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Déclaration Transformer les délibérations collectives : privilégier l’unité et la justice

Déclaration Transformer les délibérations collectives : privilégier l’unité et la justice

Commission du développement social Quarante-huitième session

New York—3 February 2010

Suivi du Sommet mondial pour le développement social et de la vingt-quatrième session extraordinaire de l’Assemblée générale : thème prioritaire : intégration sociale

Déclaration de la Communauté internationale Baha'ie (représentation auprès de l’ONU), organisation non gouvernementale dotée du statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social

Le Secrétaire général a reçu la communication ci-après, qui est distribuée conformément aux paragraphes 36 et 37 de la résolution 1996/31 du Conseil économique et social.

Déclaration Transformer les délibérations collectives : privilégier l’unité et la justice

Point 3 a) de l’ordre du jour provisoire*

 

Le modèle le plus convaincant pour l’intégration des cultures et des peuples du monde se trouve peut-être dans la complexité et la coordination qui caractérisent le corps humain. Dans cet organisme, des millions de cellules dotées de formes et de fonctions incroyablement différentes collaborent pour rendre possible l’existence humaine. Chaque petite cellule a un rôle à jouer pour maintenir le corps en bonne santé; dès sa formation, chacune s’inscrit dans un processus consistant à donner et à recevoir. De même, les efforts déployés de par le monde pour bâtir des communautés guidées par les valeurs de coopération et de réciprocité viennent remettre en question l’idée que la nature humaine est fondamentalement égoïste, concurrentielle et mue par des considérations matérielles. La prise de conscience grandissante de faire partie d’une même humanité en dépit de nos différentes identités est en train de redéfinir nos relations réciproques en tant que personnes, nations et gardiens communs de notre environnement naturel. Qu’elle soit obstinément combattue dans certaines sociétés ou accueillie ailleurs comme moyen de se libérer d’une oppression étouffante, l’idée que nous faisons tous partie d’une famille humaine indivisible devient la norme à l’aune de laquelle nos efforts collectifs sont jugés.

En cette période de transition vers un nouvel ordre social, les processus d’intégration sociaux, mais aussi les processus de désintégration correspondants, prennent de l’ampleur. L’écroulement des fondements moraux, l’usure des institutions et un sentiment de désillusion attisent le chaos et le déclin de l’ordre social alors que, dans le même temps, les dynamiques d’intégration bâtissent de nouvelles bases de collaboration et transforment tant la nature que la portée de l’action collective. Ces processus d’intégration se manifestent par le développement de réseaux sociaux que facilitent, entre autres, les technologies de l’information; par l’extension du suffrage et de la participation formelle à la gouvernance; par les techniques collectives de génération et de diffusion des savoirs; par la généralisation de l’éducation et une plus grande sensibilisation à l’interdépendance humaine; et par l’évolution de nouveaux mécanismes de coopération internationale. De plus, on constate l’émergence de processus de prise de décisions de plus en plus participatifs, unificateurs et justes, qui refusent les approches partisanes dans le règlement des problèmes auxquels font face des communautés de plus en plus interdépendantes.

Dans ce contexte, la Communauté internationale Baha'ie aimerait faire part de son expérience concernant le processus de dialogue collectif appelé consultation sur lequel reposent les délibérations et la prise de décisions dans les communautés Baha'ie du monde entier. La consultation est une approche qui vise à l’unification et non à la division. Les participants sont encouragés à participer librement à la discussion tout en prenant soin de s’exprimer de façon digne et courtoise. Il est impératif de se détacher de ses propres prises de position et opinions à propos de l’objet de la discussion – une fois qu’une idée a été partagée, elle n’est plus associée à l’individu qui l’a exprimée mais devient une ressource que le groupe peut adopter,modifier ou rejeter. À mesure que la consultation suit son cours, les participants cherchent à préciser et appliquer les principes moraux pertinents pour la question examinée. Il peut s’agir de l’égalité hommes-femmes, de la préservation de l’environnement naturel, de l’éradication des préjugés et de l’abolition des extrêmes que sont la richesse et la pauvreté. Contrairement à une confrontation partisane ou à un débat, cette approche cherche à éviter les querelles suscitées par les revendications et les intérêts pour recentrer le dialogue sur les principes, permettant ainsi aux lignes de conduite et aux objectifs communs de ressortir plus facilement et de s’imposer.

Une grande importance est accordée à la diversité des points de vue et des contributions que les individus apportent à la discussion. La diversité sert à enrichir les délibérations et le dialogue collectifs. Le fait de solliciter activement l’avis de ceux qui sont traditionnellement exclus des prises de décisions non seulement permet d’accroître le vivier des ressources intellectuelles, mais encore favorise la confiance, la participation et les engagements réciproques nécessaires à une action collective. Par exemple, le fait de privilégier la diversité et de mettre en avant les minorités a façonné la pratique en matière d’élection des organes directeurs (appelés assemblées spirituelles locales) au sein des communautés Baha'ie : en cas d’égalité des voix, c’est la position du candidat de la minorité qui l’emporte.

Toutefois, la diversité des perspectives ne donne pas à elle seule aux communautés les moyens de résorber les différences ou de résoudre les tensions sociales. Dans les consultations, la valeur de la diversité est inextricablement liée au but de l’unité. Il ne s’agit pas d’une unité idéalisée, mais d’une unité qui tient compte des différences et s’efforce de les transcender au moyen de délibérations fondées sur des principes. Il s’agit d’une unité dans la diversité. Bien que les participants aient des opinions différentes sur les questions examinées, ou envisagent ces questions de différentes façons, ils dialoguent et cherchent à résorber ces différences dans le cadre de la consultation, par respect pour le processus et les principes qui le guident. Dans un contexte où les sectes, les factions politiques, les groupes concurrents et la discrimination tenace affaiblissent les communautés et les livrent à l’exploitation et à l’oppression, l’unité fondée sur la justice est une qualité des rapports humains qui doit être encouragée et défendue. Le principe de l’« unité dans la diversité » s’applique également à la manière d’exécuter les décisions des organes consultatifs : tous les participants doivent soutenir la décision prise par le groupe, quelles qu’aient été les opinions qu’ils ont exprimées pendant la discussion. Si la décision se révèle erronée, tous les participants en tireront les leçons et réviseront la décision de la façon appropriée.

Les principes et objectifs du processus consultatif reposent sur l’idée que les êtres humains sont fondamentalement nobles, qu’ils sont doués de raison et dotés d’une conscience ainsi que de la capacité de dialoguer, de comprendre, de faire preuve de compassion et de se mettre au service du bien commun. Faute d’une telle perspective, des étiquettes comme « marginalisés », « pauvres » ou « vulnérables », qui mettent l’accent sur les besoins et les déficiences, obscurcissent souvent ces qualités et capacités humaines. Il est bien entendu que les besoins et les injustices sous-jacentes doivent être abordés dans le processus consultatif, mais les individus, lorsqu’ils participent à la consultation, doivent s’efforcer de voir la noblesse et le potentiel inhérents à l’autre. Chacun doit avoir la liberté de se déterminer en fonction de sa raison et de sa conscience, d’exprimer ses vues, de chercher par soimême la vérité et le sens, et de voir le monde de ses propres yeux. Pour tous ceux qui n’ont pas joui de ces libertés, la consultation aide à engager un processus qui leur permettra graduellement de devenir protagoniste de leur propre développement et participant à part entière d’une civilisation mondiale.

L’expérience de la communauté Baha'ie mondiale, tirée d’une présence dans 188 pays et 45 territoires, donne à penser que le processus consultatif peut être appliqué partout, sans préférence de culture, de classe, de race ou de sexe particuliers. Les membres de la communauté s’efforcent d’appliquer les principes de la consultation dans leurs familles, leurs communautés, leurs organisations, leurs entreprises et au sein des organes élus. À mesure que cette pratique s’affine, elle permet aux participants d’acquérir une connaissance et une compréhension accrues des questions examinées, d’encourager des modes d’expression constructifs, d’orienter les divers talents et les différentes perspectives vers des buts communs, de bâtir une solidarité de pensée et d’action et de faire prévaloir la justice à toutes les étapes du processus. Pour que ces processus d’intégration se développent et s’appliquent partout dans le monde et portent véritablement leurs fruits, il doivent être accompagnés de mesures destinées à offrir une éducation universelle, à réformer les modes de gouvernance, à éliminer les préjugés et les extrêmes que sont la richesse et la pauvreté et aussi à promouvoir une langue auxiliaire internationale pour faciliter la communication entre tous les peuples et toutes les nations. Ces

efforts donneront naissance à des formes d’intégration sociale unificatrices et justes qui donneront à tous les peuples les moyens de participer ensemble à la construction d’un nouvel ordre social.

Nous vous invitons pour conclure à participer à un processus de dialogue collaboratif en examinant les questions suivantes. En matière de consultations : quels sont les postulats concernant la nature humaine et l’organisation sociale qui sous-tendent les modes de délibération et de prise de décisions reposant sur la confrontation (débats, propagande, esprit partisan, etc.)? Quelles sont les conceptions de la nature humaine qui permettent à des modes de délibération et de prise de décisions fondés sur l’échange, la réciprocité et la coopération de voir le jour? Comment pouvons-nous promouvoir un processus de délibération qui encourage la liberté d’expression et permette l’émergence d’une unité entre les participants? Quelles sont les structures sociales nécessaires pour soutenir des processus de délibération et de prise de décisions plus participatifs? Quel rôle jouent la direction et l’autorité dans des processus de délibération et de prise de décisions unificateurs? Quels autres exemples de processus de prise de décisions favorisant l’intégration connaissons-nous? Concernant l’intégration sociale : comment résoudre les tensions sociales dans un cadre unificateur? Comment faire en sorte que les activités de sensibilisation et les mesures destinées à lutter contre les injustices endurées par un groupe particulier ne contribuent à renforcer les dissensions? Comment s’assurer qu’en accordant une place privilégiée à la valeur de l’unité on ne conforte pas des habitudes de passivité comme l’acceptation et la résignation mais que l’on affermit ainsi la volonté de défendre la justice?

Reconquête de la liberté de conscience, de religion ou de conviction en vue de sa mise au service de l’intégration sociale

Reconquête de la liberté de conscience, de religion ou de conviction en vue de sa mise au service de l’intégration sociale

Suivi du Sommet mondial pour le développement social et de la vingt-quatrième session extraordinaire de l’Assemblée générale : thème prioritaire : l’intégration sociale

New York—4 February 2009

Déclaration

Reconquête de la liberté de conscience, de religion ou de conviction en vue de sa mise au service de l’intégration sociale

À l’heure où l’oppression religieuse, le fanatisme et les clivages entre divers systèmes de croyance mettent à mal les modes de gouvernance, les cadres de développement, la sécurité et les droits de l’homme, nous saluons la décision de la Commission du développement social de se pencher sur le thème prioritaire de l’intégration sociale, au cœur de tous les enjeux sociaux, et qualifié de capacité des individus à vivre ensemble dans le respect et la dignité, et de méthode propre à favoriser l’émergence de sociétés justes et stables, au sein desquelles individus et communautés sont libres de façonner leur présent et leur avenir. Or, si l’élimination des entraves socioéconomiques à l’intégration sociale a beaucoup retenu l’attention, il n’en demeure pas moins que les pays devront également, pour réaliser pleinement cet objectif, s’attaquer à des questions en dehors des notions traditionnelles d’exclusion et de désavantage. Les efforts d’intégration sociale étant censés refléter la diversité des opinions et des aspirations des peuples du monde entier, les gouvernements devront faire face aux problèmes les plus ardus et les plus négligés de l’heure : garantir à tout un chacun sa liberté de conscience, de religion ou de conviction.

L’être humain est non seulement une créature économique et sociale, mais noble également, douée d’un libre arbitre et d’une conscience qui rendent la quête de sens et de vérité possible. Sans la liberté de poursuivre cette quête humaine fondamentale, il ne peut y avoir ni dignité ni justice. Les nations du monde se sont maintes fois engagées à garantir le respect du droit de l’individu d’adopter et de changer librement sa religion ou ses convictions, comme le consacrent la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Or, près de la moitié de la population mondiale vit sous le régime de lois qui restreignent le droit d’adopter et de changer librement sa religion ou ses convictions 1 . Qui plus est, des liens ont été établis entre les restrictions à la liberté de religion et un recul du bien-être chez l’ensemble des populations, une recrudescence des conflits sociaux, de mauvais résultats socioéconomiques et une instabilité politique 2 .

L’Organisation des Nations Unies s’est accordée à reconnaître de plus en plus au fil des années l’importance des liens qui existent entre la religion, la liberté et le développement humain. La Déclaration du Sommet mondial pour le développement social de 1994 notait que les sociétés devaient mieux pourvoir aux besoins matériels et spirituels de leurs membres et que l’intolérance et la haine religieuse faisaient peser de graves menaces sur la sécurité et le bien-être de l’homme 3 . Le rapport sur le développement humain du PNUD reconnaissait pour la première fois en 2004 la part vitale de la liberté culturelle dans le développement humain en affirmant la profonde importance que revêt la religion dans les identités des peuples 4 . Dans une contribution tout aussi significative, le rapport arabe sur le développement humain de 2004 a fait de la liberté à la fois la « garante et l’objectif » du développement humain et la condition sine qua non du développement dans la région arabe 5 . À vrai dire, rien ne fonde à penser que la liberté de conscience, de religion ou de conviction soit une valeur ou une préoccupation occidentale, elle ne doit pas non plus être perçue comme un luxe dont ne doit se mettre en quête qu’une fois assouvis les besoins fondamentaux liés à l’alimentation et au logement, mais plutôt comme participant essentiellement aux efforts visant à rétablir la dignité humaine et à renforcer la vie communautaire.

Bien des faits nouveaux survenus sur la scène internationale témoignent de l’intérêt que la Commission doit porter à ce thème. Premièrement, un mouvement de personnes et d’idées qui s’étend de plus en plus rapidement fragilise les efforts de création des communautés pacifiques et soudées, notamment dans des pays qui cherchent à homogénéiser de force les pratiques ou convictions. L’oppression religieuse continue de nuire à la stabilité sociale et politique. Deuxièmement, la religion est devenue presque partout dans le monde un sujet d’importance politique et sociale majeure. Les normes religieuses et culturelles se sont révélées plus aptes que les normes juridiques à déterminer les attitudes et comportements, neutralisant de nombreux gouvernements, en renforçant d’autres.

Troisièmement, la notion de « diffamation des religions », qui a faussé le cadre international des droits de l’homme et entravé son mécanisme de fonctionnement, a réduit, de manière sélective, les champs d’exploration et des débats publics pacifiques sur des questions de conviction, qui font si cruellement défaut dans des communautés très diverses et divisées. Par ailleurs, l’ONU n’a jusqu’ici pas reconnu comme obstacle majeur à l’intégration et à la stabilité sociales la question qui en est le corollaire et que constitue l’extrémisme religieux. Quatrièmement, le débat actuel de religion qui s’est instauré dans la sphère publique est largement alimenté par des tenants de thèses extrêmes – ceux qui imposent leur idéologie religieuse par la force et ceux qui nient toute place à des expressions de foi ou de conviction dans la sphère publique. Pourtant, l’humanité dans sa majorité, ne se reconnaît nullement dans ces vues extrêmes.

La liberté de conscience, de religion ou de conviction pourrait bien constituer la nouvelle frontière dans la marche vers l’intégration sociale. Avec chaque bataille morale successive, que cela ait été contre l’esclavage, l’apartheid, le racisme, la discrimination à l’égard des femmes ou le nationalisme, l’humanité a démantelé des obstacles à l’intégration sociale pour les remplacer par autant d’autres piliers destinés à ériger un monde plus juste. La communauté internationale bahaïe tient à saisir cette occasion pour tracer des lignes de conduite que pourraient adopter la Commission, les gouvernements et la société civile pour mieux protéger la liberté de conscience, de religion ou de conviction et ainsi assurer l’intégration sociale.

