L'épanouissement d'une société mondiale demande des niveaux de compétence qui dépassent tout ce que l'espèce humaine a été capable de réunir jusqu'ici. Pour y arriver, il faudra ouvrir considérablement aux individus et aux organisations sociales l'accès à la connaissance. L'éducation généralisée sera, certes, une compagne indispensable de ce processus, mais l'effort ne réussira que dans la mesure où les affaires humaines seront réorganisées de sorte qu'individus et groupe aient la possibilité d'acquérir la connaissance pour l'appliquer à la transformation de la société. 

Les chroniques de l'histoire témoignent que deux sources de connaissance ont permis à la conscience humaine d'exprimer progressivement ses potentialités: la science et la religion. Ce sont elles qui organisèrent le vécu des hommes, dessinèrent son environnement ; ce sont par elles que s'exprimèrent ses pouvoirs latents, que sa vie morale et sa vie intellectuelle furent disciplinées. Elles furent les vrais géniteurs de la civilisation. Avec le recul, il est évident que cette double structure, la science et la religion, a surtout été efficace aux temps où, chacune dans sa propre sphère, elles ont su travailler de concert. 

Le respect presque universel dont jouit aujourd'hui la science étant chose acquise, il n'est pas nécessaire d'insister sur ses titres de noblesse. Dans le cadre d'une stratégie de développement économique et social, la vraie question serait plutôt de savoir comment organiser l'activité scientifique et technologique. S'il s'agit de préserver le privilège des élites en place vivant dans un nombre restreint de pays, il est évident que l'énorme fossé qu'une telle organisation a déjà creusé entre riches et pauvres sur la planète continuera de s'élargir, avec les conséquences désastreuses pour l'économie déjà ci-dessus énoncées. Si on continue à penser la plus grande partie des peuples comme un ensemble de consommateurs de biens que la science et la technique ont produits ailleurs, on pourra difficilement baptiser "développement" des programmes soi-disant organisés pour servir les besoins de l'humanité. 

La croissance de l'activité scientifique et technique est donc un défi aussi énorme qu'important. Des instruments de transformation sociale et économique aussi puissants ne doivent plus être le patrimoine de certaines branches privilégiées de la société aux dépens des autres ; il est nécessaire de les réorganiser de telle sorte que tous puissent en bénéficier selon leurs possibilités. Réorganiser signifie créer des programmes qui mettent a la disposition de tous ceux qui peuvent en tirer profit, l'éducation nécessaire à leur participation et établir, dans le monde entier, des centres d'apprentissage viables qui permettront de développer la capacité des peuples à participer au développement et à la mise en application de la connaissance. En effet, la stratégie du développement bien que reconnaissant la grande différence d'aptitude entre individus, doit prioritairement donner les moyens à tous les peuples du monde d'accéder sur une base égale à cette science et à cette technologie auxquelles, ils ont, de naissance, droit. Les arguments habituels en faveur du statu quo sont de plus en plus faibles au vu de l'accélération des techniques de communication qui portent maintenant l'information et la formation vers le plus grand nombre de gens possible autour du globe, où qu'ils soient et quelle que soit leur culture. 

Quoique de nature différente, les défis que devra relever l'humanité dans sa vie religieuse sont tout aussi impressionnants. L'idée que la nature humaine a une dimension spirituelle - en réalité que son identité fondamentale est spirituelle - est une vérité qui, pour la grande majorité du monde n'a pas besoin de démonstration. Cette perception de la réalité, signalée dans les plus anciennes traces de la civilisation, fut entretenue pendant des millénaires par chacune des grandes traditions religieuses de l'histoire de l'humanité. Ses réalisations durables dans le domaine des lois, des arts et dans l'amélioration des relations humaines donnent à l'histoire épaisseur et sens. Sous une forme ou une autre, les apports de la religion influencent au quotidien la vie de la plupart des gens sur terre et, comme le montrent les événements dramatiques d'aujourd'hui, les désirs qu'elle éveille sont inextinguibles et incroyablement puissants. 

Il en ressort à l'évidence que n'importe quel type d'efforts visant à promouvoir le progrès de l'humanité devrait mettre à contribution de telles potentialités universelles et créatrices. Alors pourquoi les questions spirituelles que se pose l'humanité ne sont-elles pas au coeur du discours sur le développement ? Pourquoi la plupart des priorités - et même la plupart des convictions qui les fondent - sur le programme de développement international n'ont-elles été jusqu'à maintenant déterminées que par ces conceptions matérialistes auxquelles seule une minorité de la population du monde adhère ? Enfin quel poids donner à une déclaration qui affiche son adhésion au principe de la participation universelle tout en niant, dans les faits, la validité du passé culturel par lequel les participants se définissent ? 

On peut objecter que les questions morales et spirituelles ayant été historiquement étroitement liées aux doctrines théologiques sujettes à controverses mais non soumises aux preuves objectives, elles ne rentrent pas dans le cadre des préoccupations sur le développement de la communauté internationale. Leur accorder la moindre importance reviendrait précisément à ouvrir la porte à ces influences dogmatiques qui ont nourri tant de conflits sociaux et entravé le progrès humain. Ce qui est en partie vrai. Les tenants des différents systèmes théologiques portent une lourde responsabilité, non seulement pour la mauvaise réputation que s'est acquise la religion aux yeux de la plupart des penseurs progressistes, mais aussi pour les inhibitions et les déformations contenues dans l'éternel discours de l'humanité sur le sens du spirituel. Néanmoins, en conclure que la réponse consiste à décourager la recherche des réalités spirituelles et à ignorer les racines les plus profondes de la motivation humaine est un leurre évident. L'histoire récente montre que chaque fois qu'une telle censure a été appliquée, elle a eu pour résultat la prise en main de l'avenir de l'humanité par une nouvelle orthodoxie, une orthodoxie qui soutient que la vérité est amorale et que les faits sont indépendants des valeurs. 

La religion a emporté ses plus grands succès dans le domaine moral de cette existence terrestre. Grâce à ses enseignements et à l'exemple de vies qui en furent illuminées, la plupart des gens, à toutes les époques et en tous lieux, développèrent la capacité d'aimer. Ils apprirent à discipliner l'aspect animal de leur nature, à faire de grands sacrifices pour le bien commun, à pratiquer le pardon, la générosité et la confiance, à utiliser richesses et autres ressources pour servir le progrès de la civilisation. Et pour traduire sur une vaste échelle ces avancées morales en normes de vie sociale, des systèmes institutionnels furent conçus. Même obscurcis par des accrétions dogmatiques et déviés de leur but par des conflits sectaires, les élans spirituels suscités par des personnages transcendants comme Krishna, Moise, Bouddha, Zoroastre, Jésus et Mahomet ont exercé l'influence la plus profonde sur le processus civilisateur de la personne humaine. 

Etant donné que le défi majeur est de permettre à l'humanité d'accéder à la connaissance par une ouverture plus grande, il s'agit d'installer un dialogue constant et dense entre la science et la religion. C'est un truisme - cela devrait l'être aujourd'hui en tous cas - que d'affirmer dans chaque sphère de l'activité humaine et à chaque niveau, que intuitions et découvertes dont dépendent les réussites scientifiques devraient chercher dans le domaine spirituel et éthique les directives pour une application appropriée. Par exemple, ils devraient apprendre à séparer les faits des suppositions, à distinguer entre vision subjective et réalité objective ; et les individus et les institutions ainsi dotés contribueront d'autant plus au progrès humain qu'ils seront consacrés à la vérité et détachés des incitations de leurs intérêts propres et de leurs passions. Une autre faculté que la science doit développer chez tous les peuples est une façon de penser toutes choses en termes d'évolution, y compris le processus historique. Mais si ce progrès intellectuel doit finalement contribuer à promouvoir le développement, il devra se faire dans une perspective affranchie de tout préjugé de race, de culture, de sexe ou de croyance sectaire. De même l'instruction qui permettra aux habitants du monde de participer à la production des richesses ne contribuera au développement que dans la mesure où l'élan généré sera éclairé par cette perception spirituelle : servir l'humanité est la raison d'être de la vie individuelle comme de l'organisation sociale. 

V. L'ÉCONOMIE

C'est à travers la généralisation du savoir, par la démarche d'élever le niveau des capacités humaines, qu'on se doit d'affronter les problèmes économiques avec lesquels l'humanité est en prise. Comme l'expérience des dernières décennies l'a amplement démontré, les efforts et les bénéfices matériels ne peuvent être une fin en soi. S'ils pourvoient aux besoins élémentaires de l'humanité, (habitat, nourriture, santé...) leur valeur réelle réside en ce qu'ils permettent d'élever le seuil des possibilités de compétences humaines. Le rôle le plus important que les efforts économiques doivent entreprendre pour le processus de développement consiste à doter les hommes et les institutions de moyens, en vue d'atteindre l'objet réel de ce développement qui est d'établir des fondations d'un nouvel ordre social où pourront se cultiver les potentialités sans limites, latentes dans la conscience humaine. 

La pensée économique est mise au défi d'accepter sans tergiverser ce but ainsi que le rôle qu'elle doit jouer en encourageant la création de moyens pour y parvenir. Seulement alors l'économie et les sciences voisines dégagées du poids des préoccupations matérialises qui les en détournent, pourront exprimer enfin leur potentiel pour devenir des outils vitaux à la réalisation du bien-être humain dans le plein sens du terme. Ici, plus qu'ailleurs, la nécessité d'un dialogue rigoureux entre le travail de la science et les inspirations de la religion devient évidence. 