Toute stratégie à long terme visant à permettre de mieux cerner cette liberté doit être sous-tendue par des efforts visant à promouvoir l’alphabétisation et l’éducation car des femmes, des hommes et des enfants qui savent lire leurs propres Écritures et celles d’autres religions ou convictions, qui sont libres de les remettre en question et d’en discuter, et qui peuvent contribuer à créer et à appliquer des connaissances seront mieux armés contre les forces de l’ignorance et du fanatisme. Les Principes directeurs de Tolède sur l’enseignement relatif aux religions et aux convictions dans les écoles publiques 6 , initiative de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, constituent un exemple récent d’efforts visant à donner une meilleure idée du rôle des religions dans le monde pluraliste. La compréhension ne suffira certes pas, à elle toute seule, à assurer un plus grand respect, mais son absence est, sans nul doute, à l’origine de bien des conflits et de bien des stéréotypes. Les Principes directeurs ne préconisent pas de programmes particuliers en tant que tels, mais montrent plutôt comment concevoir et mettre en œuvre des programmes qui traitent des religions et convictions, de manière juste et équilibrée.

Une autre initiative concrète émane du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, où le Gouvernement, suite à un récent rapport de sa Commission sur l’intégration et la cohésion, a lancé un plan de lutte contre les tensions communautaires. Il prévoit notamment un processus de consultation visant à définir une stratégie de nature à favoriser l’instauration de véritables relations entre les membres des différentes communautés religieuses et entre les communautés religieuses et la société civile dans son ensemble 7 . Ce ne sont là que deux exemples d’initiatives parmi tant d’autres qui germent au sein de communautés et de nations à travers le monde. On peut déceler un esprit d’expérimentation à mesure que communautés et institutions lancent des initiatives de rapprochement, mues par undésir de se connaître, de se comprendre et de se rattacher les unes aux autres. À mesure que leurs moyens, leurs effets et leur importance croîtront, ces actions contribueront à dynamiser le process us d’apprentissage qui sous-tend les efforts d’intégration sociale.

Nous formulons les recommandations suivantes qui devraient pouvoir aider à faire progresser la liberté de conscience, de religion ou de conviction en la mettant au service de l’intégration sociale :

  • La Commission du développement social doit reconnaître le rôle que joue la liberté de conscience, de religion ou de conviction dans le développement social et dans la création de sociétés justes et équitables;
  • L’Organisation des Nations Unies et les parties intéressées doivent étudier les liens entre la liberté de conscience, de religion ou de conviction et les divers aspects du développement social, liés notamment à l’égalité des sexes, à la pauvreté, à l’éducation, à la production de connaissances et aux structures socioéconomiques, sans pour autant s’y limiter;
  • Les gouvernements doivent prier le Secrétaire général de leur établir un rapport sur la question susmentionnée. Ce rapport pourrait, entre autres, examiner les effets que les entraves à cette liberté ont notamment sur des groupes vulnérables, comme les femmes, les enfants, les réfugiés, les minorités et les travailleurs migrants, pour mieux comprendre la manière dont cela crée d’autres obstacles à leur intégration sociale;
  • Les gouvernements doivent définir, en collaboration avec la société civile, une stratégie visant à favoriser des consultations locales ou régionales sur ce thème, de manière à mieux faire prendre conscience de cette liberté et d’influer sur les politiques à suivre;
  • Les gouvernements doivent établir des critères d’enseignement des religions et des convictions dans les écoles publiques;
  • La Commission pourrait demander au Comité des droits de l’homme de formuler une nouvelle observation au sujet de la liberté de conscience, de religion ou de conviction (comme le prévoit l’article 18 de la Déclarationuniverselle des droits de l’homme). Étant donné les nombreuses questions qui ont été soulevées à propos de cette liberté depuis la première observation faite concernant ce droit en 1993 8 (par exemple, la diffamation des religions, les droits des minorités), il serait utile d’avoir plus de précisions juridiques sur ce droit.

10. La liberté individuelle de conscience, de religion et de conviction est au cœur du développement humain et des efforts de création d’une société juste et harmonieuse. La tâche collective de renforcement de l’intégration et de la cohésion est inimaginable tant qu’une part importante de la population mondiale n’est pas libre de participer à l’exploration et au débat, à l’appel de leur conscience et de leur intelligence.

 

1 Boyle, K. et Sheen, J. (1997), Freedom of Religion and Belief: World Report. Londres : Routledge.

2 Marshall, P. A. (éd.) (2008), Religious Freedom in the World. Plymouth, Royaume-Uni : Rowman and Littlefield Publishers.

3 Nations Unies, Sommet mondial pour le développement social (1995). Rapport du Sommet mondial pour le développement social. URL : http://www.un.org/esa/socdev/wssd/ agreements.html.

4 PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) (2004). Rapport mondial sur le développement humain, 2004 : la liberté culturelle dans un monde diversifié. New York : Oxford University Press.

5 PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement), Fonds arabe pour le développement économique et social, et Programme arabe du Golfe pour les organismes de développement des Nations Unies (2005). Rapport arabe sur le développement humain 2004 : vers la liberté dans le monde arabe. New York : publication des Nations Unies.

6 Le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe [BIDDH/OSCE (2007)]. Principes directeurs de Tolède sur l’enseignement relatif aux religions et aux convictions dans les écoles publiques. Varsovie (Pologne), Bureau des institutions démocratiques des droits de l’homme de l’OSCE.

7 Department for Communities and Local Government (2008), Face to Face and Side by Side: A Framework for Partnership in our Multi Faith Society (Face à face et côte à côte : cadre de partenariat dans une société multiconfessionnelle), Londres (Royaume-Uni).

8 Comité des droits de l’homme, observation générale no 22, art. 18 (1994). Document des Nations Unies HRI/GEN/1/Rev.1 à 35.

Saisir l’occasion de redéfinir le défi du changement climatique

Saisir l’occasion de redéfinir le défi du changement climatique

Premiers éléments de réflexion de la Communauté internationale baha'ie

Poznan, Pologne—1 December 2008

Le débat sur le changement climatique, jadis réservé aux scientifiques et aux négociateurs, est devenu un élément essentiel des débats informés sur l’orientation future des affaires de l’humanité. Des évaluations dignes de foi soutiennent que le changement climatique [1] est « sans équivoque » et directement lié à l’activité humaine[2]; qu’il constitue « le plus important échec du marché jamais connu [3] [traduction] » et représente « le principal défi du XXIe siècle dans le domaine du développement humain[4] ». Ces affirmations ont capté l’attention des gouvernements comme des citoyens[5]. Pourtant, la recherche de solutions au changement climatique a mis en évidence les limites des approches technologiques et politiques traditionnelles et soulevé des questions difficiles sur la justice, l’équité, les responsabilités et les obligations. Le débat sur ces questions, auquel participent les collectivités et les décideurs partout dans le monde, nous offre une occasion extraordinaire : la possibilité de franchir une étape supplémentaire dans la transition entre un mode d’interaction entre nations axé sur l’État et un autre basé sur l’unité qui nous lie en tant qu’habitants d’une même biosphère, en tant que citoyens d’un même monde et membres d’une même civilisation. La nature de cette étape, sa portée et les moyens à prendre pour la franchir sont le sujet de la contribution de la Communauté internationale baha'ie aux efforts faits pour définir un nouveau parcours permettant de surmonter le problème du changement climatique.

Des décennies de recherche, de militantisme et d’élaboration de politiques ont établi une solide base scientifique pour l’intervention dans le domaine du changement climatique; elles ont sensibilisé le public et fourni des normes et des principes qui jalonnent le processus décisionnel. Sur cette base, les gouvernements du monde ont entrepris un important effort de négociation visant à tracer la voie vers une action coopérative sur la question du changement climatique[6]. Les négociations se concentrent sur une vision commune d’action coopérative à long terme et d’objectif mondial de réduction des émissions, objectif qui doit être atteint grâce à l’atténuation des impacts du changement climatique, à l’adaptation à ses conséquences et à la mobilisation des ressources technologiques et financières. Ce processus cherche à préparer le terrain à une entente sur les résultats visés qui doivent être énoncés à la conférence de 2009 des Nations Unies sur le changement climatique[7]. Les négociations qui se dérouleront en vue d’établir les règles et les mécanismes devant déterminer comment les gouvernements viendront en aide aux pays vulnérables et comment ils affronteront ce problème mondial, mettront à l’épreuve la détermination de la communauté internationale à aborder de façon équitable et globale la menace commune du changement climatique.

Pourtant, l’impact destructeur du changement climatique ‑ que les extrêmes de richesse et de pauvreté viennent exacerber – met en évidence un besoin d’approches nouvelles centrées sur les principes de justice et d’équité. Un débat dynamique et vigoureux sur les dimensions éthiques[8] du changement climatique a mis en évidence le rôle d’une recherche éthique visant à surmonter certains des problèmes les plus difficiles liés aux questions de fonds et de processus[9]. Les questions fondamentales qu’il cherche à aborder incluent : Qui est responsable des conséquences du changement climatique? Qui devrait en payer les dommages? Comment déterminer les niveaux cibles de concentration atmosphérique de gaz à effet de serre? Comment procéder pour garantir une représentation équitable au sein du processus de prise de décision? Et si les pays ont la responsabilité de réduire les émissions de gaz à effet de serre, comment déléguer ces responsabilités aux divers services gouvernementaux, aux organisations, aux citoyens et aux intervenants non gouvernementaux[10]? Le défi auquel se trouve confrontée la communauté mondiale n’est donc pas seulement technique : il est aussi d’ordre moral et nécessitera une transformation de la pensée et du comportement, afin que nos structures économiques et sociales permettent à tous de bénéficier du développement.

Dans l’espoir de contribuer à ce débat important, nous avançons que le principe de l’unicité de l’humanité doit devenir le principe fondamental de la vie entre nations. Ce principe ne cherche ni à saper l’autonomie nationale ni à supprimer la diversité culturelle ou intellectuelle. Au contraire, il permet de voir le problème du changement climatique dans une nouvelle optique, grâce à laquelle on perçoit l’humanité comme un tout uni, telles les cellules du corps humain, différenciées à l’infini sur les plans de la forme et de la fonction et pourtant unies dans un dessein commun qui dépasse celui de ses composants. Ce principe constitue plus qu’un appel à la coopération; il cherche à corriger les modèles d’interaction humaine injustes et périmés de façon à refléter les liens qui nous unissent en tant que membres d’une seule espèce humaine. Un examen sérieux du rôle de ce principe dans les relations internationales ne devrait pas être perçu comme un exercice abstrait; si on souhaite parvenir à une éthique cohérente pour résoudre la crise du changement climatique, c’est précisément ce niveau d’analyse qu’il faut entreprendre et ce niveau d’engagement qu’il faut obtenir. Un tel principe devra s’enraciner dans la conscience individuelle si on veut transformer une communauté mondiale dont les membres sont motivés par des visées essentiellement économiques et utilitaires en une communauté où la responsabilité de la prospérité de toutes les nations sera partagée. Cette façon de voir nous force à admettre qu’il existe des objectifs humains plus vastes, subsumant changement climatique, élimination de la pauvreté, égalité des sexes, développement, etc. et faisant appel à un mode d’utilisation des ressources humaines et naturelles qui favorise le progrès et le bien-être de tous.

Notre réaction devant le changement climatique exigera de profonds changements de la part de l’individu, de la communauté et des nations du monde, que viendront guider des progrès continuels dans les domaines de la science, de la technologie, de l’économique et des politiques. En plus des processus de changement déjà en cours, nous examinons certains moyens concrets d’opérationnaliser le principe de l’unicité de l’humanité aux échelons mentionnés plus haut, afin de promouvoir des solutions mieux intégrées et plus justes au défi qui nous attend et de générer le soutien et les capacités intellectuelles qui nous permettront de les trouver.

À l’échelon individuel : le rôle des enfants et des jeunes

L’acquisition de valeurs, d’attitudes et de compétences qui engendreront une forme d’interaction équitable et durable avec l’environnement constitue une composante essentielle de la solution au problème du changement climatique. La participation des enfants et des jeunes sera particulièrement importante puisque c’est cette population qui, au cours des prochaines décennies, devra faire face aux problèmes graves et complexes du changement climatique, et les gérer. C’est à un jeune âge que les mentalités et les habitudes peuvent le mieux être développées. L’importance de l’éducation et de la sensibilisation du public a été soulignée par la CCNUCC [11], ainsi que par la Décennie des Nations Unies pour l’éducation au service du développement durable (de 2005 à 2014), pendant laquelle on s’emploie à intégrer « les principes, les valeurs et les pratiques indissociablement liés au développement durable à toutes les formes d’éducation et d’apprentissage[12] ».

Concrètement, cela signifie que les filles et les garçons doivent avoir accès aux mêmes programmes scolaires et que l’on doit accorder la priorité aux filles qui, un jour, seront appelées à éduquer les générations futures. Le programme éducatif lui-même doit chercher à développer chez les enfants la capacité de penser en fonction de systèmes, de processus et de relations plutôt qu’en fonction de disciplines isolées. En effet, le problème du changement climatique a démontré de manière percutante le besoin d’approches intégrées et systémiques. Il faut aussi donner aux étudiants les compétences concrètes qui leur permettront de traduire leurs connaissances en actions. Pour ce faire, on peut, d’une part, intégrer un élément de service collectif au programme éducatif, aidant ainsi les étudiants à développer la capacité d’entreprendre des projets, d’inciter les autres à l’action, de participer à un processus collectif de prise de décision et, d’autre part, cultiver chez eux un sentiment de dignité et de valeur personnelle. Dans l’ensemble, le programme éducatif devrait viser à intégrer des facteurs théoriques et pratiques et à lier la notion de progrès individuel à celle de service à la collectivité[13].

À l’échelon communautaire : promouvoir l’égalité des sexes et encourager le dialogue entre la science et la religion

C’est à la communauté qu’incombe le défi de fournir un milieu où la prise de décision peut se faire de manière pacifique et où les capacités individuelles peuvent être canalisées dans des actions collectives. Partout dans le monde, parmi les problèmes sociaux les plus généralisés figure la marginalisation des filles et des femmes ‑ une condition que les conséquences du changement climatique viennent exacerber. Partout les femmes sont en grande partie responsables de l’approvisionnement en nourriture, en eau et en énergie pour la cuisson et le chauffage. La rareté des ressources que provoque le changement climatique alourdit le fardeau des femmes et leur laisse moins de temps pour toucher un revenu, fréquenter l’école ou s’occuper de leur famille. De plus, les désastres naturels ont des conséquences plus graves pour les femmes, étant donné qu’elles ont un accès limité à l’information et aux ressources et que, dans certains cas, elles ne savent ni nager ni conduire, ou ne peuvent même pas quitter la maison seules. Il serait toutefois erroné de considérer les femmes comme des victimes ou simplement comme des membres de la société qui disposent de ressources limitées. En fait, dans l’effort mondial visant à surmonter les difficultés qu’engendre le changement climatique, elles pourraient bien représenter la plus importante ressource inexploitée. Les responsabilités qu’elles exercent au sein des familles et des communautés, et en tant qu’agricultrices et gestionnaires des ressources naturelles, les placent dans une position unique pour mettre au point des stratégies d’adaptation aux conditions environnementales changeantes. Les connaissances et besoins particuliers des femmes complémentent ceux des hommes et doivent être dûment pris en considération dans tous les domaines de prise de décision communautaire. C’est de l’interrelation et de la consultation qu’émergeront les stratégies les plus efficaces d’atténuation et d’adaptation.

À la lumière de cette réalité, l’Organisation des Nations Unies doit accorder une plus grande attention à la dimension hommes-femmes du changement climatique. Aucun des principaux cadres scientifique et légal qui orientent les négociations sur le changement climatique ‑ la CCNUCC et le rapport de synthèse du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ‑ ne fait référence à la problématique hommes-femmes. Pour commencer à corriger cette situation, nous demandons aux Nations Unies et aux États membres d’inclure la dimension des rapports hommes-femmes dans leur réaction au changement climatique et dans leurs négociations actuelles et futures d’ententes sur le changement climatique. Comme point de départ, on pourrait renforcer l’analyse de cette dimension en invitant des experts sur les rapports hommes-femmes à se joindre aux délégations de la CCNUCC et en incluant un volet « rapports hommes-femmes » dans les rapports nationaux soumis à la CCNUCC. Les efforts en vue d’accorder à cette dimension cruciale du changement climatique l’attention qu’elle mérite ne peuvent toutefois pas se limiter à des mesures ponctuelles. Au contraire, des efforts supplémentaires doivent venir les appuyer, afin de permettre aux femmes de se faire entendre clairement dans tous les domaines d’activité humaine, de manière à créer les conditions sociales propices à une collaboration et à une innovation optimales[14].

En raison de leur extraordinaire capacité de mobiliser l’opinion publique et d’atteindre les communautés les plus isolées partout dans le monde, les communautés confessionnelles et leurs dirigeants ont un rôle important et incontournable à jouer dans le domaine du changement climatique. Par plusieurs moyens, un nombre croissant de communautés confessionnelles prêtent régulièrement leur voix et leurs ressources à divers efforts visant à atténuer les effets du changement climatique et à s’y adapter : elles éduquent leurs membres, fournissent un fondement scriptural aux initiatives éthiques, et dirigent des efforts entrepris aux échelons national et international ou y participent[15]. Toutefois, ce rôle doit désormais s’inscrire dans le contexte de nouveaux échanges, d’un rapprochement entre le discours de la science et celui de la religion. Il est temps de réexaminer sérieusement la dichotomie profondément enracinée qui existe entre ces deux systèmes de connaissance. Ils sont tous deux essentiels à la mobilisation et à l’orientation des énergies humaines en vue de résoudre le problème auquel nous sommes confrontés : les méthodes de la science favorisent une approche plus objective et systématique de la résolution des problèmes, alors que la religion s’intéresse aux dispositions morales qui nous motivent à agir pour le bien commun. À une époque en mal de justice et d’égalité, les doctrines religieuses devront être soigneusement examinées. Celles qui encouragent l’exclusion sociale, la passivité et l’inégalité entre les sexes ne réussiront pas à mobiliser les populations du monde, tandis que les qualités de justice, de compassion, de loyauté, d’humilité et de générosité, communes à toutes les traditions religieuses, deviendront encore plus essentielles à l’établissement de modèles progressistes de vie communautaire.

Aux échelons national et international : établir le fondement de l’action coopérative

À la base, les gouvernements ont la responsabilité de respecter leurs engagements explicites et la primauté du droit. Ce niveau d’engagement est essentiel au développement de la confiance et à l’élaboration de nouvelles relations entre nations, et ce, particulièrement au moment où les gouvernements entreprennent la négociation d’un nouvel accord mondial sur le changement climatique. L’attention portée à l’intégrité du processus de négociation lui-même constitue une autre mesure importante visant à bâtir la confiance. Les négociations doivent s’assurer d’inclure toutes les parties intéressées ‑ aussi bien les économies industrialisées préoccupées par les questions d’atténuation que les économies en voie de développement qui, elles, s’intéressent surtout aux questions d’adaptation.

Bien qu’on reconnaisse que toute politique efficace sur le changement climatique doit adopter un point de vue mondial, même cet élargissement de la sphère de responsabilités n’a pas suffisamment incité les gouvernements à passer à l’action. Ce point de vue doit désormais évoluer afin de refléter l’interdépendance fondamentale et la destinée commune des membres de l’humanité qui, trop longtemps, a dû combattre une vision du monde qui valorisait la souveraineté, l’hégémonie et la compétition. Les efforts en vue de reconceptualiser la souveraineté, la faisant passer de droit absolu à responsabilité, indiquent qu’un changement de perception favorisant une plus grande solidarité mondiale est déjà amorcé[16]. Assurément, aucun pays ne peut seul résoudre le problème du changement climatique, qui exigera l’entière coopération de toutes les nations, chacune selon ses moyens.

Les gouvernements sont maintenant appelés à conclure une entente à la mesure du problème auquel ils font face, et qui satisfasse les besoins des sociétés les plus vulnérables aux impacts du changement climatique. Cette entente doit mettre en place les structures institutionnelles requises [17] ainsi que les mécanismes internationaux capables de mobiliser les ressources financières et d’accélérer l’innovation nécessaire à assurer la transition vers une société à faible émission de dioxyde de carbone. Les pays les plus développés économiquement doivent démontrer un leadership qui corresponde à leur responsabilité historique et à leur potentiel économique, et s’engager à réduire leurs émissions de manière significative. Quant aux pays en voie de développement, leur contribution devra refléter une volonté de choisir des voies de développement qui respectent davantage l’environnement, et ce, selon leurs capacités et leurs aspirations en matière de développement. L’heure est venue, pour les dirigeants dans tous les domaines d’activité, de se servir de leur influence pour trouver des solutions qui permettront à l’humanité de s’attaquer à ce problème et, ce faisant, de tracer un parcours durable vers la prospérité mondiale.

On a beaucoup parlé du besoin de coopération pour résoudre le problème climatique, que nul pays ni nulle communauté ne peuvent résoudre seuls. Le principe de l’unité de l’humanité que présente cet énoncé ne se limite pas à des notions utilitaires de coopération; il explore plutôt comment permettre aux citoyens, aux communautés et aux pays de lier leurs aspirations à celles de l’humanité dans son ensemble et à son progrès. Concrètement, ce principe affirme que les intérêts individuels et nationaux sont mieux servis quand ils s’accordent avec les besoins de l’ensemble. La convergence des enfants, des femmes, des hommes, des communautés confessionnelles et scientifiques vers cette réalité permettra d’aller au delà d’une réaction collective à la crise du changement climatique. Elle marquera la venue d’un nouveau paradigme devant permettre de comprendre notre objectif et nos responsabilités dans un monde d’interdépendance, d’un nouvel étalon pour mesurer le progrès humain, et d’une gouvernance respectueuse des liens qui nous unissent en tant que membres d’une seule espèce humaine.



[1] Le changement climatique, tel que défini par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), fait référence à « une variation de l’état du climat que l’on peut déceler (par exemple au moyen de tests statistiques) par des modifications de la moyenne et/ou de la variabilité de ses propriétés et qui persiste pendant une longue période, généralement pendant des décennies ou plus. Il se rapporte à tout changement du climat dans le temps, qu’il soit dû à la variabilité naturelle ou à l’activité humaine ». (Équipe de rédaction principale du GIEC, Pachauri R. K. et Reisinger, A., Changements climatiques 2007 ‑ Rapport de synthèse, Un rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, Genève, GIEC, 2007, 103 p.) La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) définit les changements climatiques comme « des changements de climat qui sont attribués directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de l’atmosphère mondiale ». (Nations Unies, Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, FCCC/INFORMAL/84 GE.05-62221 (F) 180705 260705, 1992.)
[2]Changements climatiques 2007 ‑ Rapport de synthèse. Voir la note 1.
[3] Stern, N., The Economics of Climate Change, The Stern Review, Cambridge et New York, Cambridge University Press, 2007, 712 p.
[4] PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement). Rapport mondial sur le développement humain 2007/2008, La lutte contre le changement climatique : un impératif de solidarité humaine dans un monde divisé, Paris, Éditions La Découverte, 2007, 382 p. Le rapport indique que les conséquences d’une augmentation de la température mondiale de 2C ou plus incluraient, entre autres, des inondations côtières affectant de 180 à 230 millions de personnes; des difficultés d’approvisionnement en eau pour 1,8 milliard de personnes et un risque d’exposition au paludisme pour entre 220 et 400 millions de personnes.
 
[5] On se souviendra de l’année 2007 comme de celle pendant laquelle la question du changement climatique a été définitivement inscrite au programme des discussions internationales. Cette même année, le prix Nobel de la paix a été décerné conjointement à Al Gore et au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat; le Conseil de sécurité des Nations Unies a tenu son premier débat sur les conséquences du changement climatique sur la paix et la sécurité; le secrétaire général des Nations Unies a convoqué une réunion de haut niveau pour les chefs d’État et les représentants de gouvernements du plus haut niveau, afin de créer un certain mouvement en préparation à la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique en 2007, qui devait rassembler les représentants de 150 pays membres et tracer le parcours du processus de négociations sur la question du changement climatique. 
[6] À la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique en 2007, les pays participants ont arrêté certaines décisions collectivement désignées par le nom « La feuille de route de Bali ». Ces décisions établissaient un processus de négociations détaillé pour une mise en œuvre complète de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). La feuille de route traitait aussi des négociations sur d’autres engagements du protocole de Kyoto pour la période suivant 2012, et fixait un terme pour les deux processus, soit la Conférence sur le changement climatique de Copenhague à la fin de 2009.
[7] La conférence est organisée par la CCNUCC (voir la note 6) et aura lieu à Copenhague du 30 novembre au 11 décembre 2009. Ses objectifs seront de conclure les négociations d’un accord mondial sur le climat et de fixer des objectifs chiffrés de réduction d’émissions pour les pays industrialisés au delà de 2012 (alors que se terminera la période des premiers engagements du protocole de Kyoto). Le protocole de Kyoto est un traité international lié à la CCNUCC et ayant force obligatoire pour les parties. Pour 37 pays industrialisés et la Communauté européenne, il fixe à une moyenne de 5 p. 100 des niveaux de 1990 les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour la période 2008 à 2012. (Nations Unies, Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, 1998)
[8] L’éthique est la branche de la philosophie qui s’intéresse aux principes moraux, aux normes de comportement, aux notions de bien et de mal ainsi qu’aux motifs et conséquences des actions des êtres humains.
[9]La CCNUCC (voir la note 1) a commencé à opérationnaliser une approche éthique de la question du changement climatique en présentant certains principes destinés à guider les actions des États parties afin de réaliser l’objectif de la Convention. Ces principes stipulent notamment qu’on doit porter attention aux besoins spécifiques des pays en voie de développement, et adopter des mesures préventives ainsi que le principe des responsabilités communes mais différenciées.
[10] On peut trouver une analyse des dimensions éthiques du changement climatique dans Brown D. et coll., The White Paper on the Ethical Dimensions of Climate Change, le Programme collaboratif sur les dimensions éthiques du changement climatique, Rock Ethics Institute, Université Penn State, State College, Pennsylvanie.
[11] L’article 6 de la CCNUCC (voir la note 1), intitulé « Éducation, formation et sensibilisation du public », affirme que les Parties doivent s’engager à « L’élaboration et l’application de programmes d’éducation et de sensibilisation du public sur les changements climatiques et leurs effets; l’accès public aux informations concernant les changements climatiques et leurs effets [...] ».
 
[12]En décembre 2002, l’Assemblée générale des Nations Unies a décidé de lancer la Décennie des Nations Unies pour l’éducation au service du développement durable (de 2005 à 2014)et confié à l’UNESCO (l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture) le rôle de chef de file. L’effort fait pendant cette décennie a pour but d’encourager des changements de comportement dans le but de créer un avenir plus durable sur le plan de l’intégrité environnementale et de la viabilité économique, et d’établir une société équitable pour le bénéfice des générations actuelles et futures. L’éducation pour le développement durable implique qu’on apprenne à respecter, à apprécier et à préserver les accomplissements antérieurs; à apprécier les merveilles et les peuples de la terre; à vivre dans un monde où tous ont suffisamment à manger et accès à une vie saine et productive; à évaluer l’état de notre planète, à en prendre soin et à la restaurer; à bâtir un monde meilleur, plus sécuritaire et plus équitable, et à en bénéficier; et à être des citoyens plus attentifs aux autres, qui jouissent de leurs droits et assument leurs responsabilités aux échelles locale, nationale et mondiale. (Assemblée générale de l’ONU, 59e session. Décennie des Nations Unies pour l’éducation au service du développement durable. Document de l’ONU A/Res/59/237. 24 février 2005.) 
[13] La Communauté internationale baha'ie a vigoureusement fait la promotion du thème de la citoyenneté mondiale en tant que fondement éthique pour un développement durable, dans l’optique où seul un profond sentiment de responsabilité envers le bien-être de l’humanité pourrait convaincre la société civile et les gouvernements d’affecter les ressources nécessaires à la réalisation du développement durable. (La Communauté internationale baha'ie, La citoyenneté mondiale : une éthique universelle pour le développement, New York, 1993.)
[14] À ce sujet, l’Organisation des Nations Unies doit travailler à renforcer ses mécanismes relatifs à l’égalité des sexes en leur accordant plus de pouvoir, d’autorité et de ressources pour la protection des droits essentiels des femmes et la promotion de l’égalité des sexes et du renforcement de l’autonomie des femmes.
[15] Bien qu’on ne puisse nier que la puissante influence de la religion est parfois utilisée à des fins néfastes, dans le contexte de la crise climatique, de nombreux groupes religieux se sont levés pour faire appel à la compassion de leurs membres et aux valeurs qui transcendent l’intérêt personnel. On peut consulter une étude du rôle de la religion dans la résolution du changement climatique dans Posas P.J., Roles of Religion and Ethics in Addressing Climate Change, dans : Ethics in Science and Environmental Politics, vol. 2007, p. 31-49. 
[16] La doctrine de La responsabilité de protéger oblige les États puis la communauté internationale à prévenir les actes de violence inadmissibles et à y mettre fin, peu importe où ils sont perpétrés. La doctrine comporte deux éléments complémentaires, essentiels de part et d’autre de l’intervention : « la responsabilité de prévenir » et « la responsabilité de reconstruire ». (Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États (CIISE), La responsabilité de protéger, Ottawa, Centre de recherche pour le développement international, décembre 2001.) La doctrine réfute l’assertion de longue date de la Charte des Nations Unies voulant qu’elle ne soit pas autorisée à « intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État ». La doctrine a été approuvée par les États membres de l’ONU lors du sommet mondial de 2005 et a, par la suite, été sanctionnée par le Conseil de sécurité de l’ONU.
[17] Nous ne savons pas quelle forme prendront les structures administratives futures, mais il apparaît de plus en plus clair qu’elles devront concilier le besoin de gérer les ressources de la planète à un échelon mondial avec le droit souverain des États d’exploiter leurs propres ressources selon leurs priorités de développement. Le rapport du secrétaire général intitulé « Unis dans l’action » a formulé plusieurs recommandations visant à renforcer la réaction des Nations Unies devant le changement climatique. (Organisation des Nations Unies, Groupe de haut niveau du secrétaire général sur la cohérence de l’action du système des Nations Unies dans les domaines du développement, de l’aide humanitaire et de la protection de l’environnement, Unis dans l’action, 9 novembre 2006.) Pour élargir les fondements d’une entente, il sera utile de décrire clairement les principales fonctions qui incomberont aux futures institutions mondiales pour réaliser efficacement les objectifs de réduction des effets du changement climatique et d’adaptation à ses conséquences. Elles devront entre autres aider ceux qui sont les plus vulnérables à affronter les problèmes du changement climatique; affecter des ressources financières adéquates; favoriser une réponse internationale aux chocs climatiques dans des délais raisonnables; superviser les mécanismes de responsabilité et de communication; fournir les cadres légaux; gérer les ressources de la terre et s’assurer que tous y ont accès également; et intégrer la législation sur l’environnement dans les autres programmes de développement social.

Eliminer la pauvreté: Avancer tous ensemble

Eliminer la pauvreté: Avancer tous ensemble

La déclaration de la Communauté internationale baha'ie sur la pauvreté

New York—14 February 2008

Première partie

La Communauté internationale a enfin donné à la crise mondiale de la pauvreté un haut niveau de priorité sur son ordre du jour. Ce développement encourageant a généré un grand nombre de discussions et de recherches afin d’identifier des moyens pour éliminer cette condition insupportable de la vie humaine. Alors que les gouvernements continuent à promettre d’agir, que les théories classiques et les approches conventionnelles ont échoué à supprimer les préjugés tenaces, les conflits et l’exploitation, l’entreprise mondiale d’élimination de la pauvreté semble à la dérive. Dans le même temps, un optimisme sensible émerge de l’élan généré par la recherche de solutions à ce défi mondial.