Le problème de la pauvreté en est un exemple marquant. Les solutions qui comptent l'affronter prennent appui sur la certitude qu'existent, ou que peuvent être créées par l'effort scientifique et technologique, des ressources matérielles capables d'alléger et finalement d'endiguer un des aspects permanents de la condition humaine. Si l'on n'a pas été soulagé de ce fléau, c'est que les progrès scientifiques et techno- logiques répondent à un ensemble de priorités superficiellement reliées aux vrais intérêts de la majorité de l'humanité. Si on veut, un jour, enrayer la pauvreté de la surface du globe, une révision radicale de ces priorités s'impose. Cela exige une recherche déterminée de valeurs justes, une recherche qui mettra à rude épreuve les ressources spirituelles et scientifiques de l'humanité. Pour se joindre à cette entreprise, la religion verra son apport entravé, tant qu'elle restera prisonnière de doctrines sectaires qui confondent contentement et passivité et qui enseignent que la pauvreté fait partie intégrante de la vie humaine dont on ne se libère que dans l'autre monde. Pour participer avec efficacité à cette lutte pour le bien-être matériel de l'humanité, l'esprit religieux doit trouver dans la source d'où jaillit son inspiration de nouveaux concepts spirituels et de nouveaux principes en accord avec une époque qui cherche à établir l'unité et la justice parmi les hommes. 

Le chômage soulève des problèmes analogues. Dans la pensée contemporaine, le concept de travail a été réduit à une activité lucrative ayant pour but d'acquérir les moyens de consommer des biens. Le système tourne en vase clos : acquisition et consommation permettent de maintenir et d'augmenter la production qui, à son tour, contribue à créer des emplois rémunérés. Certes, prises une à une, toutes ces activités sont nécessaires au bien-être de la société. Mais le caractère de cette conception générale se révèle erroné. Témoin l'apathie que les observateurs sociaux notent partout chez la masse des travailleurs, et la démora- lisation d'une armée de chômeurs qui ne cesse de croître. 

Dès lors, on ne peut s'étonner que des voix s'élèvent pour exprimer le besoin urgent d'une nouvelle "éthique du travail" à l'échelle mondiale. Là encore, seules les découvertes issues d'une interaction créatrice entre les systèmes de connaissance scientifique et religieux pourront produire cette réorientation Si fondamentale des habitudes et des attitudes. A la différence des animaux qui dépendent, pour se nourrir, de ce que leur environnement leur offre, l'être humain exprime ses immenses capacités par un travail productif qui satisfait ses besoins et ceux de ses semblables. Il participe ainsi à son niveau, si modeste soit-il, au progrès de la civilisation. Il accomplit un but qui l'unit aux autres. Si un travail est consciemment entrepris dans un esprit de service à l'humanité, Bahá'u'lláh considère qu'il est une forme de prière, une manière d'adorer Dieu. Chacun a la capacité de se projeter dans cette optique, et c'est à cette capacité inaliénable de l'être qu'une stratégie de développement doit faire appel, quels que soient la nature des buts poursuivis, et les récompenses attendues. Une perspective plus restreinte ne pourra jamais motiver suffisamment les peuples du monde pour qu'ils s'engagent à fournir les efforts immenses que les activités économiques exigeront dans l'avenir. 

Autre défi pour la pensée économique : la crise de l'environnement. Il est aujourd'hui, froidement démontré que les théories fondées sur la croyance que la nature possède une capacité illimitée à répondre à toutes les exigences humaines sont fallacieuses. Une culture qui attache une valeur absolue à l'expansion, à l'acquisition et à la satisfaction des besoins se voit confrontée à une évidence : de tels buts ne suffisent pas, en soi, à déterminer une politique cohérente. D'autre part, toute prise de décision pour tenter de résoudre les questions économiques qui ne tiendrait pas compte du fait que la plupart des problèmes importants sont plus mondiaux que locaux, serait tout à fait inadéquate. 

L'espoir fervent que cette crise morale pourra être résolue, d'une manière ou d'une autre, en déifiant la nature elle-même, n'est qu'un signe évident du désespoir intellectuel et spirituel engendré par la crise. Même si elle est bienvenue, la reconnaissance que la création est un tout organique et que l'humanité a le devoir d'en prendre soin ne suffit pas à influencer la conscience des peuples au point de créer un nouveau système de valeurs. C'est seulement en franchissant un seuil décisif dans la compréhension, à la fois scientifique et spirituelle, que l'espèce humaine aura la force d'assumer les responsabilités que l'histoire lui impose. 