Les méthodes d’élimination de la pauvreté ont pendant longtemps été définies principalement en termes de moyens matériels. En effet, le pilier central des efforts de la communauté internationale pour diminuer la pauvreté a été le transfert de ressources financières. Ce sont approximativement 2 300 milliards de dollars américains qui ont été dépensés pour l’aide au développement durant les cinq dernières décennies.[1] Tragiquement, l’aide, loin de conduire à une plus grande indépendance, a souvent eu un effet négatif sur les communautés bénéficiaires : accroissement de la dépendance vis-à-vis de l’aide étrangère, soumission à des priorités dictées de l’extérieur, appropriation abusive de fonds et diminution de la pression en faveur de réformes de gouvernance. Signe d’une volonté marquée de changement, les Nations Unies ont souhaité développer les mécanismes d’assistance et galvaniser le soutien en faveur de la diminution de la pauvreté dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le développement.[2]

Il est maintenant de plus en plus reconnu que la marginalisation des filles et des femmes,[3] l’échec de la gouvernance,[4] l’antipathie ethnique et religieuse,[5] la dégradation de l’environnement[6] et le chômage[7] constituent des obstacles redoutables au progrès et au développement de communautés. Cela met en évidence une crise plus importante, enracinée dans les valeurs et les comportements qui façonnent les relations à tous les niveaux de la société. Dans cette perspective, la pauvreté peut être décrite comme l’absence des ressources éthiques, sociales et matérielles nécessaires au développement des capacités morales, intellectuelles et sociales des individus, des communautés et des institutions. Ainsi, une approche morale, la prise de décision collective et l’absence de racisme sont, par exemple, des facteurs essentiels pour diminuer la pauvreté. Ces éléments doivent imprégner la pensée de l’individu ainsi que les démarches institutionnelles et le développement des politiques. En clair, l’objectif à portée de main n’est pas seulement de supprimer les problèmes de la pauvreté mais d’engager l’humanité dans la construction d’un ordre mondial juste.

Les individus et les institutions doivent travailler en tandem afin d’assumer cette tâche. L’un des objectifs de la diminution de la pauvreté est centré sur l’individu : il doit être aidé à retrouver sa dignité et l’estime de soi, il doit être encouragé à prendre confiance pour améliorer sa condition et s’efforcer de réaliser son potentiel. Au-delà de l’accomplissement de son bien-être personnel, il doit être assisté afin de devenir une source de bien social – de paix, de bonheur et de bénéfice pour ceux qui l’entourent. La plus haute expression de notre humanité est le service aux autres. Le deuxième objectif est centré sur les institutions : à chaque niveau de la société, elles doivent servir de canaux au travers desquels les talents et les énergies des individus peuvent être exploités au service de l’humanité. Les ressources qui aident à développer cette capacité individuelle et institutionnelle représentent une véritable source de richesse pour la communauté.

Tout comme les principes physiques qui gouvernent le monde matériel, le monde social est aussi gouverné par des principes moraux qui fondent le fonctionnement d’une société ordonnée. Les principes tels que l’égalité des sexes,[8] la confiance en autrui,[9] l’accès à l’éducation, les droits de l’Homme et la liberté religieuse,[10] tendent à coïncider positivement avec le bien-être socioéconomique et la stabilité. Le caractère interdépendant des défis créés par la pauvreté nécessite d’articuler des principes permettant de guider l’analyse et la prise de décision et de développer des indicateurs permettant de mesurer le progrès. Le principal mérite d’un processus fondé sur des principes est de permettre aux individus et aux institutions d’aborder les problèmes dans une perspective systémique et de long terme en se détournant des problèmes isolés et de court terme. Afin qu’une décision génère l’approbation et produise des résultats, l’intégrité du processus de prise de décision doit être garantie : les personnes directement affectées doivent être impliquées et le processus doit être transparent, fondé sur des standards éthiques préalablement acceptés.

C’est dans ce contexte que la Communauté internationale baha'ie souhaiterait présenter deux principes pour guider les efforts destinés à réduire la pauvreté : la justice et l’unité. Ces principes fondent une vision du développement dans laquelle le progrès matériel sert de véhicule à l’avancement moral et culturel de l’humanité. La justice fournit les moyens permettant d’exploiter le potentiel humain pour éliminer la pauvreté parmi nous, au moyen de l’application de lois, de l’ajustement des systèmes économiques, de la redistribution des richesses et des opportunités, et de l’adhésion totale aux standards éthiques les plus élevés dans la vie privée et publique. L’unité assure un progrès systémique et relationnel, les efforts pour la réduction de la pauvreté devant être guidés par la préoccupation de l’intégrité de la cellule familiale et des communautés locales, nationales et mondiales.

Deuxième Partie

La gouvernance

Le problème de la pauvreté fait reposer une responsabilité particulière sur les responsables élus et leurs gouvernements. Alors que certains ont prétendu que la pauvreté entraîne une mauvaise gouvernance, l’inverse est souvent vérifié : une meilleure gouvernance conduit à de meilleurs résultats en matière de développement.[11] Au centre du problème de la gouvernance se trouve l’inévitable question du caractère – en effet, les valeurs qu’un responsable apporte à sa fonction définissent largement l’orientation et les résultats de son travail. La confiance est absolument primordiale, car elle accroit la crédibilité envers le public et envers les autres responsables, favorise le soutien pour les initiatives gouvernementales et engendre la stabilité et la sécurité. Des responsables efficaces doivent non seulement faire preuve d’une éthique irréprochable, mais également travailler à renforcer le caractère des institutions économiques, sociales, judiciaires et éducatives de la nation, pour améliorer le cadre légal et pour gérer efficacement des ressources insuffisantes. S’agissant des aspects financiers, ils doivent se satisfaire d’une rémunération légitime et modeste. Tandis que les enjeux politiques sont de plus en plus globaux, les dirigeants élus doivent avoir la vision et le courage d’aligner progressivement les intérêts nationaux avec les exigences de la communauté mondiale en pleine évolution.

La justice et les droits de l’Homme

Les efforts des Nations Unies dans le but de rattacher les efforts pour l’éradication de la pauvreté à des normes internationales des droits de l’Homme est un pas positif pour aligner le travail des gouvernements avec les principes de justice. Notre héritage commun de droits de l’Homme englobant les droits de l’individu et de la famille, la liberté de savoir et de croire, l’égalité des hommes et des femmes, l’égalité indépendamment des origines, le droit au travail et à l’éducation, entre autres,  incarnent le plus important accomplissement moral de la race humaine. Les droits de l’Homme, comme reconnus par la majorité des gouvernements du monde, doivent maintenant entrer dans la culture sociale et juridique et être systématiquement incorporés dans la législation nationale. Ils doivent être traduits dans toutes les langues et rendus accessibles au travers des médias et des institutions d’enseignement. Ainsi, les normes des droits de l’homme peuvent venir remplacer les systèmes légaux défectueux caractérisés par l’application de lois oppressives et arbitraires, imposées à des gens n’ayant pas connaissance de leurs droits et incapables d’exprimer leurs besoins.

La responsabilité individuelle

Une large part de la responsabilité pour la suppression de la pauvreté repose sur l’individu lui-même. Alors que la pauvreté est le produit de nombreux facteurs : historiques, économiques, politiques et environnementaux, une dimension culturelle se manifeste également dans les valeurs et les comportements de l’individu. Quelques-uns de ces facteurs – tels que l’asservissement des filles et des femmes, l’absence de valeur de l’éducation ou d’un droit individuel au progrès – peuvent aggraver les conditions de la pauvreté. Les qualités humaines telles que l’honnêteté, la volonté de travailler et la coopération peuvent être utilisées pour réaliser des objectifs très ambitieux lorsque les membres de la société ont la confiance d’être protégés par les principes de justice et assurés de l’application égalitaire des prestations sociales. La mise en œuvre d’une approche fondée sur les droits de l’Homme, avec l’accent mis sur un ensemble de droits de l’individu, peut s’avérer difficile sans une influence morale additionnelle, source d’inspiration nécessaire pour accompagner les changements d’attitude et de comportement.

L’égalité entre hommes et femmes

La question de l’égalité entre les hommes et les femmes en est un exemple : durant les deux dernières décennies les nations se sont régulièrement rencontrées pour reconnaître le rôle crucial des femmes dans la promotion des impératifs de développement. Les sciences naturelles et sociales ont éliminé tout fondement de discrimination ; la plupart des pays ont établi des lois pour donner aux femmes les mêmes opportunités qu’aux hommes ; des conventions ont été signées et ratifiées ; de nouvelles mesures et des indicateurs sociaux ont été mis en place. Malgré tout, la représentation des femmes dans les domaines juridiques, politiques, scientifiques, commerciaux et religieux, pour n’en citer que quelques-uns, est très insuffisante. Les domaines dans lesquels les femmes ont obtenu accès à l’éducation, à l’emploi et à des opportunités d’accès à la propriété, des résultats spectaculaires ont été observés à de nombreux niveaux : au niveau de la famille, une répartition plus équitable de la nourriture, des ressources et des soins médicaux pour les filles et les garçons ; des degrés plus élevés d’alphabétisation parmi les enfants ; une fertilité moindre menant à de meilleures conditions économiques et à une meilleure santé des mères ; et l’apparition de nouvelles préoccupations dans le débat public. L’alphabétisation des femmes, à elle seule, a montré qu’elle jouait un rôle bien plus important dans l’augmentation du bien-être social que d’autres variables relatives au niveau général de richesse dans la société.[12] En effet, le bien-être de la famille toute entière a été substantiellement modifié lorsque les conditions socio-économiques et les comportements sociaux se sont montrés favorables à l’avancement des femmes. Pourtant, la transformation progressive des comportements a demandé bien plus que des mesures juridiques, elle a demandé un changement fondamental de mentalité au sujet du rôle des hommes et des femmes et le courage de mettre à l’épreuve les règles traditionnelles.

L’activité économique

Indéniablement, la pauvreté est maintenue par une interaction de facteurs sociaux et matériels. Cette interaction détermine les bénéfices sociaux de ressources matérielles, que ces ressources soient concentrées dans les mains de quelques-uns ou soient équitablement distribuées, qu’elles soient bénéfiques ou néfastes à la société en général. Aujourd’hui, une grande partie de l’activité économique et du contexte institutionnel dans lequel elle prend place n’est pas mue par des considérations de développement durable, d’avancement de la femme, de bien-être de la famille, d’engagement des jeunes, de disponibilité de l’emploi et d’élargissement de la connaissance. Par exemple, les dépenses militaires de plus de 1 000 milliards de dollars[13] et le trafic mondial de drogues représentant plus de 300 millions de dollars[14] excèdent de loin les coûts estimés pour la réalisation des objectifs de développement des Nations Unies dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la formation et du développement du rôle des femmes.[15] Les théories économiques de marché encourageant l’action d’individus centrés sur eux-mêmes n’ont pas aidé l’humanité à échapper ni à la pauvreté extrême ni à la surconsommation. De nouvelles théories économiques adaptées à notre temps doivent être animées par une motivation transcendant le seul profit. Elles doivent être enracinées dans la dimension humaine et sociale de toute activité économique, qui nous unit dans nos familles, dans nos communautés et comme citoyens d’un seul monde. Elles doivent être animées par un esprit d’innovation plutôt que par une imitation aveugle, par l’anoblissement plutôt que par l’exploitation, et par la pleine et confiante participation des femmes.

Les extrêmes de richesse

Les considérations économiques sous-jacentes aux efforts accomplis pour la diminution de la pauvreté ont généralement porté sur la création de richesse mais n’ont pas encore pleinement considéré le problème parallèle de la concentration excessive des richesses. Dans un monde interconnecté, où la fortune de beaucoup des plus riches au monde dépasse le Produit Intérieur Brut de nations entières, l’extrême pauvreté et l’extrême richesse cohabitent. Alors que l’essentiel des efforts curatifs sont centrés sur les plus pauvres, l’attention doit être urgemment portée sur la concentration de richesse dans les mains de quelques uns. En effet, l’énorme richesse générée par les sociétés transnationales pourrait être une partie intégrante de la solution pour contrer la pauvreté au moyen d’une stricte régulation afin d’assurer une bonne citoyenneté mondiale, l’adhésion aux droits de l’Homme et la répartition des richesses au bénéfice de la société en général. Lorsqu’il est question de la richesse d’une nation, l’enjeu porte sur la valeur sociale plutôt que sur la simple mesure d’une valeur en dollars. Le Produit Intérieur Brut, par exemple, regroupe la somme totale du produit de toute l’activité économique – y compris la production d’armes, de cigarettes, etc. – indépendamment de sa valeur sociale ou de son impact environnemental. De nouvelles mesures prenant en compte les polluants et les problèmes économiques et ajoutant des bénéfices non-mesurés et non-rémunérés sont nécessaires pour établir une image plus précise de la santé économique et de la richesse d’une nation.[16]

Le développement durable

Il a été largement admis que l’avènement de la prospérité économique a eu un coût colossal pour notre environnement.[17] En effet, aucun pays n’est devenu l’une des principales puissances industrielles sans laisser en héritage d’importants dégâts environnementaux, affectant la sécurité et le bien-être de sa propre population et, de façon toute aussi importante, ceux des nations en voie de développement. Le paradigme d’une économie basée sur la croissance et centrée sur les intérêts nationaux aux dépens des conditions sociales et environnementales et du bien-être international fait l’objet aujourd’hui d’un examen minutieux. Pour faire face aux questions éthiques relatives à la distribution des ressources et à celles liées aux problèmes de responsabilité, les gouvernements doivent développer des mécanismes institutionnels et mettre en œuvre des politiques qui prennent en compte la prospérité et la santé de la communauté mondiale et celles des générations futures. Au niveau institutionnel, il existe le besoin d’une entité globale dotée d’une forte capacité de conseil dans le domaine scientifique afin d’organiser les processus de reporting et de prise de décision, en prenant en compte les voix des acteurs non gouvernementaux. Cette entité globale doit assurer un lien cohérent entre les questions environnementales et les priorités sociales et économiques, car ces deux aspects ne peuvent se traiter de façon isolée.[18] En ce qui concerne l’éducation, les programmes doivent chercher à développer un sens de responsabilité envers l’environnement et promouvoir un esprit de recherche et d’innovation de façon à ce que la diversité de la connaissance humaine puisse être amenée à relever le défi de la création d’un modèle de développement durable.

L’agriculture

Un élément central d’une stratégie de développement durable est la réforme de la politique et des processus agricoles. La production de nourriture et l’agriculture sont la plus grande source d’emplois, près de 70% des pauvres des pays en voie de développement vivent dans des zones rurales et dépendent de l’agriculture pour vivre.[19] Bien que l’agriculture ait été dévalorisée par l’industrialisation et l’expansion rapide de la population urbaine, elle représente encore la base fondamentale de la vie économique et sociale : la malnutrition et l’absence de sécurité alimentaire condamnent toute tentative de développement et de progrès. Malgré ce rôle essentiel, la pauvreté est souvent concentrée dans les zones rurales. L’endommagement des ressources naturelles, information et infrastructure déficientes entraînent souvent l’insécurité alimentaire, des morts prématurées et des migrations de masse vers les zones urbaines en quête d’une vie meilleure. L’agriculteur doit se voir accorder sa juste place dans le processus de développement et de construction de civilisation : quand les villages seront reconstruits, les villes suivront.

L’emploi

Un travail utile représente une composante essentielle des efforts de diminution de la pauvreté. L’engagement utile des jeunes devient d’autant plus important que les populations urbaines grandissent et, avec elles, le nombre de taudis, la criminalité, la consommation de drogue, le chômage, l’effondrement des structures familiales et l’isolement social. Aujourd’hui, les jeunes entre 15 et 29 ans représentent environ la moitié des adultes dans cent nations économiquement désavantagées.[20] Le manque d’emplois utiles alimente leur désespoir et leur frustration. Toutefois, ce n’est pas seulement la quantité mais également la qualité et l’utilité du travail qui doivent être reconsidérés. Que ce soit de cultiver la terre ou de vendre des produits, le travail de chacun ne devrait pas être réduit à un moyen d’acquérir plus de biens ou comme un coût de production accessoire. Le travail est le moyen de développer ses capacités, de raffiner son caractère et de contribuer au bien-être et au progrès de la société. En effet, le combat contre le chômage doit commencer par l’établissement de la dignité et de la valeur de tout travail humain, même s’il est humble, incertain, non-profitable et non-rémunéré.

La connaissance

L’éducation est un rempart sous-jacent à une participation significative dans l’avancement de la société et dans la réalisation des buts élevés de la civilisation. Alors que beaucoup de programmes d’éradication de la pauvreté ont visé l’augmentation des inscriptions dans l’éducation primaire et secondaire – ce qui constitue la première étape – l’objectif à long terme doit aussi être exprimé : il s’agit de créer une société dans laquelle la production, la diffusion et la mise en pratique de la connaissance se propagent dans tous les domaines de l’activité humaine. Cela demande des interventions à tous les niveaux y compris la mise en place de pratiques d’éducation qui encouragent le questionnement ; l’égalité d’accès à l’éducation pour les garçons et les filles ; le développement de médias indépendants ; la traduction de textes provenant de cultures différentes et la promotion de l’innovation et de la recherche scientifique. Afin d’être libre d’innover, d’imaginer des solutions à des problèmes complexes, l’esprit humain doit être libre de savoir.

La religion

La conception de la connaissance qui est aujourd’hui nécessaire pour guider les efforts en faveur de l’éradication de la pauvreté doit permettre d’appréhender à la fois la pauvreté matérielle et la pauvreté spirituelle. Les ressources matérielles sont essentielles, bien sûr, mais elles ne peuvent à elles seules générer une vision de la pleine mesure de la prospérité humaine ; elles ne peuvent pas apporter de réponses aux questions les plus profondes relatives à la nature humaine ou à la raison de notre existence. De façon plus importante, les dimensions matérielles et techniques seules n’imposeront pas les changements fondamentaux du caractère et de la croyance des hommes, nécessaires pour vaincre les comportements destructeurs qui ont conduit aux conditions actuelles. Elles ne permettront ni de stimuler ni de maintenir la volonté humaine de persévérer, de rechercher l’excellence, de servir humblement, de créer, de rechercher la connaissance, de cultiver la beauté et d’aspirer au bien-être de l’humanité. Contenir la dimension spirituelle et son expression dans les religions du monde ne constitue pas un retour à la superstition et au fanatisme ou encore une quelconque condamnation de la recherche rationnelle. Il s’agit plutôt d’intégrer aux efforts en faveur de l’élimination de la pauvreté, la reconnaissance de toutes les dimensions de la connaissance humaine et la compréhension de la façon dont la pauvreté se manifeste au sein des dimensions matérielles et spirituelles de la vie humaine.

Au travers de nos efforts pour éliminer la pauvreté, nous faisons l’expérience des prémisses d’une véritable civilisation mondiale : de nouveaux modes de pensée, de nouveaux standards et de nouvelles règles légales et institutionnelles s’efforcent de voir le jour. Tandis que notre compréhension des problèmes et de leurs solutions envisageables se développe, un consensus global sans précédent accompagné d’une capacité de coopération internationale constituent les pierres d’achoppement d’un résultat bien plus grand que tout ce que nous avons été capable d’accomplir jusqu’ici. Mais pour générer la connaissance et l’engagement nécessaires pour vaincre la pauvreté, toutes les facettes du potentiel spirituel et intellectuel humain devront être mobilisées. Et alors que l’humanité entière sera engagée, c’est la structure de la civilisation qui se trouvera régénérée.

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[1]           Easterly, William. The White Man’s Burden: Why the West’s Efforts to Aid the Rest Have Done So Much Ill and so Little Good. The Penguin Press: New York, 2006.

[2]           Les Objectifs du Millénaire pour le développement, lancés dans les années 2000, représentent la stratégie des Nations Unies pour réduire la pauvreté de moitié d’ici 2015. Les huit objectifs comprennent : l’élimination de l’extrême faim et pauvreté ; la promotion de l’égalité des sexes ; la réduction de la mortalité infantile ; l’amélioration de la santé maternelle ; le combat contre le virus HIV/SIDA, la malaria et d’autres maladies ; assurer un développement durable ;  mettre en place une collaboration mondiale pour le développement.

[3]           Mason, Andrew D. and Elizabeth M. King. Engendering Development through Gender Equality in Rights, Resources, and Voice. A World Bank Research Report. World Bank: Washington, DC, 2001; Towards Achieving Gender Equality and Empowering Women. International Center on Research for Women: Washington, DC, 2005; Chen, M. et al. Progress of the World’s Women 2005: Women, Work & Poverty. United Nations Fund for Women: New York, 2005.

[4]           Kaufmann, Daniel, Aart Kraay and Massimo Mastruzzi. Governance Matters IV: Governance Indicators for 1996 – 2004. World Bank: Washington, DC, 2005; Arab Human Development Report 2004: Towards Freedom in the Arab World. United Nations Development Programme: New York, 2004; Selon le Centre d’information des Nations Unies, le 17 septembre 2007, un quart du produit intérieur brut des états africains – soit 148 milliards de dollars américains – est perdu chaque année en corruption.

[5]           Human Development Report 2004. Cultural Liberty in Today’s Diverse World. United Nations Development Programme: New York, 2004.

[6]           Stern, Nicholas. Stern Review: The Economics of Climate Change, HM Treasury: London, 2006.

[7]           World Employment Report 2004-2005. Employment, Productivity and Poverty Reduction. International Labor Organization: Geneva, 2004.

[8]           Voir note en bas de page 3.   

[9]           Voir note en bas de page 4.  

[10]         “The Failed States Index,” Foreign Policy, July/August 2007, 55-63.

[11]         Voir note en bas de page 2.

[12]         Sen, Amartya. Development as Freedom. Anchor: New York, 2000.

[13]         United Nations Peacekeeping Operations Background Note. United Nations Department of Public Information: New York. 30 November 2005. (Dollar amounts in 2005 US dollars.)

[14]         World Drug Report 2007. United Nations Office on Drugs and Crime: New York, 2007.

[15]         Le projet du millénaire des Nations Unies a estimé que les coûts pour réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement dans tous les pays s’élevaient approximativement à 121 milliards de dollars en 2006, et augmenteront à 189 milliards en 2015. (UN Millennium Project 2005. Investing in Development: A Practical Plan to Achieve the Millennium Development Goals. Overview. United Nations Development Programme: New York, 2005.)

[16]         Des méthodes alternatives pour calculer la richesse nationale sont étudiées par divers universitaires. L’ « Indicateur de Progrès Réel » (IPR) est l’une de ces initiatives. Contrairement à la mesure traditionnelle du Produit Intérieur Brut (PIB), l’IPR tente de soustraire la pollution et les problèmes économiques et ajoute des bénéfices non mesurés par le passé (par exemple le travail domestique et la parenté) afin de calculer une valeur plus exacte de la richesse d’une nation. Pour 2002 (l’année la plus récente pour les données IPR), l’organisation non-gouvernementale Redefining Progress a calculé qu’entre 1972 et 2002, alors que le PIB par tête a augmenté de 79 pourcent, l’IPR a augmenté de seulement 1 pourcent (Jason Venetoulis and Cliff Cobb. The Genuine Progress Indicator 1950-2002 (2004 Update). Redefining Progress: Oakland, CA, 2004.)

[17]         Des rapports du Panel Intergouvernemental sur le Changement Climatique (établi en 1988 par l’Organisation Mondiale de la Météorologie et le Programme des Nations Unies pour l’Environnement) sont largement cités dans les débats sur le changement climatique. Les rapports les plus récents sous le titre de Climate Change 2007 comprennent : The Physical Science Basis; Impacts, Adaptation and Vulnerability; and Mitigation of Climate Change; and are published by Cambridge University Press, 2007.

[18]         Les exigences de reporting doivent être rationalisées et consolidées afin de permettre aux pays de faire face à leurs obligations de manière efficace et cohérente.

[19]         Dixon, John, Aidan Gulliver and David Gibbon. Farming Systems and Poverty: improving farmers' livelihoods in a changing world. Une étude conjointe de l’Organisation des Nations Unies pour la Nourriture et l’Agriculture et de la Banque Mondiale : Rome et Washington, DC, 2001. URL:

ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/003/y1860e/y1860e00.pdf.

[20]         World Watch Institute, Vital Signs 2007-2008, p.74.

 

Mobiliser les ressources institutionnelles, juridiques et culturelles nécessaires pour parvenir à l’égalité entre les sexes

Mobiliser les ressources institutionnelles, juridiques et culturelles nécessaires pour parvenir à l’égalité entre les sexes

Commission de la condition de la femme Cinquante-deuxième session Point 3 a) i) de l’ordre du jour provisoire Suivi de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes et de la session extraordinaire de l’Assemblée générale intitulée « Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIe siècle » : réalisation des objectifs stratégiques et mesures à prendre dans les domaines critiques et nouvelles mesures et initiatives : financement de la promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes Déclaration présentée par la Communauté internationale bahaïe, organisation non gouvernementale dotée du statut consultatif auprès du Conseil économique et social Le Secrétaire général a reçu le texte de la déclaration ci-après, qui est distribué en application des paragraphes 36 et 37 de la résolution 1996/31 du Conseil économique et social.

New York—1 February 2008

Déclaration

Le rôle central des femmes dans l’épanouissement des familles, des communautés et des nations n’est plus à démontrer : les femmes sont les premières éducatrices de la génération suivante; leur niveau d’éducation a un impact considérable sur le bien-être physique, social et économique de la famille; leur participation à l’économie accroît la productivité et stimule le progrès économique; enfin, leur présence dans la vie publique est synonyme de meilleure gouvernance et de baisse des niveaux de corruption. Aucun pays, toutefois, n’est encore parvenu à instaurer l’égalité absolue entre les sexes. Si ce sont les femmes qui paient au premier chef le prix de cette inégalité persistante, toutes les facettes de la société voient leurs chances de progresser compromises lorsque la moitié de la population mondiale n’est pas libre de réaliser son potentiel.

Ces dernières décennies ont été marquées par l’adoption de documents historiques sur les droits des femmes, appelant à mettre fin à toutes les formes de discrimination à leur égard et proposant des stratégies pour promouvoir l’égalité entre les sexes[i]. La mise en œuvre systématique de ces mesures exige bien entendu une remise à plat des priorités et des processus budgétaires. L’aspect financier, toutefois, n’est qu’un élément de l’équation. Comme la Communauté internationale bahaïe l’a noté dans sa déclaration à la cinquante et unième session de la Commission de la condition de la femme, il existe encore un fossé gigantesque entre l’appareil juridique et la culture – incarnée dans des valeurs et des normes institutionnelles – indispensables pour parvenir à l’égalité entre les sexes[ii]. Par conséquent, si l’on veut mettre en œuvre une approche globale du financement de l’égalité des sexes, il faudra s’attaquer à une constellation d’obstacles d’ordre culturel, institutionnel ou juridique qui freinent l’émancipation si nécessaire de la moitié de la population mondiale.

Dans cette perspective, nous proposons aux gouvernements d’envisager : a) d’adopter une perspective à long terme dans laquelle inscrire les efforts prévus à court et à moyen terme pour financer la promotion de l’égalité entre les sexes; b) d’évaluer les budgets nationaux à l’aune de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes; et c) de faire cas des perspectives et des institutions religieuses.

Adoption d’une perspective à long terme

Pour proposer une vision cohérente et convaincante de l’égalité entre les sexes, les dirigeants devront renoncer à un mode d’opération essentiellement réactif, lié à des crises. Parallèlement aux objectifs à court terme, ils devront concevoir des politiques à long terme affranchies du carcan intellectuel que constituent les cycles électoraux. S’intéresser uniquement aux objectifs à court terme, c’est bien souvent se retrouver prisonniers de normes minimales, d’orientations étroites et de positions de compromis. Une perspective à long terme, sur deux ou trois générations ou davantage, permettrait aux gouvernements d’envisager un plus large éventail d’options en matière de politiques et de programmes, ainsi que des contributions diverses – dont celles d’organisations non gouvernementales, d’instituts universitaires, du secteur des affaires ou du secteur informel[iii].

Une approche à long terme suppose tout d’abord un consensus sur les grands objectifs de développement et les résultats à atteindre. Les gouvernements devront formuler les objectifs en matière d’égalité entre les sexes dans la perspective du bien-être de la société, qui ne se limite pas au bien-être de ses enfants, garçons et filles, et de ses hommes et de ses femmes, mais inclut sa paix et sa sécurité, sa santé et son épanouissement, son progrès économique, la protection de son environnement et ses institutions de gouvernance. Une approche à long terme suppose ensuite que l’on mesure les progrès accomplis en direction des objectifs déclarés. Même lorsqu’un pays est sensible à la problématique hommes-femmes, il arrive souvent qu’il ne dispose pas des outils et des systèmes qui lui permettraient d’évaluer l’impact de ses politiques sur la vie des femmes. L’élaboration d’indicateurs sera donc indispensable pour déterminer l’efficacité des initiatives en matière de financement. Étant donné la diversité des contextes nationaux et locaux, il ne sera pas possible d’établir des indicateurs valables dans toutes les circonstances et chaque région devra mettre au point ses outils. La Communauté internationale bahaïe attend avec intérêt de participer à des débats sur cette initiative capitale.

Aligner les budgets nationaux sur les normes en matière de droits de l’homme

Notre deuxième recommandation à l’intention des gouvernements a trait aux mesures à prendre pour adapter les budgets nationaux aux normes internationales en matière de droits de l’homme. Loin d’être neutre sur le plan des valeurs, un budget reflète les valeurs du pays – en montrant qui, dans la société, est apprécié et quel travail est récompensé[iv]. Si, en règle générale, les budgets ne sont pas formulés dans une optique d’égalité entre les sexes, la prolifération d’initiatives du type Gender Budget Initiatives donne à penser que ces deux mondes commencent à se rapprocher pour que les processus budgétaires soient conformes aux obligations des États en vertu de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Ce type d’analyse intégrant la problématique hommes-femmes permet de détecter les inégalités entre les sexes dans les processus budgétaires, les allocations de crédits et les résultats escomptés et d’évaluer les responsabilités des États s’agissant de remédier à ces inégalités[v]. Pour être efficace, toutefois, l’approche fondée sur les droits fondamentaux ne doit pas seulement viser les femmes parvenues à l’âge adulte, mais doit être appliquée à tous les stades de leur existence – de la naissance à l’enfance et à la jeunesse – dans la mesure où la discrimination commence et où ses effets se font sentir dès leur plus jeune âge.

L’approche fondée sur les droits fondamentaux n’est pas sans précédent. Un certain nombre de pays sont parvenus à garantir aux femmes les mêmes droits qu’aux hommes sur le plan politique, à accroître leur taux de participation à la force de travail et à les aider à trouver un équilibre satisfaisant entre leur travail et leurs obligations familiales[vi]. Les gouvernements auraient intérêt à examiner de près les pratiques des pays qui sont parvenus à marquer des points face à ces problèmes apparemment insolubles. À cet égard, la Norvège, que le Programme des Nations Unies pour le développement place en tête de tous les pays pour ce qui est de l’indicateur sexospécifique du développement humain et l’indicateur de la participation des femmes, peut servir d’exemple. Une analyse des politiques sexospécifiques efficaces et des obstacles juridiques, institutionnels et culturels à leur adoption dans d’autres pays permettrait de formuler des recommandations sur la base d’exemples concrets.