Par exemple, chacun devra tôt ou tard, retrouver la capacité à savoir se satisfaire, à accepter la discipline morale et le sens du devoir, considérés, voici encore peu de temps, comme des traits essentiels de l'être humain. Régulièrement au cours de l'histoire, les enseignements des fondateurs des grandes religions surent imprégner de ces qualités le caractère d'une multitude d'individus qui répondaient à leur message. Ces qualités sont plus vitales encore aujourd'hui qu'hier, mais leur expression doit désormais incarner une forme adaptée à la maturité de l'humanité. Ici encore, la religion va devoir se libérer des obsessions du passé: la capacité à se satisfaire n'est pas le fatalisme, la moralité n'a rien à voir avec le puritanisme mortificateur qui a Si souvent prétendu parler en son nom, et le sens authentique du devoir n'entraîne pas un sentiment d'autosatisfaction mais de respect de soi. 

Le refus persistant fait aux femmes d'obtenir une complète égalité avec les hommes rend plus aigu le problème que la science et la religion ont à traiter dans le domaine économique. Pour tout observateur impartial, aucune réflexion réaliste sur le futur bien-être de la terre et de ses habitants ne peut ignorer le principe fondamental de l'égalité des sexes. Pendant les siècles d'enfance et d'adolescence de l'humanité, cette vérité sur la nature humaine fut largement méconnue : "Femmes et hommes ont été et seront toujours égaux aux yeux de Dieu", voilà ce qu'affirme solennellement Bahá'u'lláh. L'âme rationnelle n'a pas de sexe et quelles que soient les injustices sociales qui aient pu, dans le passé, être dictées par des exigences de survie, elles ne sont plus, à l'évidence, justifiées alors que le genre humain est au seuil de sa maturité. L'engagement à établir la complète égalité entre femmes et hommes, dans tous les domaines de la vie et à chaque niveau de la société, sera la condition du succès des efforts entrepris pour concevoir et appliquer une stratégie de développement mondial. 

En fait, c'est le progrès dans ce domaine précis, celui de l'égalité entre femmes et hommes, qui servira de critère pour évaluer la réussite d'un programme de développement. Etant donné le rôle vital de l'activité économique dans le progrès de la civilisation, celui-ci se mesurera à la vitesse à laquelle les femmes accéderont à toutes les voies de l'effort économique. Il ne s'agit pas simplement d'assurer aux deux sexes une répartition équitable des chances, aussi important que soit cet aspect de la question. Ce défi exige pour être relevé de repenser de fond en comble les questions économiques afin qu'elles intègrent complètement tout un champ de l'expérience et de l'inspiration humaine jusque là exclu. Les modèles économiques classiques, avec leurs marchés impersonnels dans lesquels les êtres humains agissent comme des décideurs individualistes aux choix centrés sur eux-mêmes, ne sont plus adaptés aux besoins d'un monde motivé par les idéaux de justice et d'unité. Les nouveaux modèles économiques que la société verra de plus en plus la nécessité de développer, seront structurés par des sentiments nés d'échanges amicaux et d'expériences partagées, par la certitude que les êtres humains vivent en relation les uns avec les autres, mais aussi par la perception du rôle vital que la famille et la communauté jouent dans le bien-être social. Cette percée intellectuelle - un point de vue résolument altruiste plutôt qu'égocentrique - devra s'appuyer sur les sensibilités à la fois spirituelles et scientifiques du genre humain, et des millénaires de pratique qui ont préparé les femmes à jouer un rôle crucial dans cet effort commun. 

VI. LE POUVOIR

Envisager une transformation sociale d'une telle ampleur revient à se poser la question du pouvoir désigné pour l'accomplir et la question qui lui est liée, de l'autorité pour exercer un tel pouvoir. Là encore, l'unification accélérée de la planète et de ses peuples, comme pour toutes les autres implications du même ordre, crée le besoin urgent de redéfinir ces deux termes familiers. 

Au cours de l'histoire, et en dépit des démentis des théologies et des idéologies, le pouvoir a presque toujours été exercé comme un privilège dont jouissaient certains individus ou groupes. Souvent exprimée en termes de moyens a utiliser contre d'autres, cette interprétation du pouvoir fait partie intégrante de la culture de division et de conflit qui caractérise l'espèce humaine depuis des millénaires et ce, quelle que soit l'orientation sociale, religieuse ou politique qui dominait en une époque et en un lieu donnés. Plus généralement, le pouvoir a été l'apanage d'individus, de factions, de peuples, de classes ou de nations ; plus l'apanage, d'ailleurs, d'hommes que de femmes. Il a permis à ses bénéficiaires de cumuler, de dominer, d'écraser, de résister, de vaincre. 