Ouverture aux religions et aux dirigeants religieux

Trop souvent, les responsables politiques hésitent à prendre en compte les dimensions culturelles et religieuses de la façon dont sont traitées les femmes
– craignant qu’une telle démarche ne provoque des dissensions ou faute de savoir à qui s’adresser et comment procéder. Pourtant, si les progrès en matière d’égalité entre les sexes sont si désespérément lents, c’est parce que l’attention portée au rôle et aux responsabilités des femmes remet en question certaines des attitudes les plus profondément ancrées dans l’être humain. Étant donné la formidable capacité des religions à influencer les masses – tant pour les inspirer que pour les rabaisser – les gouvernements ne peuvent pas se permettre de les ignorer.

En l’absence d’un dialogue suivi entre les gouvernements et les religions, l’extrémisme religieux gagne du terrain. Alimenté selon les périodes par la pauvreté, l’instabilité et les changements socioéconomiques qui accompagnent la mondialisation et l’accès aux technologies de l’information, le radicalisme religieux exerce une influence considérable sur les responsables politiques et sur les politiques publiques. La participation des femmes à la vie publique fait souvent les frais de cette situation, comme le montre dans certaines régions du monde le retour à une conception particulièrement étroite de la place de la femme dans la famille, la communauté et le monde. La réduction des fonds disponibles pour la promotion des droits des femmes est attribuée, en partie, à ces changements sociaux et culturels. Pour compliquer encore les choses, de nombreux États continuent à se protéger en émettant des réserves, d’ordre culturel ou religieux, aux instruments internationaux relatifs aux droits des femmes. Aujourd’hui – près de 60 ans après l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme et 26 ans après l’entrée en vigueur de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes – les gouvernements ne peuvent plus fermer les yeux sur les pratiques et doctrines religieuses qui violent de manière flagrante les normes internationales en matière de droits de l’homme. Ces pratiques et doctrines doivent faire l’objet d’un examen attentif.

Malgré ces circonstances difficiles, les organisations religieuses constituent l’une des formes de réseau les plus anciennes et les plus influentes. Dans de nombreux pays déchirés par des conflits, elles sont les seules institutions qui subsistent. En matière de santé, d’environnement, d’allégement de la dette et de secours humanitaires, les organisations religieuses sont à l’avant-garde des efforts faits pour toucher des zones négligées et pour influencer les politiques gouvernementales. Qui plus est, compte tenu de l’impact considérable de la religion et de la culture sur la manière dont le rôle des femmes dans la société est perçu, il est logique que les organisations religieuses et leurs adhérents participent concrètement aux efforts déployés pour promouvoir l’égalité entre les sexes. Si, à première vue, la langue des finances et de l’économie semble incompatible avec celle de l’éthique et des valeurs (communes aux religions), tant les gouvernements que les organisations religieuses doivent se familiariser avec le raisonnement et les perspectives des uns et des autres – en reconnaissant qu’ils sont confrontés à la même réalité. Aucun système économique équitable n’est envisageable s’il n’existe pas de consensus sur des valeurs fondamentales; inversement, une éthique et des valeurs coupées des conditions économiques resteront lettre morte.

En adoptant une perspective à long terme, en s’efforçant d’intégrer dans le budget national leurs obligations en matière de droits de l’homme et en entamant un dialogue avec les religions, les gouvernements pourront mobiliser les ressources institutionnelles, culturelles et juridiques dont ils ont besoin pour financer l’instauration de l’égalité entre les sexes. Toutefois, il convient de garder présent à l’esprit que l’autonomisation des femmes n’est pas un privilège, un exercice technique ou un remède miracle. Elle relève d’une ambition beaucoup plus vaste qui consiste à créer une société ordonnée dans laquelle les relations entre hommes et femmes, parents et enfants, employés et employeurs, gouvernants et gouvernés ne sont pas seulement conformes à la justice, mais répondent aux plus nobles aspirations de l’humanité.

 


       [i] La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le Plan d’action de Beijing, la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, ainsi que les objectifs du Millénaire pour le développement proposent à la fois une vision d’ensemble et des plans d’action concrets.

 

       [ii] Communauté internationale bahaïe (2006), Beyond Legal Reforms: Culture and Capacity in the Eradication of Violence Against Women and Girls, New York.

 

      [iii] Étant donné qu’il faut à peu près 17 ans à une personne pour achever le cycle d’études secondaires et une vingtaine d’années pour obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur, seule une perspective à long terme permet de prendre en compte toutes les ressources d’une nation en matière d’éducation et de rechercher éventuellement à les adapter aux besoins.

 

      [iv] Budlender, D. (éd. 1996), The Women`s Budget, Institute for Democracy in South Africa (IDASA), Cape Town.

 

       [v] Elson, Diane (2006), Budgeting for Women's Rights: Monitoring Government Budgets for Compliance with CEDAW, Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM), New York.

 

         [vi] Hausmann, Ricardo, Laura D. Tyson et Saadia Zahidi (2007), The Global Gender Gap Report 2007, Forum économique mondial, Davos (Suisse).

 

Droits de l’Homme et extrême pauvreté

Droits de l’Homme et extrême pauvreté

Contribution de la Communauté internationale baha'ie soumise au Haut Commissaire aux droits de l’Homme auprès des Nations Unies au sujet du projet de principes directeurs « Droits de l’Homme et extrême pauvreté ».

New York—1 September 2007

La Communauté internationale baha'ie se réjouit de l’opportunité de formuler des commentaires dans le cadre du projet de rapport intitulé « Principes directeurs sur les Droits de l’Homme et l’extrême pauvreté »1 faisant l’objet de la résolution du Conseil des Droits de l’Homme 2/2 relatif aux droits de l’Homme et à l’extrême pauvreté2. Nous nous félicitons du choix du Conseil des Droits de l’Homme qui a franchi une étape importante en replaçant la pauvreté dans une perspective de Droits de l’Homme – en liant la réduction de la pauvreté à des considérations d’équité et à une obligation plutôt qu’à la charité. De cette façon, la base morale des efforts visant à réduire la pauvreté est renforcée et les valeurs soustendant ces efforts et contenues dans les textes internationaux relatifs aux droits de l’Homme sont clairement affirmées. La Communauté internationale baha'ie, en vue de promouvoir la justice comme le principe structurant des activités humaines, propose les commentaires suivants sur le projet de « Principes Directeurs ».

En préparant la soumission de ce texte la Communauté internationale baha'ie a répondu à l’invitation des Nations Unies appelant à la participation de ceux qui sont directement affectés par la pauvreté ou vivent dans des conditions de pauvreté. Nous avons organisé des discussions avec les communautés baha'ies dans dix pays3 sur cinq continents et continuerons à tirer les conclusions de ces réponses au fur et à mesure de leur réception. Les conclusions tirées de ces discussions ayant été reçues jusqu’à présent – du Guyana, de Namibie, du Brésil – sont intégrées dans à la présente déclaration.

Définition de la pauvreté. Les définitions de la pauvreté et les préconisations pour son éradication sont formulées sur la base de suppositions sur la nature des êtres humains et sur le but du développement, ou plus largement, le but de la civilisation elle-même. Alors que le projet de Principes Directeurs des Nations Unies propose une définition intégrant les différentes facettes de la pauvreté4, quatre des participants aux discussions sur la pauvreté ont suggéré de développer cette définition de deux façons : (a) en qualifiant la pauvreté de problème pour l’ensemble de humanité, pas seulement pour les pauvres, et (b) en reconnaissant les notions de « sens » et de « but » qui sont au centre de la vie humaine. Outre la privation de ressources et de perspectives d’avenir, la pauvreté a été décrite en premier lieu en termes non-matériels. Parmi les personnes économiquement défavorisées, cela se manifeste comme un « état d’esprit » ; le degré auquel une personne n’a pas conscience de son potentiel et de « ce que pourrait être sa dignité », la perte de toute capacité à réfléchir sur sa propre condition, un manque de connaissances, et une incapacité à faire valoir ses droits. Parmi les personnes économiquement défavorisées, les participants ont décrit une “pauvreté de l’esprit”-un aveuglement aux besoins de ceux qui vivent à nos côtés, une perte de la « capacité à s’indigner, à se sentir honteux » de ce qui nous entoure, une « condition misérable » et « une misère absolue ». Etre « riche » n’a pas seulement été défini comme améliorer sa propre condition mais aussi aider les autres à survire, vivre dans la dignité, en vue de promouvoir le bien-être de toute l’humanité.

La Communauté internationale baha'ie considère la pauvreté comme le symptôme d’un système de relations économiques et sociales – dans la famille, la communauté, la nation et le monde – qui défend les intérêts d’une minorité au détriment du plus grand nombre. En tant que telles, les solutions à ce problème complexe doivent trouver leur origine dans une approche systémique qui s’attaque aux valeurs nocives et destructives orientant les attitudes humaines, les comportements et la prise de décision. Dans cette perspective, nous concevons la pauvreté comme l’absence de ressources – matérielles, sociales et éthiques – nécessaires pour que soient réunies les conditions de développement des capacités morales, matérielles et créatives des individus, communautés et institutions.

Une approche fondée sur les droits de l’Homme. Afin que cette approche fondée sur les droits de l’Homme puisse effectivement jouer un rôle dans l’établissement de la justice comme principe structurant des relations humaines, la promotion des droits de l’Homme doit s’affranchir des fausses dichotomies : le concept de « droits » ne justifie ni un individualisme débridé ni une élévation de l’Etat au rang de seule source du bien-être humain. La relation entre les individus et l’Etat est une relation de « trust » – chaque membre de la race humaine venant au monde est confié à l’ensemble, incluant la famille, la communauté, la nation et le monde. C’est cette relation particulière qui constitue le fondement moral de la plupart des autres droits5. Dans une telle perspective, la totalité du fardeau de la réduction de la pauvreté ne peut pas reposer sur l’Etat ; une part de responsabilité doit être attribuée aux gens, à leur famille et à leur communauté. Alors que les conditions de pauvreté surviennent et perdurent pour différentes raisons historiques, économiques et politiques, elles sont également exacerbées par les valeurs humaines, notamment celles relatives à l’intégration culturelle, aux droits des femmes, à l’éducation, et au droit au développement individuel. Ainsi, une approche de la réduction de la pauvreté fondée sur les droits de l’Homme doit prendre en considération les responsabilités appropriées de chaque acteur dans la communauté.

Un nouveau principe directeur : l’égalité de l’homme et de la femme. Alors que le principe directeur «une participation des pauvres » inclue un paragraphe sur les femmes en situation de pauvreté, le nombre toujours disproportionné de femmes parmi les pauvres du monde, y compris de femmes âgées, la violation systémique des droits des femmes et des jeunes filles, et la sous-représentation flagrante des femmes dans la gouvernance et à tous les niveaux, justifient la création d’un principe distinct, intitulé « égalité de l’homme et de la femme » afin de guider les efforts de réduction de la pauvreté . Le but de ce principe n’est pas seulement d’attirer l’attention sur la condition désastreuse des femmes, mais également de rappeler aux Etats que la pleine et confiante participation des femmes dans les domaines juridique, politique, économique, académique, social et artistique est un pré-requis pour prendre le chemin d’une croissance plus juste et plus pacifique. Leur participation, à son tour, ouvre des opportunités pour les hommes et les jeunes hommes d’exceller en tant que pères, maris, travailleurs, membres d’une communauté et dirigeants, d’une façon inédite aujourd’hui.

Le droit à l’éducation et à la culture. Pour qu’une société progresse, les êtres humains doivent être libres de savoir, de créer et de croire. En premier lieu, ayant conscience que le savoir peut être un moyen de réduire la pauvreté et d’atteindre les buts plus élevés de justice et de dignité humaine, l’Etat devrait faire en sorte que la diffusion, la production et la mise en œuvre du savoir ait une dimension importante dans tous les aspects des activités humaines. Le manque d’éducation réduit de façon implacable les potentiels intellectuels, créatifs et éthiques des êtres humains, pourtant cruciaux pour élaborer des solutions aux problèmes. Un participant commente : « … celui qui détient le savoir détient par conséquent le pouvoir. La première chose à faire est d’investir dans l’éducation, afin que chacun puisse accéder au savoir et avoir la capacité d’interpréter ce qui se passe. » En second lieu, les êtres humains doivent avoir accès aux réalisations scientifiques et culturelles de l’humanité et à leur mise en œuvre. Troisièmement, la liberté de religion ou de croyance doit être promue et protégée. De même, le droit d’avoir des croyances, de les partager et de les changer est central dans la quête de sens d’un individu et fondamental pour protéger la dignité de l’être humain.

 

Le droit au travail. L’offre de travail utile devrait constituer la pierre angulaire de tous les efforts de réduction de la pauvreté. Le travail, cependant, ne devrait pas être réduit à sa dimension purement utilitaire consistant à permettre l’achat de biens de consommation, ou considéré comme un coût de production non indispensable. Ainsi, le rôle et le sens du travail doivent être reconsidérés. Le travail n’est rien de moins que le moyen de développer un savoir-faire, d’affiner son caractère, de pourvoir à sa subsistance, et de pouvoir se mettre au service des autres. Aujourd’hui, les jeunes gens âgés de 15 à 29 ans représentent près de la moitié des adultes dans 100 pays défavorisés6 et leur potentiel d’innovation ainsi que leur engagement intellectuel et moral pour le bien-être de leur pays doivent devenir une priorité dans l’élaboration des politiques publiques.

La persistance de l’extrême pauvreté face à l’augmentation de l’extrême richesse dans certaines parties du monde suggère que le problème doit être abordé de façon systémique : les responsabilités de tous les acteurs – la communauté internationale, les gouvernements, le monde des affaires, les médias, la société civile, la famille et l’individu – doivent être articulées entre elles. Pour que la justice devienne le principe structurant de la vie en collectivité, ces principes doivent être promus à la fois sur les plans juridique et éthique. Les nations doivent être aidées et rendues responsables de leurs efforts vis-à-vis des pauvres. Parallèlement, les valeurs sous-jacentes doivent prendre leurs racines au niveau individuel afin que les comportements soient, en dernier lieu, guidés par un sentiment de responsabilité envers les êtres humains et pas uniquement par la peur d’enfreindre la loi.

  1. Projet de principes directeurs « Extrême pauvreté et droits de l’Homme : les droits des pauvres », p.29 à 38 (Annexe : rapport de la sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l’Homme à l’occasion de sa 58ème session, le 11 septembre 2006 ) – Document Nations Unies n°# A/HRC/2/2.
  2. Résolution du Conseil des Droits de l’Homme 2/2 « Droits de l’Homme et extrême pauvreté » du 27 novembre 2006
  3. Le Brésil, le Canada, les Iles Fidji, le Guyana, Haïti, l’Inde, la Namibie, la Turquie, le Royaume-Uni, les Etats-Unis
  4. Le projet de principes directeurs définit la pauvreté comme « la condition dans laquelle se trouve un être humain qui est privé de manière durable ou chronique des ressources, des moyens, des choix, de la sécurité et du pouvoir nécessaires pour jouir d’un niveau de vie suffisant et d’autres droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux ». Cf note 1.
  5. La sécurité de la famille et du foyer, la jouissance de sa propriété et le droit à la vie privée tombent sous le coup de cette relation de « trust ». Les obligations incombant à la communauté s’étendent à l’offre d’un emploi, les soins (physiques et psychologiques), la sécurité sociale, des salaires justes, le repos et les loisirs, et nombre d’autres attentes raisonnables de la part des individus dans la société.
  6. Nations-Unies, Département de la population, Perspectives pour la population mondiale : Révision de 2004 (New-York 2005).

Transformer les valeurs pour donner davantage de pouvoir aux filles

Transformer les valeurs pour donner davantage de pouvoir aux filles

Commission de la condition de la femme Cinquante et unième session Point 3 a) i) de l’ordre du jour provisoire

New York—26 February 2007

Suivi de la quatrième Conférence mondiale
sur les femmes et de la vingt-troisième session
extraordinaire de l’Assemblée générale :
« Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes,
développement et paix pour le XXIe siècle » :
réalisation des objectifs stratégiques et mesures
à prendre dans les domaines critiques
et nouvelles mesures et initiatives : l’élimination
de toutes les formes de discrimination et de violence
à l’égard des petites filles

La Communauté internationale baha'ie se félicite de l’examen de l’élimination de toutes les formes de discrimination et de violence à l’égard des petites filles comme thème prioritaire de la cinquante et unième session de la Commission de la condition de la femme.

Nous nous félicitons également de la publication de l’étude du Secrétaire général sur la violence à l’encontre des enfants, qui nous l’espérons, appellera l’attention sur cette question essentielle et favorisera l’adoption de stratégies pour l’aborder à tous les niveaux de la société.

La Communauté internationale baha'ie pense que, maintenant que les cadres législatifs nécessaires pour éliminer la violence contre les filles ont été mis en place, l’accent doit être mis sur le respect de ces cadres et sur la prévention. La communauté internationale doit désormais s’attacher à créer les conditions sociales, matérielles et structurelles requises pour que les femmes et les filles puissent s’épanouir pleinement. La création de telles conditions ne doit pas se limiter aux réformes législatives et institutionnelles mais s’étendre à la promotion d’une culture dans laquelle la justice et l’égalité l’emportent sur l’impulsivité du pouvoir autoritaire et de la force physique. L’éducation et la formation doivent être assurées de telle manière que les enfants puissent développer leurs facultés intellectuelles et morales, en leur inculquant le sens de la dignité et de la responsabilité qui est la leur vis-à-vis de leur famille, de leur communauté et de la planète.

Nous nous permettons de formuler les recommandations suivantes :

  • Étant donné que le milieu qui compte le plus dans la vie d’une fille est sa famille, les interventions, politiques et activités nationales et internationales devraient promouvoir des valeurs et des comportements qui soient favorables à la famille et permettent aux femmes et aux hommes de travailler ensemble en tant que partenaires égaux dans tous les domaines d’activité humaine.
  • Les établissements d’enseignement devraient promouvoir et enseigner la morale dans le cadre de leurs programmes scolaires. Dans ce cadre, par exemple, les écoles bahaïes cherchent à développer toutes les facultés de l’individu, sur le plan aussi bien spirituel que matériel, théorique aussi bien que pratique, faisant coïncider l’épanouissement personnel et le service de l’intérêt collectif. La sensibilisation à l’égalité des sexes devrait également faire partie intégrante de l’éducation des enfants pour empêcher la perpétuation de la discrimination et des conceptions stéréotypées des rôles des deux sexes.
  • Des mécanismes consultatifs de coordination, d’exécution et de contrôle doivent être mis en place au niveau national pour que la société civile et les pouvoirs publics prennent davantage conscience de la responsabilité qui leur incombe d’assurer la mise en œuvre réelle des dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et de la Convention relative aux droits de l’enfant.

La Communauté internationale baha'ie et ses représentations dans 182 pays s’efforcent de donner au monde l’exemple de familles qui, non contentes de rejeter la violence à l’égard des filles, s’emploient à créer un environnement porteur et protecteur dans lequel les femmes et les filles sont appréciées et respectées en tant que partenaires égales.

Une seule substance: vers la création d’une culture mondiale d’unicité

Une seule substance: vers la création d’une culture mondiale d’unicité

Déclaration écrite présentée par la Communauté internationale baha'ie à la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui est y associée (A/CONF. 189/10/Add.2), publiée en anglais, français et espagnol sous l'article 9 de l'ordre du jour provisoire.

Durban, Afrique du Sud—31 August 2001

Le racisme trouve son origine non dans la couleur de la peau mais dans l'esprit des hommes. Aussi, pour combattre les préjugés raciaux, la xénophobie et l'intolérance, il faut en tout premier lieu s'attaquer à ces vues de l'esprit qui ont pendant de si nombreux millénaires forgé les concepts fallacieux de supériorité et d'infériorité des peuples.

A l'origine de toutes les formes de discrimination et d'intolérance, il y a l'idée erronée selon laquelle l'humanité serait composée de races, de peuples et de castes distincts et séparés, et que ces sous-groupes possèderaient de manière innée des capacités physiques et des facultés mentales et morales diverses, leur permettant de justifier à leur tour les traitements différents dont ils sont l'objet.

La réalité est qu'il n'y a qu'une seule race humaine, un seul peuple habitant la planète terre, une seule famille unie par un destin commun, une seule entité créée d'une même substance et contrainte de se comporter "comme une seule âme".

Reconnaître cette réalité, c'est l'antidote contre le racisme, la xénophobie et l'intolérance sous toutes leurs formes. C'est donc cette réalité qui doit orienter les discussions, les délibérations et le résultat final de la Conférence mondiale contre le Racisme.

Lorsque l'humanité aura bien intégré cet aspect de l'existence, elle pourra dépasser non seulement le racisme, les préjugés raciaux et ethniques et la xénophobie, mais aussi ces notions intermédiaires que sont la tolérance et le multiculturalisme. En effet, si ces dernières ont constitué des jalons importants dans la longue quête de l'humanité pour un monde pacifique, juste et uni, elles ne suffisent guère par elles-mêmes à éradiquer des maux aussi profondément enracinés que le racisme et ses corollaires.

Le principe de l'unité de l'humanité résonne au plus profond de l'esprit humain. Poser ce principe, ce n'est pas simplement dire autrement la fraternité ou la solidarité, ni exprimer quelque vague espoir ou slogan. C'est au contraire toucher du doigt une réalité éternelle spirituelle, morale et physique dont l'humanité du XXe siècle, à l'aube de sa maturité collective prend de plus en plus conscience. Cette réalité de toujours, émerge de manière plus visible parce que pour la première fois dans l'histoire humaine, les peuples du monde sont en mesure de comprendre leur interdépendance et de prendre conscience qu'ils ne forment qu'un tout.

L'unicité de la race humaine est pleinement confirmée par la science. L'anthropologie, la physiologie, la psychologie, la sociologie et, plus récemment, la génétique, par le biais du décodage du génome humain, ont prouvé que l'espèce humaine est une, même si elle est infiniment variée dans ses aspects secondaires. Les grandes religions soutiennent aussi ce principe, quoique leurs fidèles s'attachent parfois à des notions fallacieuses de supériorité. Leurs fondateurs n'ont-ils pas tous promis l'avènement du règne de la paix et de la justice, et l'unité de l'humanité?

Construire l'unité collective de l'humanité est le stade actuel d'un processus historique qui a vu les individus fusionner en des entités toujours plus grandes. Après les clans, les tribus, les cités-États, les nations, la prochaine étape à franchir par l'humanité est ni plus ni moins l'établissement d'une civilisation mondiale. Tous les individus et les peuples sont les parties d'un seul grand organisme: la civilisation humaine elle-même. Comme le déclarait Bahá'u'lláh il y a plus de 100 ans, "la terre n'est qu'un seul pays et tous les hommes en sont les citoyens."

En outre, ainsi que l'exposent les écrits baha'is, l'unité de l'humanité "implique un changement organique de la société d'aujourd'hui, dans sa structure, un changement jamais expérimenté à ce jour... Ce changement appelle à la reconstruction et à la démilitarisation de l'ensemble du monde civilisé -- un monde organiquement unifié dans les aspects essentiels de son existence, son fonctionnement politique, son aspiration spirituelle, son commerce et ses finances, sa langue et son écriture, et infiniment diversifié pour tout ce qui touche aux caractéristiques nationales de ses entités fédérées."

Au regard des thèmes inscrits à l'ordre du jour de la Conférence mondiale contre le Racisme, une bonne compréhension de l'unicité de l'humanité entraîne un certain nombre de conséquences.

Elle implique que toute loi, toute tradition ou construction mentale qui confère des droits supérieurs ou des privilèges à un groupe humain au dépend d'un autre est non seulement moralement condamnable mais absolument contraire aux intérêts bien compris de tous, même de ceux qui éprouvent un quelconque sentiment de supériorité.

Elle implique que les États nations, piliers d'une civilisation mondiale, se doivent de respecter les critères communément appliqués en matière de droits et de prendre des mesures radicales pour effacer de leurs lois, de leurs traditions et de leurs pratiques, toute trace de discrimination fondée sur la race, la nationalité ou l'origine ethnique.

Elle implique que l'organisation sociale doit se donner la justice comme principe directeur, autrement dit que gouvernements, organismes publics et société civile prennent des mesures généralisées pour combattre l'injustice économique à tous les échelons. Les écrits baha'is valorisent tant les dons privés que les mesures gouvernementales, comme "l'égalisation et la répartition" des excès de richesse, afin de réduire les écarts entre riches et pauvres. Ils prescrivent aussi l'adoption de mesures spécifiques, notamment l'intérêt au profit et l'encouragement du travail accompli dans un esprit de prière, afin de promouvoir une prospérité économique généralisée qui dépasse la notion de classes.

Ainsi, les questions de xénophobie portées à l'attention de la conférence liées aux problèmes contemporains des diaspora minoritaires, de l'application inégale des lois de citoyenneté et de la réinstallation des réfugiés, pourraient trouver une solution si elles étaient examinées sous l'angle de l'unité de l'humanité et, comme le préconisait Bahá'u'lláh, de la notion de citoyenneté mondiale.

En outre, le principe de l'unicité de l'humanité révèle au grand jour comme artificielle et trompeuse toute tentative de distinction entre "races" ou "peuples" dans le monde contemporain. Si l'héritage national ou ethnique doit être source de fierté, voire constituer la toile de fond d'un développement social positif, il ne doit en aucun cas donner lieu à de nouvelles formes, aussi subtiles soient-elles, de discrimination ou de sentiments de supériorité.

Au fil des ans, dans ses déclarations aux Nations unies, la Communauté internationale baha'ie a soutenu et préconisé l'adoption de mesures spécifiques afin de promouvoir le principe de l'unicité de la race humaine et de lutter contre le racisme, y compris:

  • La promotion généralisée de campagnes internationales pour l'enseignement du concept de l'unicité organique de l'humanité, sous l'égide de l'ONU elle-même et avec la participation des autorités locales et nationales, et des organisations non gouvernementales.
  • La ratification généralisée des instruments internationaux, émanation de la conscience collective de l'humanité, qui sont susceptibles de contribuer à un régime juridique mondial de lutte contre le racisme et la discrimination, en particulier la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
  • La promotion généralisée de l'enseignement des droits de l'homme, afin d'instaurer une "culture des droits de l'homme".

La Communauté internationale baha'ie a fréquemment parrainé des activités de lutte contre le racisme et la discrimination raciale, et y a largement participé. Agissant essentiellement au travers de ses groupements nationaux affiliés, aujourd'hui au nombre de 182, elle a organisé de nombreuses réunions et conférences publiques, mis en œuvre des programmes d'éducation, suscité des articles de presse, conçu des programmes radiophoniques et parrainé des expositions, le tout visant spécifiquement la lutte contre le racisme.

En outre, dans un certain nombre de pays, s'inspirant de l'esprit créatif de la participation locale, les baha'is ont établi des comités d'unité raciale, à la composition multiraciale, chargés de développer des programmes de lutte contre les préjugés raciaux et de cultiver le respect mutuel entre les membres d'origines différentes de leurs localités. Ces comités se sont fixé pour objectif d'aider les baha'is à se défaire de leurs propres préjugés raciaux et, au-delà, la société en général à s'en débarrasser en engageant une vaste collaboration avec les autorités gouvernementales, les responsables de l'éducation nationale et les dirigeants religieux. De manière plus spécifique, pour promouvoir l'unité raciale, les communautés baha'ies du monde parrainent de nombreux ateliers pour les jeunes, ils ont célébré des milliers de "Journées de l'unité raciale", ils lancent des campagnes vidéo et télévisuelles, organisent des débats, et participent à de multiples commissions nationales de lutte contre le racisme.

Ceux qui souhaiteraient en savoir plus sur la traduction de l'unité de l'humanité en pratique, peuvent trouver utile de se pencher sur l'expérience acquise par la Communauté internationale baha'ie elle-même, qui est un modèle du genre, certes toujours perfectible, en matière de collaboration harmonieuse entre différents individus. Forte de plus de 5 millions de membres, la communauté mondiale baha'ie est composée de membres de toutes origines. Plus de 2100 groupes raciaux et tribaux y sont représentés, ainsi que toutes les nationalités, les religions et les classes sociales.

Malgré cette grande diversité, qui est à l'image même de la population mondiale, la communauté mondiale baha'ie figure parmi les groupements humains les plus unis de la planète. Ce sens de l'unité va au-delà du partage d'une théologie. Les écrits baha'is encouragent par exemple le mariage inter-racial, et les baha'is de toutes origines sont appelés à travailler en étroite collaboration au sein de leurs institutions locales et de leurs instances dirigeantes à l'échelon national. A y regarder de plus près, la communauté mondiale baha'ie forme un ensemble humain étonnamment vaste, quoique résolument engagé, dont chaque membre est conscient de la nécessité de cultiver une culture mondiale axée sur la paix, la justice et le développement durable, sans conférer à un groupe une quelconque position de supériorité.

Les baha'is croient que s'ils ont réussi à bâtir une communauté unie, c'est uniquement grâce à l'inspiration qu'ils tirent des enseignements de Bahá'u'lláh, dont les écrits traitent largement de l'importance de l'unité, de la réalité de l'unicité de la race humaine et de l'impérieux besoin de créer une civilisation mondiale pacifique. Il y a plus d'un siècle, Bahá'u'lláh posait ainsi la pierre angulaire de la croyance baha'ie:

"O enfants des hommes! Ne savez-vous pas pourquoi nous vous avons tous créés de la même poussière? C'est pour que nul ne s'élève au-dessus de l'autre. Méditez sans cesse sur la manière dont vous avez été créés. Puisque Nous vous avons tous faits d'une même substance, il convient que vous soyez comme une seule âme, allant d'un même pas, mangeant d'une même bouche et habitant la même terre afin que, du tréfonds de vous-mêmes, par vos actes et par vos œuvres, les signes de l'unité et l'essence du détachement puissent se manifester."

UN Document: A/CONF.189/10/Add.2

 

Communauté internationale baha'ie: une coopération ancienne et active avec l'ONU

Communauté internationale baha'ie: une coopération ancienne et active avec l'ONU

6 June 2000

La Communauté internationale baha'ie est une organisation non gouvernementale (ONG) qui englobe et représente les membres de la foi baha'ie à travers le monde, soit plus de 5 millions d'hommes et de femmes issus de plus de 2100 groupes ethniques, de presque toutes les nationalités, les couches sociales et les classes professionnelles. Au total, 235 pays et territoires dans le monde abritent d'importantes communautés baha'ies, dont 182 sous la forme de groupements affiliés à l'échelon national (ou régional), eux-mêmes composés de plus de 12 500 communautés locales organisées. En tant que ONG à l'ONU, la Communauté internationale baha'ie est une association de conseils d'administration démocratiquement élus, appelés les Assemblées spirituelles nationales.

La Communauté internationale baha'ie a une longue histoire de participation active dans les organisations internationales. Déjà en 1926, un Bureau international baha'i fut créé au siège de la Société des Nations à Genève pour coordonner la participation des baha'is aux activités de celle-ci. En 1945, les baha'is étaient présents à San Francisco pour la signature de la Charte de l'ONU. En 1948, la Communauté internationale baha'ie fut accréditée auprès des Nations Unies en qualité d'organisation non gouvernementale (ONG) et en 1970, elle se voit accorder le statut consultatif (maintenant connu sous le nom de statut "spécial") auprès du Conseil économique et social (ECOSOC). Elle obtint par la suite le statut consultatif auprès de l'UNICEF en 1976, et en 1989 auprès du Fonds des Nations Unies pour la condition féminine (UNIFEM). Elle établit également en 1989 des relations de travail avec l'OMS (Organisation mondiale de la Santé). Au fil des ans, elle a aussi étroitement collaboré avec le PNUE (Programme des Nations Unies pour l'environnement), le Haut Commissariat aux droits de l'homme des Nations Unies, l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) et le programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).