Les processus historiques qui en découlent ont été à l'origine des reculs terribles qui ont touché le bien-être de l'humanité, mais aussi des avancées extraordinaires de la civilisation. Apprécier les retombées bénéfiques de ces attitudes implique également d'en reconnaître les inconvénients, du moins, les limites évidentes de schémas comportementaux que l'une et l'autre ont produits. Liées à l'usage fait du pouvoir pendant la longue enfance et adolescence de l'humanité, ces habitudes et ces attitudes ont atteint désormais les limites extrêmes de leur efficacité. En un temps où les problèmes urgents sont de nature mondiale, persister dans l'idée que "pouvoir" signifie "avantages" pour certaines catégories de la famille humaine serait non seulement une grave erreur théorique, mais sans aucun intérêt pratique pour le développement économique et social de la planète. Ceux qui y adhèrent - et qui, en d'autres temps, auraient pu l'appliquer en toute confiance - voient aujourd'hui leurs projets s'empêtrer dans d'inexplicables frustrations et obstacles. Le pouvoir, dans son expression traditionnelle de rapport de force, est aussi peu capable de répondre aux besoins futurs de l'humanité que la technique du chemin de fer peut l'être pour placer des satellites en orbite ! 

L'analogie est plus qu'appropriée. Son évolution vers l'âge adulte force la race humaine à se libérer du concept et de l'exercice du pouvoir hérités du passé. Qu'elle puisse s'en libérer montre que, même imprégnée des conceptions traditionnelles, l'humanité a toujours été capable d'imaginer le pouvoir sous des formes répondant à ses espoirs. L'histoire montre d'abondance que - même épisodiquement et de manière plus ou moins habile - des personnes de tous horizons et en toute époque ont su trouver en eux-mêmes une grande variété de ressources créatrices. L'exemple le plus probant est probablement le pouvoir même de la vérité, facteur de changement lié, dans les domaines philosophiques, religieux, artistiques et scientifiques, à quelques-unes des plus grandes percées de l'espêce. Un autre pouvoir évident capable de déclencher une immense réponse humaine est celui représenté par la force de caractère, tout aussi puissante est l'influence de l'exemple qui agit sur des êtres humains ou sur des groupes sociaux. Une autre des forces, pratiquement jamais mise en évidence jusqu'ici, est celle que la réalisation de l'unité fera naître ; pouvoir dont l'influence est "si puissante", selon les paroles de Bahá'u'lláh, "qu'elle peut illuminer le monde entier". 

Dans la mesure où le pouvoir sera exercé selon des principes en harmonie avec les intérêts en perpétuelle évolution d'une race humaine qui mûrit rapidement, les institutions de la société pourront susciter et diriger les potentialités latentes dans la conscience des peuples du monde. Parmi ces principes, il y a l'obligation, pour ceux qui détiennent l'autorité, de gagner la confiance, le respect et le soutien sincère de ceux dont ils aspirent à gouverner les actions ; de consulter, ouvertement et le plus complètement possible, ceux dont les intérêts sont influencés par les décisions à prendre ; de s'assurer objectivement de la réalité des besoins et des aspirations des communautés qu'ils servent ; de tirer bénéfice des progrès moraux et scientifiques pour utiliser au mieux les ressources de la communauté, y compris l'énergie de ses membres. Parmi les principes d'une autorité effective, aucun n'est aussi important que celui de donner la priorité à établir et maintenir l'unité entre les membres d'une société et les membres de ses institutions administratives. Lié à cette priorité se trouve, comme mentionné plus haut, l'engagement à rechercher en toute chose la justice. 

En clair, ces principes ne pourront fonctionner que dans le cadre d'une culture essentiellement démocratique, dans l'esprit et dans la forme. Dire cela cependant ne signifie pas donner son aval à l'idéologie des différents partis qui, partout, s'est abusivement revêtue du nom de démocratie et qui, en dépit de l'importance de ses contributions passées au progrès humain, se trouve aujourd'hui embourbée dans cette apathie, cette corruption et ce cynisme auxquels elle a donné, elle-même, naissance. Pour designer ceux qui devront prendre les décisions collectives de sa part, la société n'a pas besoin de ce théâtre politicien de candidatures personnelles ou de listes de candidats, de campagne électorale ou de pêche aux voix, dont il ne tire aucun bénéfice. Tous les peuples, dès lors qu'ils seront de plus en plus formés et convaincus que leurs intérêts de développement véritable reposent sur les programmes qu'on leur propose, sont en mesure d'adopter des procédures électorales qui affineront la sélection pour le choix de leurs instances de décisions. 