La Communauté internationale baha'ie dispose de bureaux auprès des Nations Unies à New York et à Genève, ainsi que des représentations auprès des commissions régionales et autres organismes des Nations Unies, à Addis Abeba, Bangkok, Nairobi, Rome, Santiago et Vienne. Ces dernières années, elle a créé deux nouveaux bureaux au sein de son bureau auprès des Nations Unies, l'un pour l'environnement et l'autre pour la promotion de la condition féminine.

Son bureau d'information, dont le siège se trouve au Centre mondial baha'i à Haïfa, dispose d'une délégation à Paris. Il est chargé de diffuser des informations sur la foi baha'ie à travers le monde, et publie un bulletin trimestriel, ONE COUNTRY. Ce bulletin est distribué en anglais, français, chinois, russe, espagnol et allemand dans plus de 170 pays. ONE COUNTRY couvre l'actualité qui a trait aux projets de développement économique et social, des relations avec le système des Nations Unies, et  de sujets d'intérêt mondial pour les décideurs.

OBJECTIFS ET ACTIVITÉS

Les activités menées par les communautés baha'ies à travers le monde visent les objectifs humanitaires, sociaux et économiques inscrits dans la Charte de l'ONU. Elles consistent notamment, à encourager la participation publique aux initiatives de développement durable, à promouvoir la condition féminine, à valoriser l'éducation des enfants, à lutter contre l'abus de drogues, à combattre le racisme et à promouvoir l'éducation aux droits de l'homme. Plus de 1600 projets sont ainsi en cours dans le monde, dont environ 300 écoles qui sont gérées par des baha'is, qui leurs appartiennent  et au moins 400 établissements de soutien scolaire dans les villages.

En ce qui concerne le bureau de la Communauté internationale baha'ie auprès des Nations Unies, il coopère avec les organismes de l'ONU en sa qualité d'ONG, par le partage de ses expériences et par sa participation régulière à leurs sessions, notamment celles de la Commission des droits de l'homme, de la Commission pour la condition féminine, la Commission sur le développement social et de la Commission pour le développement durable. Comme en témoigne son rapport quadriennal le plus récent à l'ECOSOC, la Communauté internationale baha'ie a participé à approximativement 150 réunions parrainées par les Nations Unies, entre janvier 1994 et décembre 1997, offrant ainsi plus de 80 déclarations sur un large éventail de thèmes.

En collaboration avec un certain nombre de ses affiliés nationaux, le bureau de la Communauté internationale baha'ie auprès de l'ONU a pleinement participé à la récente série de conférences mondiales de l'ONU sur les questions pressantes de la planète ainsi qu'aux activités parallèles des ONG. Les baha'is ont ainsi pris part au Sommet mondial pour les enfants de 1990, au Sommet mondial sur l'environnement et le développement à Rio de Janeiro en 1992 (Sommet de la terre), à la Conférence mondiale des droits de l'homme à Vienne en 1993, à la Conférence relative aux petits États insulaires à la Barbade en 1994, à la Conférence mondiale sur la population et le développement au Caire en 1994, au Sommet mondial sur le développement social en 1995 à Copenhague, à la Conférence mondiale sur la femme à Beijing en 1995, à la Conférence mondiale sur les établissements humains à Istanbul en 1996 (Habitat II) et enfin à la Conférence sur l'alimentation dans le monde à Rome en 1996. Les forums d'ONG qui se sont tenus en parallèle, ont également attiré une participation baha'ie enthousiaste et nombreuse de tous les coins de la planète.

Dans ses rapports avec les Nations Unies, la Communauté internationale baha'ie s'efforce de promouvoir des principes qu'elle estime essentiels à l'instauration d'une paix durable:

  • L'unité de l'humanité: la reconnaissance de cette unité constitue le fondement de la paix, de la justice et de l'ordre dans le monde. Elle implique la nécessité d'un changement organique dans la structure de la société.
  • L'égalité de l'homme et de la femme: l'émancipation de la femme est une condition sine qua non de la paix. En réalité, ce n'est que lorsque les femmes seront acceptées en tant que partenaires à part entière des hommes dans tous les domaines d'action que le climat psychologique et moral nécessaire à l'émergence d'une paix internationale sera créé.
  • Un modèle universel pour les droits de l'homme: Droits et responsabilités sont indissociables. Si l'on veut établir la paix, le progrès social et la prospérité économique, les droits de l'homme doivent être reconnus et protégés au niveau local, national, et international. En outre, il est nécessaire d'apprendre aux individus à reconnaître et à respecter tant leurs propres droits que ceux d'autrui.
  • Justice et coopération économique: la perspective de la prospérité au sens le plus complet du terme, autrement dit la prise de conscience par tous les habitants de la planète des possibilités de bien-être spirituel et matériel qui leur sont offertes, contribuera à galvaniser la volonté collective de renverser ces obstacles à la paix que constituent entre autres, les disparités démesurées entre riches et pauvres.
  • L'éducation universelle: l'ignorance étant la cause principale de la décadence des peuples et la perpétuation des préjugés, aucune nation ne saurait réussir sans assurer l'éducation de tous ses citoyens, hommes et femmes. L'éducation devrait promouvoir l'unité essentielle entre la science et la religion.
  • La nécessité d'une langue auxiliaire universelle: plus le monde devient interdépendant, plus la nécessité d'une langue et d'une écriture auxiliaires uniques et universellement acceptées se fait sentir. Il convient d'en adopter une et de l'enseigner dans les écoles du monde entier, parallèlement à la langue nationale. Cette langue auxiliaire universelle devrait améliorer la communication entre nations, réduire les coûts administratifs, et favoriser l'unité entre les peuples et les nations.

 

BIC Document #00-0606F

le droit à l'éducation

le droit à l'éducation

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME Cinquante-sixième session Point 10 de l'ordre du jour provisoire

Geneva—20 March 2000

Le droit à l'éducation est, aux yeux de la Communauté internationale Bahà'ie, l'un des droits les plus importants exposés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. Son importance est telle qu'il est exposé de manière détaillée à la fois dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. A travers l'histoire, la mission même des fondateurs des grandes religions a d'ailleurs été d'éduquer le genre humain.

L'éducation joue un rôle décisif dans l'épanouissement du potentiel de chacun et dans la possibilité de jouir de tout l'éventail des droits de l'homme. Elle doit en même temps être au service de l'ensemble de la société, instillant en chacun un respect constant des droits d'autrui et le désir de faire respecter et défendre ces droits.

La Communauté internationale Bahà'ie apprécie, donc, qu'en 1998 la Commission des droits de l'homme ait accepté la recommandation du Comité des droits économiques, sociaux et culturels de nommer un rapporteur spécial dont le mandat "portera essentiellement sur le droit à l'éducation". 1/ Il y a également lieu de se réjouir de ce que son mandat concerne la mise en œuvre "du principe de l'enseignement primaire obligatoire universel et gratuit" 2/       et tienne compte de "la situation et des besoins des fillettes." 3/

L'accès à l'éducation est certes une question à laquelle les Gouvernements comme les organisations non gouvernementales doivent être particulièrement attentifs, mais il nous semble que son contenu est essentiel. La Déclaration universelle des droits de l'homme précise que le but de l'éducation est non seulement "le plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité" mais aussi de favoriser "la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux, ethniques ou religieux…" 4/ Pour atteindre ces idéaux, l'éducation doit s'adresser à la personne tout entière, c'est à dire chercher à développer toute la gamme des capacités humaines – intellectuelles, sociales, physiques et spirituelles.

Dans l'esprit d'un grand nombre, le but visé par l'éducation se limite à permettre à l'individu d'accéder au bien-être et à la prospérité matériels, en faisant peu de cas de sa responsabilité envers autrui et l'humanité dans son ensemble. Une vision aussi matérialiste de l'éducation continuera à accentuer l'inégalité entre les rares nantis et les innombrables démunis, perpétuant les injustices de la stratification sociale et contribuant à l'instabilité croissante du monde. Si, pourtant, l'éducation matérielle va de pair avec l'éducation spirituelle et l'épanouissement moral, elle oeuvrera au bien-être et à la prospérité de l'humanité tout entière. Au lieu de privilégier la compétition, l'éducation ferait bien, à cet instant précis de l'histoire, de forger les mentalités et les talents nécessaires à la coopération car la survie même du genre humain dépend à présent de notre capacité à coopérer et de notre engagement collectif en faveur de la justice et des droits de l'homme pour tous. De cette capacité à coopérer avec les autres dépendra également l'accès d'un plus grand nombre au droit à l'éducation.

Les récents conflits en Europe démontrent la faillite de la seule éducation matérielle à entretenir le respect des droits de l'homme. La foi bahà'ie a pour principe de donner au spirituel et au moral le pas sur les autres aspects de l'éducation. "Bonne conduite et qualités morales élevées doivent passer avant tout," disent les écrits bahà'is, "car à moins que les qualités morales ne soient bien formées, l'acquisition de la connaissance ne fera que s'avérer nocive. La connaissance est digne d'éloges quand elle se double d'une conduite morale et d'un caractère vertueux, sinon c'est un poison mortel, un danger effrayant." 5/ L'éducation morale et spirituelle a pour fonction de mettre les capacités humaines au service du bien commun. Nous soutenons que le but de l'éducation devrait être non seulement l'acquisition du savoir, mais aussi l'acquisition de qualités spirituelles telles que la compassion, la loyauté, le sens du service, la justice, et le respect de chacun.

Au cœur du rapport de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, L'éducation: Un trésor est caché dedans, 6/       se trouve la notion , mise en avant dans la Convention relative aux droits de l'enfant, que l'éducation devrait permettre à l'individu (homme ou femme) de développer pleinement ses potentialités. 7/   "Considère l'homme comme un gisement de pierres précieuses d'une valeur inestimable." recommande Bahà'u'llàh, " L'éducation seule peut lui faire révéler ses trésors, et permettre à l'humanité d'en bénéficier." 8/     Ces richesses doivent être consciemment développées, exploitées et cultivées car même si l'aptitude au bien est innée, les êtres humains peuvent devenir la proie d'inclinations dépravées qui le sont tout autant. "L'homme est lisse comme l'acier", dit Bahà'u'llàh, "dont l'essence est cachée: c'est par la réprimande et l'explication, de bons conseils et l'éducation, que cette essence sera révélée. Si, toutefois, l'homme est abandonné à sa condition originelle, la corrosion des désirs et des appétits le détruira pour de bon". 9/

Parce que tout enfant a besoin d'éducation, particulièrement dans le domaine des valeurs morales, il est essentiel que l'éducation soit assurée aux fillettes, qui seront les mères et les premières éducatrices des générations à venir.       Eduquer les mères est la façon la plus efficace d'assurer que les bénéfices de l'éducation soient répartis dans l'ensemble de la société. Donner aux femmes et aux filles l'égalité d'accès à l'éducation rendra également possible leur pleine participation à la société, ce que les Bahà'is croient être le futur catalyseur de la création d'une société juste et de l'établissement d'une paix durable dans le monde. Par conséquent, nous faisons nôtre la recommandation de la résolution selon laquelle le Rapporteur spécial doit "promouvoir l'élimination de toutes les formes de discrimination dans le domaine de l'éducation". 10/

En considérant le contenu de l'éducation, il importe de se rappeler que les préventions qui divisent les peuples du monde et qui par moments se manifestent brutalement sous forme de conflits et de guerres ne résultent pas de la seule ignorance mais sont parfois le produit d'une éducation partiale. Développer et adopter un ensemble universel de principes d'éducation fondé peut- être, sur la Déclaration universelle des droits de l'homme, pourrait fournir un cadre unificateur dans lequel cultiver une meilleure compréhension de la diversité de l'expérience humaine. La solidité d'un tel cadre viendra de son ancrage dans le principe de l'unicité de l'humanité. L'acceptation de ce principe permettra la culture de l'unité parmi les divers membres de la famille humaine, par la prise de conscience d'aspirations humaines communes dans les divers cultures, coutumes, et tempéraments qui existent dans chaque pays et à travers le monde. L'unicité de l'humanité et l'universalité des droits de l'homme devraient être enseignées dans chaque salle de classe du monde, de même que les techniques de concertation et de résolution des conflits.

L'éducation devrait être universelle, obligatoire et gratuite. Ce but ne peut certes être atteint que s'il y a partage de responsabilité. "Chacun, homme ou femme, devrait", selon l'écrit bahà'i, "remettre une part de ses gains dans le commerce, l'agriculture ou un autre métier, au profit de la formation et l'éducation des enfants." 11/   Nous approuvons la Rapporteuse spéciale sur le droit à l'éducation, Mme Katarina Tomasevski, pour avoir abordé la question des "obstacles financiers entravant l'accès à l'enseignement primaire" dans son rapport préliminaire 12/.

Même là où les Gouvernements offrent des services éducatifs, certains groupes rencontrent encore des obstacles. L'expérience des organismes des Nations Unies et des Etats Membres dans les domaines de l'alphabétisation et de la santé publique a montré que dans divers pays certaines tranches de la population demeuraient incapables de bénéficier de tels services publics par suite de situations politiques, culturelles, ethniques, linguistiques ou géographiques. Nous soutenons donc qu'une disposition spéciale devrait s'appliquer à la protection du droit à l'éducation des groupes qui en sont privés. Nous attendons avec intérêt "l'information quantitative et qualitative disponible sur les caractéristiques du manque d'accès à l'éducation afin de définir les obstacles à la réalisation du droit à l'éducation" 13/             que la rapporteuse spéciale se propose de recueillir et d'analyser.

La priorité devrait certes être donnée à l'éducation universelle obligatoire au moment de l'enfance, mais nous sommes également convaincus que chacun tire avantage d'une éducation répartie sur la vie entière. L'UNESCO dit que l'éducation devrait instiller une soif et un désir de connaissance, 14/ et nous aimerions ajouter qu'elle devrait également développer un désir d'excellence. De telles aspirations acquises pendant l'enfance, doublées de la possibilité pendant toute sa vie de compléter l'éducation, sont les bases d'une civilisation en constante progression.

La Communauté internationale Bahà'i poursuivra ses efforts visant à soutenir une éducation qui développe la capacité individuelle et instille le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales de chacun. A cet égard, elle a le plaisir d'apporter son soutien sans réserve et sa coopération à la Rapporteuse spéciale de la Commission pour la préservation et la mise enœuvre universelle du droit à l'éducation.

Notes

1/    Commission des droits de l'homme, Résolution 1998/33, par. 6 a).

2/    Ibid., par. 6 a) ii)

3/    Ibid., par. 6 a) iii)

4/     Article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels;      article 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme

5/     L'éducation bahà'ie, recueil d'extraits des écrits bahà'is. Londres, Bahà'i Publishing Trust, 1987, p.29, par. 74.

6/     Voir le rapport à l'UNESCO de la Commission internationale sur l'éducation pour le XXIe siècle : "L'éducation: Un trésor est caché dedans".

7/    Voir la Convention relative aux droits de l'enfant, art. 29 a).

8/    Morceaux choisis de Bahà-u-Ilàh, CXXII, pp. 259-60.

9/    L'éducation bahà'ie

10/   Commission des droits de l'homme, Résolution 1998/33, par. 6 a) iii)

11/   Tablettes de Bahà-u-Ilàh p. 90

12/   E/CN.4/1999/49, par. 32-41.

13/   id., par. 59.

14/    Rapport à l'UNESCO de la Commission internationale sur l'éducation pour le XXIe siècle. Un des quatre piliers de l'éducation est d' "apprendre à connaître".

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