A mesure que s'accélère le mouvement vers l'unification de l'humanité, ceux qui seront ainsi choisis devront toujours plus orienter leurs efforts dans une optique globale. Les élus qui dirigent les affaires humaines, aussi bien à l'échelle nationale qu'à l'échelle locale, devraient, selon Bahá'u'lláh, se considérer responsables du bien-être de l'humanité dans son ensemble. 

VII. UNE STRAT ÉGIE DE DÉVELOPPEMENT MONDIAL

Le devoir de créer une stratégie de développement mondial qui puisse accélérer l'entrée de l'humanité dans l'âge adulte nous met au défi de remodeler radicalement toutes les institutions de la société. C'est à tous les habitants de la planète que ce défi est lancé : l'ensemble des êtres humains, les membres des institutions dirigeantes à tous les niveaux, les personnes qui travaillent dans les organismes de coordination internationale, les chercheurs en sciences exactes et en sciences humaines, tous ceux qui ont des talents artistiques ou qui ont accès aux média, et enfin les dirigeants des organisations non-gouvernementales. La réponse à ce défi doit s'appuyer sur une reconnaissance sans condition de l'unité du genre humain, sur l'engagement à établir la justice comme principe d'organisation de la société, et sur une détermination à exploiter au maximum les possibilités qu'un dialogue systématique entre le génie scientifique et religieux de l'espèce peut apporter àl'épanouissement du talent des hommes. La démarche exige de repenser radicalement la plupart des concepts et des présupposés qui gèrent aujourd'hui la vie économique et sociale. Il faut en même temps associer cette démarche à la certitude que, quelle que soit la durée du processus et quels que soient les obstacles rencontrés, les affaires humaines peuvent être dirigées sur des voies qui servent les besoins réels de l'humanité. 

Seulement si l'enfance de l'humanité a véritablement pris fin et si l'aube de l'âge adulte pointe, cette vision de l'humanité représente quelque chose de plus qu'un autre mirage utopique. S'imaginer, par ailleurs, qu'un effort d'une telle ampleur pourrait être accompli par des peuples découragés et par des nations antagonistes serait faire fi de toute sagesse. C'est seulement si le cours de l'évolution sociale est parvenu à un point décisif, comme l'affirme Bahá'u'lláh, un moment où tous les phénomènes de l'existence sont brusquement poussés vers de nouvelles étapes de leur développement, qu'une telle éventualité devient concevable. La conviction profonde qu'une transformation aussi grande dans la conscience humaine est en cours a inspiré les idées exposées dans cette déclaration. A tous ceux qui y trouvent un écho aux aspirations de leur coeur, les paroles de Bahá'u'lláh apportent l'assurance qu'en ce jour incomparable Dieu a doté l'humanité de ressources spirituelles tout à fait à la mesure du défi: 

"O vous qui habitez le ciel et la terre ! Voici que vient d'apparaître ce qui n'était jamais encore apparu. Voici le jour où les plus précieuses faveurs ont été prodiguées aux hommes, le jour où sa puissante grâce a imprégné toutes les choses créées." 

Les troubles qui convulsent aujourd'hui les affaires humaines sont sans précédent et beaucoup de leurs conséquences sont terriblement destructrices. Des dangers jamais imaginés s'amoncellent autour d'une humanité désorientée. La plus grande erreur, dans cette conjoncture, serait de permettre que la crise actuelle fasse douter du résultat. Un monde est en train de disparaître, un autre se débat pour naître. Les habitudes, les attitudes et les institutions qui, au cours des siècles se sont accumulées sont soumises à des épreuves aussi nécessaires au développement de l'humanité qu'inévitables. Il est demandé aux peuples du monde de faire preuve d'un peu de foi et de se montrer à la hauteur des immenses énergies dont le Créateur de toute chose a doté ce printemps spirituel du genre humain. Bahá'u'lláh lance cet appel : 

"Soyez unis dans vos délibérations, soyez unis dans vos pensées. Que chaque matin soit meilleur que la veille et chaque lendemain plus riche que le jour précédent. Le mérite de l'homme ne réside pas dans l'étalage de sa richesse mais dans le service et la vertu. Prenez soin de purger vos paroles des fantaisies futiles et des désirs matériels et que vos actes soient exempts de toute ruse et de toute méfiance. Ne perdez pas la richesse de vos précieuses vies à poursuivre un penchant mauvais et corrompu ; que vos oeuvres ne servent pas à promouvoir vos intérêts personnels. 

Soyez généreux dans vos jours d'abondance et patients aux heures de malheur. L'adversité est suivie du succès, les réjouissances sont suivies de lamentations. Protégez-vous de l'oisiveté et de la paresse et, jeunes ou vieux, humbles ou grands, intéressez-vous à ce qui est profitable à l'humanité. Ne semez pas les graines de la discorde parmi les hommes et ne plantez pas les épines du doute dans les coeurs purs et radieux." 

Bureau d'Information publique Communauté internationale bahá'íe
Haifa, Israel

PROTECTION DES MINORITES

PROTECTION DES MINORITES

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités Quarante‑sixième session Point 18 de l'ordre du jour provisoire

Geneva—19 August 1994

Le Secrétaire général a reçu l'exposé écrit ci-après, qui est distribué conformément à la résolution 1296 (XLIV) du Conseil économique et social.

La Communauté internationale Baha'ie félicite la Sous‑Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités et en particulier son Rapporteur spécial, M. Asbjørn Eide, des efforts qu'ils ont déployés pour définir des moyens possibles de faciliter la solution par des voies pacifiques et constructives des problèmes dans lesquels des minorités sont impliquées (E/CN.4/Sub.2/1993/34 et Additifs).

Plus d'une année s'est écoulée depuis l'adoption par l'Assemblée générale de la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques. Aujourd'hui, gouvernements et simples citoyens sont confrontés au défi que pose l'application dans la pratique des normes ainsi fixées. Malheureusement, la réalité de ce que vivent bien des minorités n'a pas grand-chose à voir avec les normes minimales en matière de droits de l'homme énoncées dans la Déclaration. Les membres de ceux-là même de ces groupes minoritaires que la Déclaration devait protéger connaissent toujours les pires souffrances, victimes qu'ils sont d'un certain nombre de violents conflits qui font rage d'un bout à l'autre du monde.

De l'avis de la Communauté internationale Baha'ie, c'est à la fois à la majorité et à la minorité qu'incombe la responsabilité d'assurer l'égalité des droits des minorités. C'est la majorité qui se doit, par souci de justice, de veiller à ce que se produisent les ajustements sociaux et politiques qui permettront aux groupes minoritaires d'exercer le plus complètement possible leurs droits communs et fondamentaux. De leur côté, les groupes minoritaires ont la responsabilité morale de répondre comme il convient aux efforts sincères consentis par la majorité et, ainsi que le dit le Rapporteur, "reconnaître et respecter leurs devoirs à l'égard de la société tout entière" (E/CN.4/Sub.2/1993/34/Add.4, par. 20). Les uns et les autres doivent replacer les problèmes des minorités dans le contexte d'un monde de plus en plus interdépendant. L'intérêt de chacune des parties qui constituent un tel monde ne saurait être mieux servi que par le souci d'assurer la prospérité de l'ensemble, laquelle est impossible à réaliser si certaines parties sont victimes de l'oppression ou de la misère.

Il s'agit donc d'identifier les conditions qui aboutissent à priver certaines minorités de leur droit de représentation et d'exhorter les gouvernements à promulguer une législation qui donnera à ces minorités les moyens de réclamer leur dû et fera droit à leurs griefs. Mais cela ne suffira pas pour garantir aux membres des minorités les mêmes droits qu'à leurs compatriotes. Les mentalités doivent changer. Il faut qu'il y ait une évolution dans la manière dont la majorité considère les minorités opprimées et que ces dernières se libèrent du sentiment d'impuissance provoqué par des années de discrimination.

Cette évolution des mentalités, cependant, il ne dépend pas entièrement des gouvernements qu'elle se réalise, dans la mesure où elle ne peut se faire que sous l'influence de principes spirituels et moraux. La Communauté internationale Baha'ie, pour sa part, est convaincue que le principe qui doit régir toute considération des droits des minorités est celui de l'unicité de l'humanité. Bien souvent, notre ignorance de notre humanité commune encourage les craintes et les haines irrationnelles qui sont facilement nourries par la méconnaissance des autres cultures. Pour aller vers un désir authentique de compréhension mutuelle, de pluralisme dans l'union, dont parle M. Eide (E/CN.4/Sub.2/1993/34, chap. II B), il convient de voir dans la diversité de la famille humaine une source d'enrichissement plutôt qu'une menace.

Nous appuyons l'appel lancé par le Rapporteur spécial pour que, dans les écoles, on enseigne aux élèves à respecter les droits de l'homme et à apprécier la diversité. Comme le suggère M. Eide, "il faudrait faire des droits de l'homme une matière de base universelle dans les études primaires" (E/CN.4/Sub.2/1993/34/Add.4, par. 4). "Les programmes d'études de tous les Etats devraient prévoir l'enseignement de la tolérance à l'égard de tous les groupes. Les groupes majoritaires devraient s'informer de la culture des groupes minoritaires de manière à pouvoir l'apprécier en tant qu'apport enrichissant la société tout entière" (ibid., par. 9 et 10).

Toutefois, pour pouvoir apporter une solution durable aux problèmes des minorités, il faut que l'éducation s'appuie sur un engagement en faveur de principes éthiques et spirituels. L'action de ces principes imprègne les groupes majoritaires comme les groupes minoritaires de la conscience de la responsabilité morale qu'ils ont les uns envers les autres en tant qu'êtres humains. Ce sentiment de responsabilité donne une vigueur accrue à ces vertus civilisatrices que sont la tolérance et la compassion à l'égard de tous les êtres. Il fait que la voix de la conscience se fait entendre avec plus de force et il parle le langage du coeur là où celui de la loi civile est inopérant. L'influence concrète de ces valeurs spirituelles sur l'ordre social ne saurait être trop soulignée. En une période caractérisée par une transition chaotique, une prise de conscience largement répandue de l'unicité de l'humanité permettrait aux minorités d'apparaître comme faisant intégralement partie de la société. Dans ces conditions, les vieilles animosités fondées sur les différences éthniques, linguistiques et religieuses deviendraient obsolètes, ce qui ferait échec à toutes les tentatives pour dresser les groupes les uns contre les autres à des fins politiques.

La Communauté internationale Baha'ie est convaincue que, pour que les efforts immenses déployés par les Nations Unies et les gouvernements en faveur des droits de l'homme portent leurs fruits, il est indispensable de faire appel à la force combinée des influences politiques, juridiques, spirituelles et morales. Pour faire face à ces défis, la Communauté internationale Baha'ie tente pour sa part d'agir parmi ses membres dans le monde entier. Les enseignements de leur foi font aux communautés baha'ies une obligation, non pas simplement d'accepter, mais d'aider, d'encourager et de protéger toute minorité sans considération de croyance, de race, de classe ou de nation. Pour cette raison, les Ecrits baha'is suggèrent que si l'on peut tolérer une forme de discrimination, celle‑ci doit s'exercer en faveur de la minorité. Guidées par les principes unificateurs de l'ordre mondial révélés il y a plus d'un siècle par Baha'u'llah, fondateur de la religion baha'ie, les communautés baha'ies dans le monde entier s'efforcent d'intégrer des gens ayant des origines raciales, nationales et religieuses différentes pour en faire une seule communauté, communauté qui soit à la fois unifiée et diverse.

Appuyant la recommandation du Rapporteur spécial tendant à ce que les minorités soient activement encouragées à participer à la vie de la collectivité (E/CN.4/Sub.2/1993/34/Add.4, par. 12), la Communauté internationale baha'ie tient à dire qu'elle a constaté que la radio pouvait être extrêmement efficace. C'est ainsi que Radio baha'ie en Equateur, par exemple, dessert les populations autochtones de la région rurale de l'Otavalo. Emettant principalement en Quechua, la langue locale, cette station vise à répondre aux besoins de formation spirituelle, culturelle et matérielle exprimés par les auditeurs. Du personnel local a reçu sur place une formation portant sur toutes les opérations nécessaires à la bonne marche d'une station de radio, qu'il s'agisse notamment de l'utilisation du matériel ou de la conception des programmes. Les émissions traitent de sujets divers, parmi lesquels le développement de l'agriculture, l'éducation, la vie spirituelle et la politique. La station encourage et préserve la culture locale en faisant appel à des conteurs de la région et en diffusant de la musique enregistrée lors des festivals annuels autochtones parrainés par la station. De semblables stations ont été créées dans les régions rurales de Bolivie, au Chili, au Panama, au Pérou et aux Etats‑Unis d'Amérique.

La Communauté internationale baha'ie voudrait féliciter l'UNESCO, et en particulier son Bureau international d'éducation (BIE), de sa décision d'organiser une Table ronde oecuménique sur la contribution des religions au développement de la compréhension internationale par l'éducation. Une telle initiative correspond certainement à la recommandation de M. Eide tendant à développer et encourager l'organisation de réunions dont l'objet serait de promouvoir une plus grande compréhension entre les gens (E/CN.4/Sub.2/1993/34/Add.4, par. 69). La Communauté internationale baha'ie se réjouit de participer aux débats de cette Table ronde pendant la Conférence des ministres de l'éducation des Etats membres du BIE en octobre 1994.

La Communauté internationale baha'ie se félicite que la Sous‑Commission ait, par une démarche concrète, mis l'accent sur les moyens de faciliter la solution par des voies pacifiques et constructives des problèmes dans lesquels des minorités sont impliquées. Si les gouvernements ou les organisations civiques le jugeaient utile, la Communauté internationale baha'ie serait prête à faire part de son expérience en matière de création de communautés caractérisées par l'unité et le respect de la diversité.

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